11 mai 2021

Les animaux fantastiques des Lalanne reprennent vie dans les jardins de Versailles

Deux ans après la mort de Claude Lalanne, qui survécut d’une dizaine d’années à son mari François-Xavier, le Château de Versailles installera au sein du jardin du petit Trianon le plus grand ensemble d’oeuvres du couple d’artistes français jamais réunies. Leurs sculptures animalières rassemblées grâce à la participation conjointe de la Galerie Mitterrand, de la famille Lalanne et de collectionneurs privés, s’offriront aux visiteurs tout l’été dès le 19 juin prochain, au gré d’un parcours allant du Petit Trianon au Hameau de la Reine, en passant par le Jardin Anglais.

François-Xavier Lalanne, “ Les Nouveaux Moutons ”, Bélier, Brebis et Agneau (1994-1996) et “ Âne Bâté ” (1985) – Galerie Mitterrand @Capucine de Chabaneix

Au cœur du jardin du petit Trianon à Versailles, dont les allées boisées et fleuries furent imaginées par la reine Marie-Antoinette en personne, apparaissent d’étranges créatures grandeur nature, telles qu’un cerf géant d’Amérique ou un wapiti, triomphant dans sa carapace de bronze. Entre précision éthologique et ambiguïté onirique, celles-ci semblent se fondre parfaitement dans le paysage de verdure qui accueillit jadis la cour des derniers rois de France. Depuis 2008, le château de Versailles s’est habitué à accueillir régulièrement des œuvres d’artistes contemporains vivants – entre autres, le peintre et sculpteur Lee Ufan en 2014, l’artiste islando-danois Olafur Eliasson en 2016, la jeune plasticienne française Marguerite Humeau aux côtés d’Ugo Rondinone et Rick Owens fin 2017, ou encore cinq photographes tels que Nan Goldin, Martin Parr et Dove Allouche en 2019 –, c’est cette fois-ci vers le couple français formé par Claude et François-Xavier Lalanne que le domaine s’est tourné pour l’été 2021. Si les deux artistes, qui ont particulièrement marqué l’histoire de la sculpture durant la seconde moitié du XXe siècle par leurs animaux en bronze, sont tous les deux décédés, l’exposition de leur travail en plein air a tout de même été permise par les prêts de la Galerie Mitterrand, de la famille Lalanne et de collectionneurs privés, réunissant ainsi le plus grand ensemble d’œuvres du duo jamais présenté à ce jour. Dès le 19 juin, dans un parcours allant du Petit Trianon au Hameau de la Reine et en passant par le Jardin Anglais, trôneront ainsi leur Wapiti réalisé en 1996 ou leur Âne Bâté de 1985. Des pièces signées individuellement par chacun des deux artistes et designers seront aussi présentes, à l’instar du troupeau des Moutons de François-Xavier Lalanne – animal fétiche du sculpteur – et le Lapin de la victoire de sa femme, Claude, juché sur ses deux pâtes de bronze, comme à l’affût des va-et-vient des visiteurs.

 

 

Avec finesse et précision, Claude Lalanne a fait pendant plus de soixante ans du métal son matériau de prédilection. Travaillant à partir des techniques d’empreinte et de moulage, la sculptrice se forme à l’École des arts décoratifs de Paris avant que plusieurs artistes de son époque ne reconnaissent son talent, à commencer par le couturier Yves Saint Laurent qui lui commande, en 1965, un bar à plusieurs plateaux agrémenté d’œufs métalliques géants. Quatre ans plus tard, le créateur français fait de nouveau appel aux services de son amie, cette fois-ci pour réaliser à même le corps des moulages du ventre et de la poitrine de Veruschka, mannequin en vogue de l’époque : ces armures féminines fragmentées viendront ensuite orner deux robes de mousseline bleue et noire du défilé automne-hiver 1969 de la maison de couture. Mais l’œuvre de Claude Lalanne saura aussi séduire des figures majeures de la musique. Sa statue de 1968 nommée L’Homme à tête de chou, représentant un homme assis avec des feuilles du légume recouvrant sa figure, provoque chez Serge Gainsbourg un impact puissant : le chanteur, qui n’assume que tardivement son visage et ses oreilles décollées, s’identifie à ce personnage hybride en bronze. Après avoir fait l’acquisition de l’œuvre, il choisit de reprendre son titre pour baptiser son album en 1976. 

François-Xavier Lalanne, Lapin à vent de Tourtour – Galerie Mitterrand @Capucine de Chabaneix

De son côté, François-Xavier Lalanne côtoie dans sa jeunesse à Paris les artistes les plus en vue de l’époque, tels que Salvador Dalí, René Magritte ou encore Constantin Brancusi, son voisin d’atelier à Montparnasse. L’homme se fait connaître pour des sculptures-mobilier fonctionnelles imprégnées d’un imaginaire bestial, comme l’emblématique secrétaire Rhinocéros dont la carapace massive, en laiton, abrite de nombreux rangements. La représentation animale est omniprésente dans les meubles qu’il dessine comme ses moutons-sièges, l’hippopotame-baignoire ou encore le gorille-cheminée. Proche comme sa femme du monde de la mode, il réalise en 1950 les décors de la boutique Dior de l’avenue Montaigne, accompagné du jeune Yves Saint Laurent, alors assistant de Christian Dior.

 

C’est en 1956, à l’occasion de la conception du jardin des Halles, que François-Xavier et Claude travaillent pour la première fois ensemble. Malheureusement, le lieu pensé comme un espace récréatif dédié aux enfants doit fermer ses portes en 2011, 25 ans après son inauguration, pour cause de non-respect des normes de sécurité. Devenus époux, les Lalanne continueront de travailler main dans la main jusqu’à la fin de leur vie, en 2008 pour lui et 2019 pour elle. Une fusion artistique que le château de Versailles compte bien faire revivre dans son décor exceptionnel, jusqu’au mois d’octobre.

 

 

Les sculptures des Lalanne prendront place dans le jardin du petit Trianon, à Versailles, du 19 juin au 10 octobre 2021.