7 fév 2022

Leonardo da Vinci: new secrets about history’s most expensive artwork revealed in a film

En 2017, le Salvator Mundi devient lors de sa vente chez Christie’s la plus chère de l’histoire. Mais la toile attribuée à Léonard de Vinci fait, depuis, l’objet de nombreuses controverses, qu’il s’agisse de son acquisition par le prince saoudien Mohamed Ben Salmane ou de sa véritable filiation. Après le journaliste français Antoine Vitkine, c’est au tour du documentariste danois Andreas Koefoed de retracer l’incroyable épopée de cette œuvre fascinante dans son film The Lost Leonardo, en salle depuis le 26 janvier.

Cinq ans après sa vente record au montant de 450 millions de dollars, le Salvator Mundi n’a pas fini de déchaîner les passions. La peinture attribuée à Léonard de Vinci, devenue lors de son passage chez Christie’s l’œuvre d’art la plus chère de l’histoire, fait l’objet d’un nouveau film signé par le Danois Andreas Koefoed, en salle depuis ce mercredi 26 janvier. Intitulé The Lost Leonardo, le documentaire paraît seulement quelques mois après la diffusion sur France 5 de celui du journaliste Antoine Vitkine, qui retraçait déjà l’itinéraire rocambolesque de l’œuvre au terme de deux ans d’enquête. Car l’affaire du Salvator Mundi a tout d’un thriller : de sa découverte dans le catalogue d’une vente à la Nouvelle Orléans à son adjudication chez Christie’s, près de 400 000 fois plus cher que son montant d’origine, en passant par son exposition à la National Gallery – puis à son absence remarquée dans la rétrospective consacrée par le musée du Louvre à Léonard de Vinci en 2019 –, son histoire est émaillée de nombreux rebondissements. D’autant plus depuis que l’on a appris l’identité de son propriétaire, le prince d’Arabie saoudite Mohamed Ben Salmane, donnant instantanément à l’œuvre une importance d’ordre politique, alors que de nombreux experts interrogent aujourd’hui sa paternité, et donc sa valeur marchande…

 

 

“Tu as vu ce tableau dans la prochaine vente aux enchères de la Nouvelle-Orléans ?” Toute l’histoire commence, en 2005, par ce coup de fil donné par le chasseur d’œuvres Alexander Parish au marchand d’art américain Robert Simon. Le premier avait en effet repéré, dans un catalogue de vente, une toile fortement abîmée représentant le Christ rédempteur, main droite levée et doigts joints en signe de bénédiction, accompagnée la mention “d’après Léonard de Vinci”. Convaincus d’avoir mis la main sur une œuvre méconnue potentiellement réalisée de la seule main du maître italien – dont seulement quatorze peintures existent aujourd’hui dans le monde – les deux hommes acquièrent alors le tableau pour la somme dérisoire de 1175 dollars. Commence alors un vaste itinéraire pour la toile, illustré par la scène d’ouverture du film d’Andreas Koefoed : à la manière du générique de la série Games of Thrones, une cartographie animée retrace son trajet autour du globe sur les seize dernières années. L’œuvre passe d’abord entre les mains de la restauratrice et spécialiste de la peinture de la Renaissance Dianne Modestini, avant de faire son apparition en 2011 sur les cimaises de la National Gallery à Londres pour la rétrospective consacrée à Léonard de Vinci – qui officialise ainsi, instantanément, sa paternité. Deux ans plus tard, en 2013, l’oligarque russe Dmitry Rybolovlev l’acquiert pour 127,5 millions de dollars, avant de s’en séparer à l’occasion de la vente Christie’s New York de 2017. C’est entre les murs de cette maison que l’œuvre marquera l’histoire, avant que le nom de son propriétaire ne soit dévoilé.

Si le film d’Andreas Koefoed ne fait aucune révélation choc par rapport au documentaire précédent, il creuse cependant les détails de l’affaire. On y retrouve en effet des personnages clés, déjà présents dans le documentaire d’Antoine Vitkine, à l’instar de l’expert Martin Kemp et de l’ex-conservateur de la National Gallery, Luke Syson, qui ont validé l’accueil du Salvator Mundi au sein de l’institution londonienne. L’homme d’affaires Yves Bouvier, lui aussi, est de retour : c’est lui qui a revendu la toile (près de deux fois plus cher) à l’oligarque russe. Plus encore que dans le film d’Antoine Vitkine, plusieurs protagonistes  affirment, face caméra, leur conviction concernant la filiation du tableau, surnommé par certains “la Mona Lisa au féminin”.  Mais c’est sans doute la prise de parole de sa restauratrice Dianne Modestini qui démarque ce film du précédent. De tous les acteurs de l’affaire, c’est elle qui a gardé le plus longtemps la toile entre les mains, et eu le loisir de l’examiner dans les moindres détails. Pas l’ombre d’un doute de son côté : la toile est l’œuvre du maître lui-même. Les nombreuses retouches qu’elle y apporte sont d’ailleurs si réussies qu’elles emporteront la conviction des experts du peintre dans le monde entier. Réputé pour son cynisme et ses sorties provocantes, le critique d’art Jerry Saltz se montre, pour sa part, beaucoup plus réservé : dénonçant l’amateurisme des experts, il affirme tout de go : “Le pire dans tout cela, c’est que ce n’est même pas une bonne peinture !” Convaincu, quant à lui, que la toile est bien signée de l’atelier de Léonard de Vinci, mais pas de la seule main du maître, l’expert Frank Zöllner, très sceptique devant sa restauration, déclare : “L’œuvre est plus Léonardesque que Léonard ne l’aurait faite !”

 

The Lost Leonardo apporte également quelques précisions bienvenues dans l’épopée du tableau. On apprend ainsi que, la veille de la vente record chez Christie’s, le futur acquéreur, Mohamed Ben Salmane, avait déjà transféré 100 millions de dollars à Christie’s – désireux de manifester son intérêt marqué pour l’objet – conduisant les organisateurs à s’interroger sur l’identité de cet étrange collectionneur qui n’était pas un habitué des enchères. Il recueille aussi le témoignage direct d’une journaliste présente, en 2019, lorsque le musée du Louvre dévoile son exposition à la presse. Alors que le doute plane – à ce moment-là – sur la présence du Salvator Mundi dans le corpus, elle raconte avoir traversé l’exposition à toute vitesse pour constater la présence d’un espace vide, délimité par quatre crochets, sur un des murs, signalant l’absence du tableau décidée à la dernière minute. Lorsque, peu après, l’exposition ouvre enfin au public, le Salvator Mundi y sera pourtant bien présenté, mais sous la forme d’une copie – appuyant les doutes soulevés par l’originale. Le film rappelle aussi que le Louvre a édité un livret confirmant l’authentification de l’œuvre, mis en vente dans la boutique avant d’être brusquement retiré. Si ce retrait a pu être interprété comme remettant en question l’authenticité du tableau, le documentaire révèle que cette volte-face hâtive pourrait bien résulter d’un autre motif : le propriétaire du Salvator Mundi Mohamed Ben Salmane aurait refusé de prêter l’œuvre, car le Louvre se serait opposé à la condition qu’il posait, désireux de renforcer l’aura internationale de son tableau : que le Salvator Mundi soit accroché à côté de la Joconde, l’œuvre la plus célèbre de l’histoire dans le musée le plus visité du monde.

 

Malgré ces divers travaux et enquêtes, d’importantes zones d’ombre subsistent toujours dans l’affaire du Salvator Mundi. Ni la National Gallery, ni le Louvre n’ont souhaité s’exprimer sur le sujet ou rendre publics les résultats de leur expertise. Le mystère plane également sur la localisation exacte de l’œuvre. Le journaliste Kenny Schachter est le dernier à avoir révélé en 2019 sa présence à bord du yacht de Mohamed Ben Salmane, mais impossible de savoir si elle s’y trouve toujours aujourd’hui – certains imaginent sa future résurgence dans un musée dédié en Arabie saoudite. Au fil de ses 1h40 et de sa mise en scène un brin sensationnaliste, The Lost Leonardo permet de rentrer dans le détail de cette affaire palpitante, nourrie par les propos de ses 25 intervenants. Une affaire à l’ampleur impressionnante qui, comme le résume le sous-titre du film, met au jour les rapports contemporains entre art, argent et, surtout, pouvoir.

 

 

The Lost Leonardo d’Andreas Koefoed, en salle depuis le 26 janvier.