3 mai 2021

L’artiste David Hammons érige une architecture fantôme sur la baie de New York

Depuis sept ans, au bord du fleuve Hudson à New York, l’artiste David Hammons et le Whitney Museum of American art bâtissent une sculpture en acier entre terre et eau. L’œuvre monumentale reprend la structure d’un ancien entrepôt, depuis détruit, investi clandestinement en 1975 par l’artiste Gordon Matta-Clark. 

Alors que le printemps s’installe à New York, la baie du fleuve Hudson enrichit son paysage d’un nouvel invité. Le long des espaces verts qui jalonnent le cours d’eau, une structure publique y a progressivement fait son apparition ces dernières années au niveau de la Pier 52, non loin des quartiers de Chelsea et Greenwich Village : des tiges d’acier brossé bleu électrique dessinent dans l’espace les contours d’une usine invisible, longue de près de cent mètres et haute d’environ seize mètres. Alors que ses pieds se posent, d’un côté, sur le terre-plein, les poteaux en béton l’ancrent dans le fleuve de l’autre côté. Installée ainsi entre terre et eau, cette architecture ouverte n’est en fait pas l’œuvre d’un architecte mais d’un plasticien, figure majeure de l’art contemporain aux Etats-Unis : David Hammons. Connu depuis cinquante ans pour son œuvre s’emparant avec férocité des questions politiques et sociales, tout particulièrement reliées aux expériences de la communauté afro-américaine aux États-Unis, le septuagénaire n’a cessé au fil de sa carrière de surprendre le public en utilisant des formats très divers, de ses peintures figuratives et engagées à sculptures et installations d’ampleur, en passant par ses vidéos à ses performances, telles que les Body Prints dans les années 60 – séances d’impressions de pigments et graphite utilisant son propre corps. Un positionnement et une carrière qui conduisent le Whitney Museum, grand musée new-yorkais consacré à l’art américain, à lancer sur son initiative en 2014 ce projet d’œuvre publique permanente pour la ville de New York, où l’artiste vit depuis plus de cinquante ans.

 

 

Si la sculpture édifiée par David Hammons a des airs d’esquisse fantomatique, c’est sans doute parce qu’elle matérialise un bâtiment existant. L’entrepôt qui occupait jadis cette même place sur la Pier 52 avait en 1975 été investi par une autre grande figure de l’art américain : Gordon Matta-Clark, célèbre pour ses œuvres et installations architecturales réalisées sur site. L’artiste s’était à l’époque approprié l’édifice et en avait fait sa propre œuvre d’art en gravant ses murs sans l’autorisation de la ville de New York, qui avait par la suite porté plainte contre lui avant de renoncer aux charges. Laissé ensuite à l’abandon, le bâtiment est devenu un lieu de rencontres gays clandestines avant d’être détruit. C’est toute cette histoire qu’a souhaité raviver David Hammons. En reprenant les lignes fortes de l’entrepôt, ses dimensions et sa position exactes sur le front de mer, jusqu’au titre Day’s End (“La fin de la journée”) qui lui avait été donné par Gordon Matta-Clark, l’artiste en fait un monument hommage à son prédécesseur, disparu prématurément en 1978 des suites d’un cancer. Afin de réaliser ce nouveau projet monumental et ambitieux, sept années de réalisation ont été nécessaires, délais rallongés par le contexte sanitaire. L’œuvre bientôt terminée sera inaugurée officiellement le 16 mai, à l’heure où New York reprend progressivement une vie normale.

 

 

Découvrez le portrait de David Hammons par Muna El Fituri pour Numéro art.