Julie Molinié, jeune talent de la création graphique 3D
Elle évolue au carrefour de deux univers encore très masculins : le rap et le graphisme 3D. A 24 ans, Julie Molinié a notamment réalisé tous les derniers visuels qui ont permis à S.Pri Noir de teaser la sortie de son nouvel album, Etat d’esprit, sorti en plein confinement.
Par Delphine Roche.
En parfaite corrélation avec son univers, les animations du teasing de l’album de S.Pri Noir montraient le rappeur marchant de façon un rien robotique dans un paysage d’immeubles futuristes… Ou encore, son alter-ego 3D, comme moulé dans du métal liquide, enlaçant une jeune fille aux traits tout aussi lisses et abstraits… “J’avais déjà travaillé pour lui à l’occasion de son premier album, explique Julie Molinié. Cette fois, il a vu que Future et Drake commençaient à proposer des animations sur leur compte Spotify américain, et il m’a dit qu’il aimerait faire la même chose. J’ai donc scanné S.Pri en entier, et nous avons imaginé un style rétrofuturiste, jeu vidéo. Moi, ça me parle ; ça fait partie des inspirations qu’on a en commun. S.Pri est proche de Laylow, tous deux sont des artistes qui connaissent aussi la technique vidéo ou digitale, du coup on peut aller expérimenter des choses ensemble.”
Après des études de cinéma, la jeune femme ouvre son oeil sur toutes les formes artistiques, la musique, la mode, l’architecture… et passe une année aux Beaux-Arts. Finalement, elle monte à Paris et se voit proposer de travailler en tant que directrice artistique pour des petits labels de musique, puis peu à peu, pour des labels plus importants. Elle décide également de se former à la conception 3D. “Je suis autodidacte en la matière, je passe ma vie à regarder des tutoriels, explique-t-elle. J’essaye d’apprendre constamment, et si un artiste me demande de réaliser quelque chose que je ne sais pas faire, je lui dis : ‘Laisse-moi chercher deux minutes, je sens que je suis capable de le faire.’ Et je m’évertue à trouver la solution. Ce qui est passionnant, c’est que la 3D commence à fortement émerger dans le vocabulaire visuel du rap américain, qu’il s’agisse de Travis Scott, Gunna, Young Dolph… cela commence même à définir une identité de genre, comme le font certains types de productions sonores.”
Sur la scène des graphistes 3D français innovants, parmi lesquels rayonne notamment le collectif de directeurs artistiques Golgotha, Julie Molinié fait partie des rares signatures féminines. Ses affinités pour le rap la poussent souvent, dans sa vie professionnelle, à se retrouver “la seule fille dans la pièce, entourée uniquement de mecs.” Contactée aussi bien par les Américains que par les Français, elle jongle entre les continents et les langues, entre les cadors et les jeunes pousses, se réservant le droit d’oeuvrer pour un talent émergent qui n’aurait encore que 300 abonnés sur Soundcloud, si le coup de foudre opère. Parmi ses influences musicales, elle cite notamment, en vraie connaisseuse du genre, les ténors du sud des Etats-Unis, qui ont formé dans les 90s le son de Memphis, Three 6 Mafia, d’où a emergé en solo l’inénarrable Juicy J, éternel phénix capable de rester pertinent encore aujourd’hui, ou encore le jeune Chief Keef. Et puisque l’univers du rap français n’a de cesse, depuis quelques années, de gagner en sophistication visuelle, Julie Molinié entend fermement apporter sa pierre à ce bel édifice, en gardant une porte ouverte sur les Etats-Unis.
Découvrez les créations de Julie Molinié sur son compte Instagram: @julie.molinie