Ernesto Neto au Grand Palais : 3 choses à savoir sur l’artiste brésilien
Jusqu’au 25 juillet 2025, Ernesto Neto envahit la nef du Grand Palais de ses immenses sculptures textiles, odorantes et sinueuses. Une nouvelle création monumentale et multisensorielle qui nous plonge dans son univers empreint de mysticisme…
Par Jordan Bako,
1. Ernesto Neto dévoile une monumentale installation en crochet au Grand Palais
Après les centaines de fils rouges de l’artiste japonaise Chiharu Shiota au début de l’année 2025, le Grand Palais accueille cet été une nouvelle installation textile monumentale. Sous la partie droite de la nef tout récemment restaurée, la structure en crochet multicolore d’Ernesto Neto contraste avec les colonnes en fer forgé auxquels ils sont suspendus.
Invités à la traverser (à condition de retirer ses chaussures), les visiteurs sont ainsi immergés dans une curieuse atmosphère odorante. Une œuvre qui n’est pas sans rappeler celle que l’artiste brésilien installait, en janvier dernier, entre les célèbres escaliers du Bon Marché.
Cousus sur les fils, des morceaux d’écorces, de terre et d’épices diffusent des effluves et composent un parcours sensoriel, représentatif du travail d’Ernesto Neto. Semblable à un grand bateau – comme l’évoque son titre Nosso Barco Tambor Terra – , l’installation a nécessité plus de 5 000 mètres de chintz (toile de coton brésilienne) et renferme en son sein des tambours, dissimulés sous des avalanches de tissus colorés, dont chacun peut s’emparer pour jouer sa propre mélodie.
Emprisonnés dans des filets, des sacs de riz, de maïs et de haricots, parsèment le parcours de cette œuvre immersive. Les visiteurs sont également invités à s’asseoir, le temps de quelques instants, sur des petits coussins installés çà et là… Et créent ainsi une expérience universelle et fédératrice, dans le sillage thématique du travail d’Ernesto Neto.
Figurant parmi les plus grandes installations jamais érigées par le plasticien brésilien, elle renoue avec les premières œuvres qui ont fait son succès à la fin des années 90, de la suspension rectangulaire Navedenga (1998) aux sculptures ovoïdes The Ovaloids Meeting (1998).
2. Son initiation à l’Ayahuasca a bouleversé son rapport au sacré et à la nature
Au début des années 2010, Ernesto Neto se rapproche du peuple des Huni Kuin, une communauté autochtone brésilienne qui jouxte la frontière brésilienne. Ces derniers introduisent l’artiste à leurs connaissances en botanique, à leurs rituels de guérison mais aussi à leurs rites spirituels. À leurs côtés, Ernesto Neto est initié à l’ayahuasca. Un breuvage hallucinogène élaboré à partir de lianes d’une plante indigène, consommé dans l’optique de vivre une expérience mystique proche de la transe.
Si le plasticien s’est toujours pris de passion pour les mythologies – comme en témoignait son installation Leviathan Thot, présentée au Panthéon parisien en 2006 –, sa pratique artistique est alors bouleversée par cette expérience inédite. Son univers se teinte progressivement des couleurs aperçues lors de cet épisode, qu’il décrit comme un voyage spirituel.
Les stigmates de cette transe s’observent par exemple à la Biennale de Venise en 2017. Ernesto Neto investissait alors le Pavillon des Chamans. Intitulée Un espace sacré, son installation y prenait l’apparence d’une tente Cupixawa, un espace de sociabilité indigène dédié aux rassemblements spirituels et politiques. Multicolores, les mailles tissées au crochet de l’œuvre étaient semblables à des yeux qui scrutent le spectateur.
3. L’une de ses œuvres textiles a requis plus de 500 kilos d’épices
En 2018, Ernesto Neto réalise une sculpture monumentale nommée GaiaMotherLand dans la gare centrale de Zurich, en Suisse. L’œuvre toise la station de sa hauteur, atteignant presque 20 mètres de haut. Composée de rubans multicolores de coton noués à la main, elle emprisonne en elle plus de 500 kilogrammes d’épices. Du poivre, du curcuma ou encore du cumin, qui diffusent leur odeur enivrante dans l’espace public.
Nécessitant 10 220 mètres d’étoffe de coton et plusieurs semaines de travail, la structure surplombe le lieu. Ses kilos d’épices moulues flottent au dessus des 840 kilos de terre qui ancrent l’œuvre au sol. Présentée par la Fondation Beyeler, l’installation tient ainsi seulement grâce aux contrepoids accrochés aux poutres métalliques du plafond du hall de la gare.
À l’instar d’artistes tels que Tomàs Saraceno et Chiharu Shiota, Ernesto Neto souhaite créer des expériences multisensorielles. Celles-ci brisent ainsi la vitre, invisible mais bien présente, traditionnellement installée entre le visiteur et l’œuvre d’art. De la gare de Zurich comme au Grand Palais, le spectateur est invité à profiter d’une expérience immersive. À prendre le temps de se déchausser, d’effleurer, de toucher les structures de l’artiste tissées à l’origine dans son atelier situé dans sa ville natale – et d’en humer les effluves. À Paris, c’est un savant mélange d’écorces et d’épices qui complètent l’immersion au sein de cette monumentale installation.
“Ernesto Neto. Nosso Barco Tambor Terra”, exposition jusqu’au 25 juillet 2025 au Grand Palais, Paris 8e.