Basquiat Soundtracks : 3 choses à retenir de l’exposition à la Philharmonie de Paris
Une platine vinyle, deux toiles, quatre pinceaux et des pots de peinture… Voici ce que l’on pouvait trouver pêle-mêle dans l’atelier new-yorkais de l’immense artiste Jean-Michel Basquiat dans les années 1980. Du 6 avril au 30 juillet 2023, la Philharmonie de Paris rend un hommage vibrant à la place qu’occupait la musique au sein de l’œuvre du peintre à travers l’exposition “Basquiat Soundtracks”.
par Nathan Merchadier.
1. L’influence de la musique dans l’œuvre et la vie de Jean-Michel Basquiat
Quelques disques de jazz qui tournent en fond tandis que dehors, les sirènes des voitures de police retentissent jusqu’à vous percer les tympans. C’est ainsi que l’on s’imagine l’atmosphère de l’atelier new-yorkais de Jean-Michel Basquiat, après avoir visité l’exposition dédiée au peintre à la Philharmonie de Paris. Le titre de l’exposition qui démarre ce jeudi 6 avril, “Basquiat Soundtracks”, n’est pas mensonger. Du “son”, il y en a partout. En déambulant dans les salles, on découvre les œuvres du célèbre artiste né à Brooklyn (New York) en 1960, une sorte de cacophonie, créative et musicale, nous assaille de tous les côtés. Le plafond, les murs et les toiles se muent en nouveaux espaces d’exposition. Tout devient support. L’effervescence environnante inspire autant qu’elle n’interpelle. Les amis et les proches du célèbre peintre ayant déjà visité son atelier de la Crosby Street s’en souviennent, Basquiat s’entourait de musique et d’images pour créer.
Fervent consommateur de be-bop (un genre musical à l’avant-garde du jazz), Basquiat a laissé les notes de trompette et de saxophone propres à cette musique, infuser son travail jusqu’à apparaître parfois clairement dans ses œuvres. Dans l’une de ses imposantes toiles intitulée King Zulu (1986) l’artiste représente ainsi un musicien (probablement Charlie Parker, l’un des fondateurs du mouvement be-bop) saisissant l’un de ces objets en laiton sur le fond d’un bleu profond. Si certaines de ses œuvres les plus connues s’arrachent aujourd’hui aux enchères à plus de 100 millions de dollars (Versus Medici, 1982), d’autres, moins célèbres (imaginées à l’époque où il signait encore ses graffitis sous le nom de SAMO) s’exposent à la Philharmonie.
Dans les couloirs du lieu d’exposition niché dans le nord-est de Paris, s’accumulent, entre deux peintures, des disques que collectionnait Jean-Michel Basquiat. Il en possédait une ribambelle, (près de 3000), enregistrés par des groupes de jazz inconnus en passant par ceux de groupes de rap populaires (Run–DMC) ou de musiciens classique (Beethoven). En approchant de la fin de l’exposition, un large diptyque recouvre les murs immaculés de la salle. Il semble cristalliser l’idée même de l’exposition. Quelques mois avant sa mort, en 1988, Basquiat peint Eroica I et Eroica II, deux toiles complémentaires en référence à la Symphonie n°3 de Beethoven. Au plafond, quelques hauts-parleurs dissimulés diffusent l’œuvre culte du compositeur allemand. C’est sur cette salle qui nous plonge dans l’intimité de Jean-Michel Basquiat, que l’exposition se clôt. Comme lorsque le 12 août 1988, son cœur s’est arrêté de battre. La musique aura donc accompagné l’artiste jusqu’à la fin de ses jours et l’exposition “Basquiat Soundtracks” le retranscrit avec une justesse déconcertante.
2. Basquiat et son groupe de musique : la courte histoire de Gray
Autre versant de l’œuvre du peintre Jean-Michel Basquiat abordé au cours de l’exposition : son expérience musicale au sein du groupe Gray. Alors qu’il fréquente à l’aube des années 1980 la scène musicale underground de New York, il fait la rencontre du cinéaste et musicien Michael Holman avec qui il décide de former une troupe se revendiquant d’une certaine expérimentation sonore. Shannon Dawson (à la trompette) et Wayne Clifford (au clavier) les rejoignent tandis que Basquiat s’attaque de son côté à la clarinette et à la guitare. L’acteur et réalisateur Vincent Gallo y fait même un détour avant que le groupe ne s’essouffle en 1981. Ils réalisent quelques titres ensembles, infusés de sonorités no wave, se produisent dans des clubs tels que le CBGB, le Hurrah ou encore le Mudd Club mais ne sortent aucun album du vivant de Basquiat. L’exposition Basquiat Soundtracks retrace ainsi la (courte) histoire de cette formation musicale – essentielle à la compréhension de l’œuvre de Jean-Michel Basquiat – en présentant des affiches de leurs concerts et en diffusant leurs titres qui font parfois grésiller les enceintes.
3. Les amitiés (et les amours) de Basquiat avec les artistes de la scène musicale new-yorkaise
Enfin, il semble difficile d’évoquer le rapport fusionnel de la musique avec l’œuvre de Jean-Michel Basquiat sans parler de ses fréquentations avec d’autres artistes marquants de la scène musicale de l’époque. Capturées par la photographe et styliste Maripol, quelques dizaines de polaroïds rarement exposés présentent ainsi le peintre aux côtés de Madonna (avec qui il a vécu une turbulente histoire d’amour en 1983), Keith Haring, Yoko Ono ou encore Boy George dans le tumulte et la débauche des soirées de l’époque. Dans une pièce sombre, assaillis de toutes parts par des savants jeux de stroboscopes, on est plongé durant l’exposition parisienne dans une ambiance de fête, rappelant les clubs fréquentées par le peintre dans les années 1980. Au mythique Mudd Club, la photographe Maripol croise et immortalise régulièrement le jeune peintre qui affirme s’y être rendu très fréquemment pendant une période de deux ans. Tant de souvenirs figés d’une époque où la scène artistique émergente de New York était l’une des plus effervescentes du monde.
L’exposition Basquiat Soundtracks à la Philharmonie de Paris (Paris, XIXe), du 6 avril au 30 juillet 2023.