Serpentine : 5 pavillons exceptionnels qui ont marqué l’histoire
Depuis 2000, la Serpentine de Londres inaugure chaque été un pavillon éphémère dans les jardins de Kensington, imaginé par des pointures de l’art et de l’architecture contemporains. Alors que l’institution britannique vient d’inaugurer une nouvelle structure signée par Minsuk Cho, retour sur cinq pavillons qui ont marqué ces deux dernières décennies, réalisés par Zaha Hadid, Frank Gehry ou encore Olafur Eliasson.
Par Camille Bois-Martin.
Le pavillon collaboratif de Minsuk Cho (2024)
Dans les jardins de Kensington, la Serpentine invite cet été l’architecte sud-coréen Minsuk Cho à inaugurer son 23e pavillon d’été. À rebours des éditions précédentes, ce nouveau projet mise… sur le vide. Intitulé Archipelagic Void, l’installation se compose de cinq îlots distincts, déployés autour d’une cour circulaire laissée vacante, semblable aux madangs intérieurs des maisons coréennes traditionnelles. Dans le sillage de ses édifices érigés en Corée du Sud, où les espaces urbains surpeuplés deviennent des lieux de rencontres et de repos, Minsuk Cho imagine ici un complexe de de bâtiments propices aux activités estivales de la Serpentine, destinées à réunir autant les promeneurs d’Hyde Park que les amateurs d’art aguerris.
Alors que le premier ilôt, situé à l’entrée, accueille une installation sonore du musicien et compositeur Jang Young-Gyu où se mêlent des enregistrements capturés dans les jardins de Kensington à des morceaux de musique traditionnelle coréenne, un second espace plus silencieux est lui “envahi” par l’artiste malaisien Heman Chong, qui propose à chacun de découvrir et de participer à une bibliothèque “vivante”, remplie de livres jamais ouverts par leurs propriétaires… Côté est, l’architecte sud-coréen installe également un salon de thé, en référence à l’histoire de la Serpentine – qui était originellement une teahouse, de son ouverture en 1934 aux années 60 –, face à un large auditorium où seront organisés tout l’été concerts, conférences et spectacle.À côté, une tour pyramidale recouverte d’un filet orange permettra de grimper pour admirer la structure dans son ensemble. Un édifice collaboratif, proposant une architecture vivante et anti-autoritaire, qui invite à être explorée, escaladée… Bref, expérimentée.
“Archipelagic Void” par Minsuk Cho, jusqu’au 27 octobre 2024, Serpentine Gallery, Jardins de Kensington, Hyde Park, Londres.
Le pavillon immersif de Theaster Gates (2022)
Sur l’herbe verdoyante d’Hyde Park, un colossal bâtiment circulaire en bois semblait s’être élevé des entrailles de la terre il y a deux ans. Au pied de la porte de ce pavillon gît une cloche, récupérée au sein d’une ancienne église du 20e siècle dans le sud de Chicago, ville d’origine et de résidence de Theaster Gates, auteur du projet. Installation sacrée ou architecture contemporaine, le doute est alors semé… Conçu en 2022 par l’artiste afro-américain en collaboration avec l’architecte britannique David Adjave, l’édifice se distingue du reste des projets de la Serpentine Gallery par sa taille, plus restreinte, mais aussi par sa façade sombre et épurée, réduite à quelque panneaux de bois noir cylindriques ponctués de deux ouvertures rectangulaires en enfilade.
Exit les artifices architecturaux impressionnants, remplacés ici par une installation saisissante, qui intrigue autant qu’elle émeut. Résumé à un seul espace circulaire, ce pavillon intitulé Black Chapel projette ses visiteurs dans un espace solennel, illuminé par la lumière naturelle au gré d’une ouverture circulaire au centre du plafond. Sur les parois, sept peintures en goudron rendent au hommage au père couvreur de l’artiste, reprenant l’une des techniques que ce dernier lui a transmises. Une architecture immersive rythmée par le sons de la cloche installée à l’entrée, qui signalait alors chacun des évènements organisés en son sein.
Le pavillon de bois et de verre de Frank Gehry (2008)
En 2008, la Serpentine invite l’une des plus grandes stars internationales de l’architecture : Frank Gehry. Contrastant avec la vaste pelouse de Hyde Park par sa monumentalité, son immense squelette de bois se compose de plafonds de verre et de quatre colonnes d’acier massives. Un ensemble d’apparence faussement désordonnée et organique, dont on remarque aujourd’hui la ressemblance avec l’un des futurs grands projets de Gehry : la Fondation Louis Vuitton, qu’il dévoilera huit ans plus tard.
De ses courbes à son ampleur, on retrouve au sein du pavillon tout l’expressionnisme architectural signature de l’architecte américano-canadien, dont les formes déconstruites invitent ici à une expérience hors du temps, au gré de terrasses et de banc intégrés à l’intérieur de la structure, formant un large amphithéâtre et offrant autant un espace de promenade de jour, qu’un lieu de conférences et de spectacles à la nuit tombée… Reflet de la curiosité de son auteur, cette structure se fonde sur des inspirations aussi éclectiques que surprenantes, puisant autant dans les plans de catapultes de bois imaginés par Léonard de Vinci à la fin du 15e siècle, que dans les motifs rayés des cabanes de plages normandes. Autant d’influences qui permettront à Frank Gehry de transformer, pendant quelques mois, les jardins de Kensington en musée à ciel ouvert.
Le pavillon entre art et nature d’Olafur Eliasson (2007)
Fort du succès de son monumental soleil qui embrasait le hall de la Tate Modern en 2003 (The Weather Project), Olafur Eliasson s’attaque, quatre ans plus tard, à un nouveau lieu emblématique de la capitale britannique : les jardins de Kensington. Pour son pavillon d’été, l’artiste islando-danois explore son thème de prédilection : la nature et sa puissance, écrasante, face à l’espèce humaine. Habitué pour cela à travailler avec les éléments tels que l’eau – à l’image notamment des cascades de 30 mètres de haut qu’il installera sur l’East River de New York un an plus tard –, la glace ou encore le brouillard, il se concentrera ici sur un principe géométrique fondateur dans le monde naturel, qui conditionne notre vision : le nombre d’or, tel qu’on le retrouve dans la forme du nautile. imaginant une structure bois, toujours dans les dimensions colossales qui caractérisent la plupart de ses projets.
Longue de 140 mètres, une rampe s’enroule en spirale autour du bâtiment en bois, où des cordes torsadées donnent l’impression d’une boucle infinie. Ce mouvement circulaire embarque alors les promeneurs, depuis le noyau intérieur de l’édifice jusqu’à son toit, offrant une vue panoramique sur la nature environnante. Un projet aussi spectaculaire que dynamique, imaginé en collaboration avec l’architecte norvégien Kjetil Thorsen.
Le pavillon extraterrestre de Zaha Hadid (2000)
En 2000, un large vaisseau spatial semble avoir atterri dans l’herbe des jardins de Kensington… Immaculée, sa toiture oviforme abrite un large bâtiment de 600m2, dont les murs sont entièrement recouverts de baies vitrées incurvées. À l’intérieur, conférences, concerts et dîners de gala animent une immense salle sobre et épurée, à peine décorée de quelques chaises et de quelques tables. Signé de la célèbre architecte anglo-irakienne Zaha Hadid, l’édifice marque les 30 ans d’existence de la Serpentine et inaugure son tout premier projet de pavillon d’été.
Semblable à un large chapiteau, le bâtiment éphémère en acier offre une illusion de solidité, tandis que les courbes de son toit, évoquant un morceau de papier plié et replié, créent une impression de mouvement, et définissent à l’intérieur de l’édifice plusieurs espaces distincts. Évoluant au fil des mois selon les intempéries, ces derniers créent une impression de mouvement perpétuel… Un contraste esthétique fort face au bâtiment adjacent en pierres de la Serpentine, qui ouvrira la voie à plus de vingt ans de collaborations avec des architectes et artistes de renom, proposant chaque année un nouveau lieu éphémère à l’image de leurs univers singuliers.