Emma Stone récompensée à la Mostra de Venise pour Pauvres Créatures
Après une édition marquée par les polémiques, le festival de la Mostra de Venise 2023 a rendu son verdict, couronnant Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone. Un film déjà favori pour les Oscars.
par Olivier Joyard.
Une édition 2023 de la Mostra de Venise en demi-teinte
Le jury présidé par Damien Chazelle, auquel participaient notamment les réalisatrices Mia Hansen-Løve et Jane Campion, a rendu son verdict à l’issue d’une édition 2023 de la Mostra de Venise secouée par la présence polémique de trois auteurs accusés de violences sexuelles (Luc Besson, Roman Polanski et Woody Allen) ainsi que par l’écho de la grève en cours à Hollywood, où se joue l’avenir du cinéma et des séries au temps des plateformes. La question de l’intelligence artificielle est désormais sur toutes les lèvres. Sur scène, Peter Sarsgaard, couronné par le “prix du meilleur acteur” pour son rôle dans Memory du mexicain Michel Franco, a d’ailleurs fait référence aux négociations en cours dans un discours habité, fustigeant la tentation des grands studios de se passer des êtres humains…
Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos avec Emma Stone remporte le Lion d’or à la Mostra de Venise 2023
Il y a eu lors de cette 80e édition (un peu) moins de stars américaines, mais de nombreux films attendus, à commencer par le Lion d’or peu surprenant offert au chouchou grec de Hollywood, Yórgos Lánthimos. Déjà primé à Cannes mais jamais couronné, l’auteur de La Favorite a raflé cette fois la mise suprême grâce à sa revisite du mythe de Frankenstein avec Emma Stone, Pauvres créatures (sortie le 17 janvier 2024), dans son style baroque caractéristique taillé pour le goût international. Avec les triomphes successifs de Ruben Östlund à Cannes, une tendance se dessine autour d’un cinéma d’auteur démonstratif, parfois inventif mais souvent boursouflé. Le jury a pris position en faveur de cette tendance, tout en reconnaissant l’existence d’une autre tradition plus discrète de la mise en scène et du récit, représentée cette année par le brillant japonais Ryusuke Hamaguchi (déjà auteur de Drive My Car), reparti de la lagune avec le Lion d’argent pour Le Mal n’existe pas. Au centre de ce récit politique et écologique, le destin d’une ville de campagne aux proies avec un projet touristique absurde…
Le palmarès a également mis en avant l’Italien Matteo Garrone (Lion d’argent de la meilleure réalisation pour Moi, capitaine) et la Polonaise Agnieszka Holland (“prix spécial du Jury” pour Green Borders), distinguant deux films qui évoquent les flux migratoires actuels et leur violence. Parmi les oubliés figure le fascinant La Bête (sortie le 28 février 2024) de Bertrand Bonello, film-monstre avec Léa Seydoux qui mêle une histoire d’amour à travers le temps avec un commentaire féroce sur les tentations déréalisantes de notre époque. Enfin, cette édition 2023 de la Mostra de Venise a permis la révélation d’une futur star. L’Américaine Cailee Spaeny, “coupe Volpi de la meilleure actrice”, incarne dans le très beau Priscilla de Sofia Coppola celle qui fut l’épouse d’Elvis Presley. À vingt-six ans, la native du Missouri explose dans ce biopic dévoilant la rencontre de Priscilla Presley avec le King et leur relation inégalitaire, lui multipliant les infidélités, elle quasi recluse. Un beau conte moderne à la fois doux et incisif, porté par une comédienne qui rend palpable de façon extraordinaire les métamorphoses de son personnage.
Pauvres créatures (Poor things) de Yórgos Lánthimos avec Emma Stone, au cinéma le 17 janvier 2024.
Le palmarès complet :
Lion d’or du meilleur film :
Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos
Lion d’argent, grand prix du jury :
Aku Wa Sonzai Shinai (Evil Does Not Exist) de Ryusuke Hamaguchi
Lion d’argent, meilleure réalisation :
Matteo Garrone pour Io Capitano
Coupe Volpi de la meilleure actrice :
Cailee Spaeny pour Priscilla de Sofia Coppola
Coupe Volpi du meilleur acteur :
Peter Sarsgaard pour Memory de Michel Franco
Meilleur scénario :
Guillermo Calderón et Pablo Larraín pour El Conde de Pablo Larraín
Prix spécial du jury :
Zielona granica (Green Border) d’Agnieszka Holland
Prix Marcello Mastroianni de l’acteur émergent :
Seydou Sarr pour Io Capitano de Matteo Garrone