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Qui est Marguerite, la nouvelle étoile tout sauf académique de la chanson française ?
Ce vendredi 26 septembre 2025, la chanteuse parisienne Marguerite, révélée au grand public par la Star Academy, franchit une nouvelle étape en dévoilant son tout premier EP. Intitulé Grandir, ce court disque aux textes intimes où résonnent les influences de Lily Allen et de Billie Eilish, dresse le portrait d’une artiste bien ancrée dans son époque. Et qui pourrait bien marquer la scène francophone.
par Nathan Merchadier.
L’ascension de Marguerite, de la Star Academy à l’EP Grandir
Avec la chanson les filles, les meufs (2025), certifié single d’or et largement repris sur TikTok, Marguerite s’est imposée comme l’une des jeunes voix les plus prometteuses de la scène musicale française. Et l’ascension de la jeune artiste, repérée à la Star Academy continue de s’affirmer…
À 24 ans, l’auteure-compositrice parisienne dévoile, ce vendredi 26 septembre 2025, Grandir, un premier EP en forme de récit initiatique qui retrace le passage de l’enfance à l’adolescence vers l’âge adulte. Nourrie aussi bien par la littérature (de Marguerite Duras à Annie Ernaux) que par des figures incontournables de la pop comme Lily Allen ou Billie Eilish, Marguerite revendique une écriture exigeante, presque théâtrale. De quoi se démarquer dans le paysage sonore hexagonal. Rencontre avec une jeune femme à suivre de près.

L’interview de la chanteuse Marguerite
Numéro : Votre titre les filles, les meufs (2025) est devenu un véritable tube notamment sur TikTok. Vous vous livrez sur votre bisexualité sans détours. Comment vivez-vous le fait que cette chanson ait dépassé votre histoire pour toucher un public si large ?
Marguerite : Quand j’ai écrit les filles, les meufs, je savais que c’était une chanson très personnelle. Si je n’avais pas voulu qu’elle existe comme telle, je l’aurais imaginée différemment. Ce qui m’a surprise, ce n’est pas tant de l’avoir livrée au public, mais l’ampleur qu’elle a prise. Car elle a trouvé un écho bien plus large, au point de ne plus m’appartenir. C’est parfois difficile parce qu’une telle exposition entraîne aussi des jugements, surtout de la part de personnes qui n’ont pas forcément l’habitude d’entendre ce genre de discours. Mais au fond, ça n’a pas d’importance. Le plus précieux, c’est d’avoir pu offrir aux autres ce que j’aurais aimé trouver moi-même dans une chanson quand j’étais jeune.
Votre EP Grandir commence avec le titre Fée, qui était le surnom donné par vos parents. Est-ce une façon de revendiquer la petite fille que vous étiez ?
Marguerite : Fée est une chanson en plusieurs chapitres. Je voulais que l’on traverse des portes et que l’on passe d’une étape à une autre en écoutant ce titre. Le morceau commence dans l’enfance, continue avec l’adolescence et se termine dans le présent, avec la jeune femme que je suis aujourd’hui. Ce n’est pas anodin, car c’est la première chanson que j’ai écrite et composée en studio. Mon premier réflexe a été de plonger dans mes souvenirs d’enfance et de retrouver ce regard-là pour commencer à raconter le monde.


“Pour moi, une chanson doit être un récit en mouvement, pas juste une photographie figée.” Marguerite
Vous avez grandi entre les bancs de l’église puis est arrivé le théâtre. Comment ces expériences ont-elles façonné votre rapport à la création ?
J’ai grandi dans un milieu assez traditionnel, dans une famille catholique. Mais mes parents m’ont transmis une vraie ouverture d’esprit. Ils m’ont toujours encouragée à remettre en question ce qu’on me disait et à me forger ma propre opinion. Quant au théâtre, il m’a permis d’explorer des sujets de société auxquels je n’avais pas forcément accès dans mon école privée. Et même si le Cours Florent reste un endroit très privilégié, j’y ai trouvé un terrain d’expérimentation, où je pouvais tester d’autres manières de faire, parfois à contre-courant des conseils qu’on me donnait. C’est un peu devenu ma façon de fonctionner, quel que soit le cadre, y compris à la Star Academy. J’étais consciente d’évoluer dans une émission diffusée par TF1, avec ses codes et son format très balisé. Mais dès que j’avais la possibilité de décaler les choses, de bousculer un peu le cadre, j’ai essayé de le faire.
Votre univers semble en effet nourri d’une forme de théâtralité…
Cette imprégnation théâtrale est restée très présente dans ma manière d’écrire. J’aime que, dès le deuxième couplet, le “personnage” de la chanson avance dans sa réflexion, qu’une nouvelle question surgisse. Pour moi, une chanson doit être un récit en mouvement, pas juste une photographie figée.
“Quand j’ai découvert des écrivaines comme Annie Ernaux, j’ai compris qu’il existait un regard féminin singulier, un female gaze en littérature.” Marguerite
Dans votre écriture, on retrouve une grande attention portée aux mots. Vous dites même être “malade d’alexandrins”. Qu’est-ce que la littérature (Marguerite Duras, Annie Ernaux, Virginie Despentes…) apporte à votre façon de composer ?
J’ai toujours beaucoup lu. Le théâtre m’y a poussée très tôt, parce qu’une pièce, ce n’est pas seulement du texte, c’est aussi l’imagination de la mise en scène, des voix, des corps. Je crois que ça a façonné mon rapport aux mots et mon exigence dans la construction des phrases. Très souvent, j’écris ce que j’aimerais moi-même lire. La lecture m’a aussi ouvert à des thématiques dont j’ai envie de parler dans mes chansons. Quand j’ai découvert des écrivaines comme Annie Ernaux, avec Les Années (2008) ou L’Événement (2000), j’ai compris qu’il existait un regard féminin singulier, l’équivalent d’un female gaze en littérature. Ça m’a bouleversée. Depuis, j’essaie dans mes textes de provoquer ce sentiment-là : que les gens qui m’écoutent se sentent représentés, qu’ils se disent : “Elle parle de moi, elle raconte quelque chose que j’ai vécu aussi”.
Vous citez parmi vos influences des artistes très différents, de Michel Berger à Billie Eilish en passant par The Strokes… Mais comment définiriez-vous plus précisément votre univers musical ?
Souvent, les artistes se définissent par un genre, une identité musicale claire. Billie Eilish fait du Billie Eilish, par exemple. Pour l’instant, je ne sais pas vraiment ce que serait du Marguerite. Je me laisse plutôt guider par ce que j’ai envie d’écouter et j’essaie d’injecter ça dans ma musique, de Michel Berger aux Strokes. Tout ce spectre vient nourrir mon univers. Le choix des rythmes reste très instinctif, et je cherche surtout à rester minimaliste tout en laissant mes émotions s’exprimer pleinement.

“Je n’ai pas encore cette envie de tout faire seule dans mon coin, dans mon laboratoire.” Marguerite
Vous avez travaillé avec des artistes comme Iliona, Saint Dx, Vincha, Marlon B et François-Henri sur l’EP Grandir. Quelle importance revêt cette dimension collective dans votre processus créatif ?
Cette dimension collective m’apparaît comme primordiale. Je n’ai pas encore cette envie de tout faire seule dans mon coin, dans mon laboratoire. L’écriture peut être très solitaire, mais pour ce projet, j’avais vraiment besoin de m’entourer. Travailler avec Iliona, Saint Dx, Vincha, François-Henri, c’est magique. Avec tant de talents réunis autour d’un même message, je me suis sentie extrêmement privilégiée. C’était aussi essentiel pour prendre confiance, car ce sont mes premières chansons. Et, concrètement, ce sont des personnes avec qui je me sens bien.
Quel serait d’ailleurs votre featuring de rêve ?
Il y en a tellement… Mais si je devais en choisir un seul, je dirais Lily Allen. J’admire énormément sa musique. Elle a ce côté espiègle, libre, et ce qui me frappe surtout, c’est qu’elle n’a jamais cherché à séduire le regard masculin. À l’époque où elle faisait de la pop, c’était rare. Elle avait une telle force d’affirmer qui elle était qu’elle n’a laissé à personne l’occasion de la réduire à une image sexualisée. Je la trouve fascinante. Plus récemment, j’ai aussi pensé à Disiz, dont j’adore l’univers. Et puis, évidemment, à Theodora… Comme 100 % des musiciens, je crois [rires]. On ne peut pas écouter sa musique sans avoir envie de composer dans la foulée, ni la voir sur scène sans rêver de la rejoindre.

“Donner la réplique à Léa Drucker et Benjamin Lavernhe, voir l’alchimie se créer sur le plateau… C’était incroyable.” Marguerite
En mars 2025, vous partagiez l’affiche du film Le Mélange des genres avec Léa Drucker et Benjamin Lavernhe. Quels souvenirs gardez-vous de cette première expérience sur le grand écran ?
C’était une expérience folle. Donner la réplique à Léa Drucker et Benjamin Lavernhe, voir l’alchimie se créer sur le plateau… C’était incroyable. Ce qui m’a le plus marquée, c’était de pouvoir suivre tout le processus, du casting jusqu’au tournage. Ça m’a vraiment permis de voir se concrétiser tout le travail préparatoire. Et j’aimerais vraiment continuer à explorer cette voie (le cinéma, ndlr) dans le futur.
Si votre EP Grandir était un film, à quoi ressemblerait-il ?
Je pense que ce serait un plan séquence très épuré. On y verrait une personne qui avance, qui traverse des choses. On la suivrait tout du long…
Grandir (2025) de Marguerite, disponible.