29 août 2025

Myd nous raconte les coulisses de Mydnight, son nouvel album

Quatre ans après Born a Loser, le DJ et producteur français Myd transforme l’essai avec Mydnight, un deuxième album qui oscille entre énergie club et house ensoleillée. De son DJ set pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Paris 2024 à ses rêves de featuring avec Chappell Roan, le producteur signé sur le label Ed Banger nous raconte, entre deux tournées, la genèse de ce disque incandescent.

  • propos receuillis par Nathan Merchadier.

  • Publié le 29 août 2025. Modifié le 31 août 2025.

    Myd – So High (2025).

    Myd : l’ascension folle d’un DJ solaire

    Quatre ans après l’avoir rencontré à l’occasion de la sortie du disque Born a Loser (2021), nous retrouvons le DJ et producteur français Myd avec un deuxième album audacieux intitulé Mydnight sur lequel il collabore avec Channel Tres et Carlita, disponible ce vendredi 29 août 2025. Fidèle à son allure de loser flamboyant, l’artiste signé sur le prestigieux label Ed Banger Records a depuis parcouru l’Europe, enflammé les clubs les plus prisés du globe et même posé ses platines lors de la cérémonie de clôture des Jeux Paralympiques de Paris en 2024.

    Dans l’intimité feutrée de l’arrière-salon de l’Hôtel Grand Amour, à Paris, quelques jours avant le début d’un summer tour effréné entre New York, Londres et Ibiza, nous avons pris des nouvelles de l’artiste. Au programme : la composition tumultueuse de Mydnight et son featuring de rêve avec Chappell Roan… Rencontre.

    L’interview de Myd, qui sort l’album Mydnight

    Numéro : Vous sortez aujourd’hui votre second album, baptisé Mydnight. Comment envisagez-vous ce retour, quatre ans après le succès de votre premier disque Born a Loser

    Myd : Tout est parti d’un besoin pur de faire de la musique. Après Born a Loser, le rythme a été intense. Pendant un an et demi, j’ai enchaîné les lives, puis les DJ sets. Tout est allé très vite, et ce n’est pas du temps que j’ai passé en studio. Pour composer Mydnight, j’avais besoin d’un temps d’immersion, de ralentir la machine et de me concentrer sur la création. Je me suis installé dans mon nouveau studio, directement après des sessions en club, avec une énergie de nuit, électronique et dansante.

    Je n’essaie jamais de conceptualiser un album avant de le créer.” Myd

    Sur ce disque, vous semblez effectivement revenir à des sonorités encore plus club, qui ne sont pas sans rappeler vos débuts au sein du groupe Club Cheval au début des années 2010. Quelle couleur avez-vous souhaité donner à cet album ? 

    L’album s’est naturellement construit autour de cette ambiance club. Je n’essaie jamais de conceptualiser un album avant de le créer. Au contraire, j’aime laisser les choses venir naturellement. Mais j’ai suivi un conseil précieux de Thomas Bangalter qui m’avait dit : “Mets-toi en écriture automatique”. L’idée, c’est de produire sans trop réfléchir, de se laisser porter par les sons, les émotions et la matière déjà présente. Cela évite parfois de se bloquer avec trop de réflexion ou de pression.

    On connaît la légende : le premier album révèle, le deuxième confirme… ou déçoit. Comment avez-vous abordé ce cap si redouté ?

    C’est certain que mon deuxième album allait être attendu au tournant, surtout après le succès de Born a Loser. Cette pression, je l’ai ressentie, mais ce conseil m’a permis de rester libre et instinctif. Rapidement, j’ai senti que je tenais quelque chose de solide : des morceaux que je pouvais jouer directement en club, pas seulement en remix. Cette méthode m’a permis de créer Mydnight comme une véritable expérience pensée pour la piste de danse, organique et immédiate. Dès le départ, j’ai suivi cet instinct, et l’album s’est construit naturellement autour de cette énergie nocturne…

    “J’ai imaginé Mydnight comme une véritable expérience pensée pour la piste de danse.” Myd

    La composition de ce nouvel opus a beaucoup fait parlé sur les réseaux sociaux. Pouvez-vous nous raconter la mise en boîte tumultueuse de ce disque ?

    À la toute fin de la production de l’album, coup de théâtre. Je perds mon disque dur en revenant d’Antigua, une île dans les Caraïbes. Plutôt que de travailler seul et sous pression, j’ai eu l’idée de transformer ce moment en expérience interactive. C’est à ce moment que j’ai invité mes fans à me suivre en direct sur Twitch, 24 heures sur 24, pendant une semaine… Mais ce n’était pas si évident car personne ne le fait. Un ordinateur de streaming avec des cartes graphiques performantes ne peut pas tourner sans interruption pendant sept jours. J’ai donc contacté la team de production du youtubeur Squeezie, des pros du streaming, et ils ont relevé le défi. En quelques jours seulement, ils ont réussi à mettre en place le dispositif, et ça a marché.

    Myd – All that Glitters Is Not Gold (2025).

    Selon vous, la composition de ce disque s’inscrit-elle dans une dimension performative, au sens artistique du terme ?

    Oui, totalement. Après, ce n’est pas à moi de dire si c’est une œuvre d’art ou non, mais je me rends compte de l’impact que ça peut avoir. En sortant du live et en voyant les réactions, je me suis aperçu que ça touchait des gens très différents : la mère d’un ami, des fans, ou même des personnes qui ne me connaissaient pas et qui se sont remises à créer de la musique en me regardant travailler. À mon sens, exposer cette démarche, montrer le travail derrière la création, c’est aussi une forme d’œuvre d’art .

    Quand j’invite des artistes sur mes morceaux, c’est toujours pour apporter quelque chose que je ne sais pas faire moi-même, pour voir ma musique sous un autre angle.” Myd

    Vous vous êtes entouré d’artistes de renom tels que Channel Tres, Trueno, Bethany Home, Carlita et Calcutta. Pourquoi avoir réuni un tel casting ? 

    Quand j’invite des artistes sur mes morceaux, c’est toujours pour apporter quelque chose que je ne sais pas faire moi-même, pour voir ma musique sous un autre angle. Je n’ai jamais collaboré avec des artistes qui font exactement la même musique que moi : ce serait un peu comme une équipe de foot composée uniquement de défenseurs, ça ne créerait pas de dynamique. Par exemple, sur All that Glitters Is Not Gold, un morceau solaire, je voulais un ajout qui intensifie cette lumière mais de manière différente. Channel Tres apporte cette vibe californienne unique, très différente de ce que j’avais déjà exploré avec des influences folk ou Mac DeMarco. Trueno, avec son flow argentin en espagnol, injecte de son côté une perspective et une énergie complètement nouvelle.

    Depuis le Covid, le monde de la nuit a-t-il beaucoup évolué ?

    Depuis mes débuts, ce qui a vraiment évolué en France, c’est la starification des DJ. Quand j’ai commencé à écouter de la musique électronique, j’avais 14 ans et je n’étais pas dans les “cool kids”. Ils étaient plutôt fans de punk rock, de jeans baggy et de skate, tandis que la scène électronique regroupait les geeks du net, un peu hackers en herbe, fans de Matrix. Aujourd’hui, la musique électronique a gagné en visibilité. Quant au public, il n’a pas fondamentalement changé, mais je ressens une ouverture d’esprit plus marquée. La vague #MeToo et l’évolution des mentalités ont rendu les festivals et les soirées plus inclusifs, plus respectueux, et ça permet aux fêtes d’aller plus loin dans leur énergie. Le fantasme de la liberté des nuits, que l’on retrouve à Berlin par exemple, s’étend peu à peu partout, et c’est vraiment enthousiasmant de voir cette évolution.

    Quand j’ai commencé à écouter de la musique électronique, j’avais 14 ans et je n’étais pas dans les “cool kids.” Myd

    Aujourd’hui, quelles sont vos principales influences musicales ? Y a-t-il des artistes qui vous collent à la peau ?

    Dans l’électronique anglaise, il y a un vrai panthéon pour moi. Fatboy Slim, par exemple, a trouvé un équilibre incroyable entre musique de club et pop. Ses morceaux passaient autant sur MTV que dans les raves de Manchester. Cette capacité à jongler entre deux univers m’inspire encore aujourd’hui et influence ma propre musique, parfois de façon consciente. Je pense aussi aux Chemical Brothers ou à The Prodigy. Ce sont des artistes qui, à l’époque, ont bousculé les codes de la pop et des formats classiques. Ils ont montré que l’on pouvait redéfinir les frontières d’un morceau, expérimenter et imposer sa propre vision plutôt que de se plier à des standards préexistants.

    Quel regard portez-vous sur les difficultés auxquelles peuvent faire face vos homologues féminins dans l’industrie musicale ?

    Je pense qu’aujourd’hui, dans tous les milieux, les femmes ont encore plus de mal à se faire entendre. Ce n’est pas spécifique à la musique ou à la musique électronique, mais c’est un constat général. Ce qui est encourageant, c’est que l’on voit désormais des artistes féminines devenir têtes d’affiche. Elles incarnent un mouvement, font bouger les lignes et inspirent d’autres artistes en montrant que c’est possible. Ces dernières années, on a aussi observé une vraie prise de conscience de la part des labels, festivals, clubs et organisateurs de concerts pour mettre davantage de femmes à l’affiche. Et ça se ressent : je reçois de plus en plus de démos et de messages de jeunes DJ féminines prêtes à se lancer. Voir ces changements s’opérer, constater que ce n’est plus quelque chose de réservé aux hommes, c’est vraiment motivant et réjouissant.

    Dans tous les milieux, les femmes ont encore plus de mal à se faire entendre. Ce n’est pas spécifique à la musique ou à la musique électronique, mais c’est un constat général.” Myd

    Vous étiez derrière les platines lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Paris 2024. Quels souvenirs gardez-vous de ce DJ set un peu spécial ?

    C’était un moment chargé d’émotions. Tout s’est déroulé très vite. Pendant les répétitions, on a rigolé, exploré le lieu et apprécié sa beauté, mais une fois en direct, j’ai eu l’impression qu’en un clin d’œil, je me retrouvais diffusé dans le monde entier, en cape bleu, blanc, rouge, face à des athlètes réagissant en direct. J’ai surtout réfléchi à une playlist qui reflète la musique électronique française et qui me ressemble, car on m’avait insisté sur le fait que je devais jouer quelque chose qui me parle. Quand le moment est arrivé, c’était comme si le temps s’arrêtait : j’appuie sur play et je me retrouve immergé au cœur de cette place. Je crois que j’ai toujours été un peu accro à ce choc des grands événements. L’appréhension et la préparation mentale peuvent gâcher le plaisir, mais sur scène, j’aime me laisser guider par l’instant et savourer pleinement l’émotion du moment.

    Mon nouveau style, c’est un “dad jaune” en Balenciaga : confortable, assumé et fidèle à moi-même.” Myd

    Votre style est passé des chemises à fleurs à un look plus pointu… Comment décririez-vous cette évolution mode ?

    Mon style a forcément évolué, tout comme moi. Je choisis ce qui me plaît vraiment, sans me focaliser sur le fantasme des marques. Je m’inspire par exemple de quelqu’un comme Adam Sandler : à New York, il s’habille en mode “dad”, il reste lui-même, confortable et fidèle à son style. J’ai voulu simplifier ma garde-robe, choisir des couleurs qui me vont bien. Le jaune, par exemple, est devenu une évidence. Côté marques, j’ai découvert Balenciaga et j’ai aimé ce côté simple, décontracté, mais avec de la qualité et des silhouettes modernes. Bref, mon nouveau style, c’est un “dad jaune” en Balenciaga : confortable, assumé et fidèle à moi-même.

    Si vous ne l’avez pas encore fait, quel serait votre feat de rêve ?

    Il y a un morceau que j’ai composé pour Chappell Roan. Je sais qu’elle suit mon projet sur Instagram et qu’elle a entendu parler de moi plusieurs fois. Je ne sais pas si cela se fera un jour, mais je pense que ce serait vraiment le feat idéal.

    Mydnight (2025) de Myd, disponible.