11 juil 2025

Que penser du retour surprise de Justin Bieber avec l’album Swag ?

Après quatre années d’absence, Justin Bieber revient avec SWAG, un album dense, introspectif et savamment produit, qui délaisse son épiderme mainstream pour des complaintes indie. Porté par sa vie de père et de mari, ce disque marque une mue silencieuse, entre confession et esthétisme. Un retour sans tapage aux côtés de Daniel Caesar, Mk.Gee et Dijon.

  • par La rédaction.

  • Il y a quatre ans, Justin Bieber sortait Justice (2021), un album à la fois pop et rédempteur. Depuis, plus rien. Ou presque. Le chanteur canadien, alors jeune marié, semblait s’être effacé du monde de la musique. Des problèmes de santé, dont le syndrome de Ramsay Hunt en 2022 – entraînant une paralysie faciale périphérique –, l’avaient contraint à suspendre sa tournée. La presse spécialisée évoquait une instabilité émotionnelle, une solitude grandissante, et nourrissait même des doutes sur sa capacité à revenir.

    Justin Bieber, de l’inquiétude à la renaissance créative

    Mais derrière le silence, quelques ombres. Au printemps 2024, son nom est brièvement cité dans l’affaire judiciaire visant Sean Combs, alias P. Diddy. Selon certains témoignages, Justin Bieber aurait été victime — ou témoin — de comportements inappropriés de la part de l’artiste dans les premières années de sa carrière. Il ne prendra jamais publiquement la parole sur le sujet, mais l’allusion suffit à relancer l’inquiétude et à ajouter une couche d’opacité à son retrait.

    Mais ce recul n’a pas été synonyme d’inaction. Loin de la scène, Justin Bieber est devenu père et a concentré son énergie créative ailleurs . Il a lancé SKYLRK, une marque lifestyle en collaboration avec sa femme Hailey Bieber et des créateurs issus de la scène streetwear américaine. Cette ligne épurée, minimaliste, allie sweats à capuche, casquettes et accessoires dans une esthétique post-urbex  : du noir, du beige, de la texture, et un logo aux allures de mantra silencieux.

    Plus profondément, c’est le rôle de mari et de père qui a redéfini son imaginaire. Ce lien intime se traduit désormais dans sa musique, dont le ton se veut plus introspectif.

    Justin Bieber – Daisies (2025).

    Swag, un album surprise aux collaborations pointues

    Sorti ce 11 juillet 2025, Swag marque le grand retour discographique de Justin Bieber. Il s’agit de son septième album studio, publié chez Def Jam, et sans doute du plus personnel. Un disque dense, composé de 21 titres, où l’on retrouve une palette sonore oscillant entre hip-hop élégant, R’n’B vaporeux, ballades soul et touches expérimentales. Car la production, à laquelle Justin Bieber a pris part activement, est signée par une constellation d’artisans du son : Daniel Caesar, Dijon, Mk.gee entre autres. Une dream team à la croisée du mainstream et de l’avant-garde.

    Les présences de Dijon et Mk.gee, notamment, insufflent à l’album un grain organique rare dans le paysage pop actuel. Leur signature sonore — des guitares parfois lo-fi, tordues, frémissantes, comme mal accordées mais toujours émouvantes — installe ainsi une tension douce, entre tendresse indie et nervosité rythmique. Ces textures fébriles viennent adoucir les percussions trap, comme sur Half Awake ou Paper Heat. Leurs arrangements semblent à chaque fois au bord de la rupture, comme si le son risquait de s’effondrer d’un instant à l’autre. Cette instabilité maîtrisée est en partie responsable de la fragilité qui se dégag ede Swag .

    Ce retour musical est guidé par une intention claire . Il s’agit pour le chanteur d’“exprimer une nouvelle perspective née de sa dévotion comme mari et père”. La dimension spirituelle, parfois absente de ses disques précédents, irrigue ici des morceaux comme Therapy Session, Dadz Love ou Glory Voice Memo, où il évoque la paternité, les doutes, mais aussi la paix intérieure trouvée auprès des siens.

    Côté featurings, la liste est aussi dense que cohérente : Gunna, Sexyy Redd, Cash Cobain, Daniel Caesar… viennent injecter à l’album Swag un groove contemporain, sans jamais diluer la singularité de Justin Bieber. Chaque collaboration semble pensée comme une conversation, jamais comme un coup marketing.

    Go Baby (2025) de Justin Bieber.

    Justin Bieber prend le pari de l’esthétique globale

    Si l’album fonctionne comme un journal intime sonore, le projet SWAG ne se limite pas à la musique. En fond, une stratégie artistique plus large se dessine. SKYLRK n’est pas qu’un business parallèle : c’est le prolongement vestimentaire de l’album. On retrouve dans ses visuels – et la pochette d’album noire qui évoque les travaux d’un Dean Blunt – les tons mats de ses clips, la sobriété des visages, le grain quasi photographique des lumières naturelles. Les photographies promotionnelles de Swag montrant le chanteur avec son fils et sa femme sont évoquent la pochette de Mr. Morale & the Big Steppers (2022) de Kendrick Lamar. Et pour cause : il s’agit de la même photographe, Renell Medrano.

    À travers cette synchronisation entre sons, images et textures, Justin Bieber semble vouloir contrôler sa narration. Il ne court plus après les hits mais cherche à poser une empreinte durable. Un peu comme s’il nous disait : “Voici où j’en suis, voilà ce que je suis devenu.

    Rappelons que Justin Bieber reste l’un des artistes les plus streamés de l’histoire, détenteur de records sur Spotify et YouTube, avec une base de fans intergénérationnelle unique. Son succès repose sur une équation rare : un sens aigu de la mélodie, une voix malléable et la capacité de se réinventer sans rompre avec sa vulnérabilité. Swag ne cherche pas à séduire tout le monde. C’est peut-être en cela qu’il est intéréssant.

    Swag (2025) de Justin Bieber, disponible.