Qui est Omizs, le DJ et producteur parisien adoubé par Skepta et Philippe Katerine ?
À seulement 27 ans, le DJ et producteur parisien Omizs semble déjà avoir vécu plusieurs vies. Après avoir signé quelques campagnes pour la marque Casablanca en tant que photographe, l’artiste touche-à-tout s’est illustré comme rappeur en dévoilant plusieurs EP et un album intitulé Pictures Vol.1 (2022) sur lequel il s’est entouré de Jok’Air et Slimka. Depuis quelques années et dans la lignée de sa quête artistique, Omizs se produit en tant que DJ et producteur aux quatre coins du monde avec les Omizs Party, des soirées bien en vogue dans le très confidentiel milieu de la mode et même au-delà. Entre deux projets excitants, Numéro s’est entretenu avec la nouvelle sensation des nuits parisiennes, adoubé par Skepta et Philippe Katerine…
Photos par Coralie Waterlot.
Stylisme par Ambre A. Vancamp.
Propos recueillis par Nathan Merchadier.
L’interview d’Omizs, DJ et producteur
Numéro : Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?
Omizs : Je suis né à Alger, et j’ai grandi dans la commune de Kouba mais je n’ai pas beaucoup de souvenir de l’Algérie car je suis arrivé en France à l’âge de trois ans. Mes parents se sont installés en banlieue parisienne et j’ai vécu une enfance heureuse. À l’école, je faisais du rugby mais ce n’était pas vraiment ma passion. J’ai aussi fait du théâtre en parallèle et je me suis toujours considéré comme un garçon attiré par le champ artistique et les paillettes. Au collège, avec un groupe d’amis, nous avons commencé à nous rendre à Paris pour graviter autour du monde de la mode pendant les périodes de Fashion Week. C’était assez excitant car à l’époque, personne ne faisait cela. Très rapidement, je me suis acheté un appareil photo et j’ai commencé à photographier des personnalités à l’abord des défilés. En l’espace de quelques mois, j’ai rencontré d’autres photographes qui m’ont appris comment accéder aux backstages et qui m’ont permis de mettre un pied dans ce monde qui me fascinait tant.
Comment avez-vous commencé à travailler en tant que photographe ?
La première marque à m’avoir accordé sa confiance est l’Atelier Beaurepaire. Très vite, les fondateurs ont compris que j’avais une vision et une aisance pour rencontrer de nouvelles personnes donc ils m’ont envoyé un peu partout dans le monde pour représenter leur marque. C’était fou car je n’avais que vingt-ans et je me suis retrouvé à Tokyo pendant quelques semaines pour conquérir un nouveau marché. À côté de ces expériences, j’ai commencé à prendre des photos pour d’autres marques. Ainsi, Charaf Tajer, le fondateur de la marque Casablanca, m’a contacté pour que je collabore avec lui. J’ai rencontré des personnalités du monde du rap comme Skepta, Octavian ou encore Jerry Lorenzo, fondateur du label californien Fear of God. Ces années ont été très intenses, nous étions toujours entre deux avions pour photographier des campagnes. J’ai beaucoup appris à leurs côtés.
Vous avez réussi à cultiver votre carnet d’adresse à une époque où les réseaux sociaux n’étaient pas aussi présents qu’aujourd’hui. Quel regard portez-vous sur l’omniprésence qu’ils occupent désormais dans nos vies ?
Je rencontrais beaucoup de gens en soirée et j’ai l’impression que les relations que l’on créait étaient moins fausses qu’aujourd’hui. L’omniprésence des réseaux sociaux commence à poser problème dans le milieu de la mode car les défilés sont devenu hyper mainstream. Tout le monde poste des story et des live donc il n’y a plus vraiment de mystère autour des ces événements qui étaient très cloisonnés. Lors de la dernière Fashion Week, j’ai beaucoup aimé la manière dont a été présenté la collection de The Row car elle ne pouvait pas être filmée. Dans le milieu de la nuit, on commence aussi à assister à ces mutations. Récemment, je mixais à une fête à la Soho House de Mexico et les téléphones ne pouvaient pas être utilisés. Cela nous pousse à vivre des émotions de manière plus intense.
Votre parcours a été marqué par certains mentors qui vous ont accompagné. Je pense notamment à Skepta ou encore Virgil Abloh dont vous étiez très proche. Quels conseils vous ont-ils donné ?
Virgil Abloh ne m’a jamais réellement donné de conseils car il était toujours très occupé mais il fait parti de ces gens qui m’ont appris à diriger des projets avec une vision très précise. Je pense que le fait d’avoir côtoyé ces pointures du milieu pendant de longues années m’a donné une longueur d’avance en comparaison à des gens qui ont fait des études très prestigieuses. Malgré le fait que Virgil Abloh ait obtenu un diplôme d’architecte, il a surtout réussi à connecter des gens ensembles et c’est cela qui l’a amené au sommet. Moi, j’appelle ça “l’art du plug”. Aujourd’hui, c’est ce que j’essaie d’appliquer à mes propres projets. J’ai aussi beaucoup appris d’Arón Piper avec qui je suis très proche et qui est en pleine transition de carrière. C’est un vrai défi de passer d’une carrière d’acteur à celle de chanteur.
“La musique électronique me transporte en ce moment, je n’arrive plus à écouter autres chose que de l’électro, de la house ou de la nu-disco”. Omizs
Aujourd’hui, vous appliquez votre propre vision aux soirées “Omizs Party” que vous organisez aux quatre coins du monde…
J’ai pris du temps avant de me trouver en terme de genre musical. Je savais pas exactement ce que je voulais faire et je pense d’ailleurs que c’est la première fois que je le dis en interview. En ce moment, j’ai mis le rap et le chant de côté même si j’adore ça. Je me concentre sur ma carrière de producteur et de DJ et j’essaie d’aller vers des choses un peu plus profondes. La musique électronique me transporte en ce moment, je n’arrive plus à écouter autres chose que de l’électro, de la house ou de la nu-disco. Ces sonorités me fascinent.
Quels sont les artistes qui influencent la musique que vous prenez plaisir à mixer en soirée ?
Kanye West fait partie de mes plus grandes inspirations. Il a réussi à mélanger beaucoup d’influences musicales et à le faire incroyablement bien. Sinon, j’ai toujours été inspiré par les Daft Punk, par Justice ou encore par un mec comme Kaytranada. J’adore aussi des artistes comme Blood Orange ou Frank Ocean. À côté de ça, j’écoute énormément de raï, mais aussi des choses beaucoup plus commerciales comme DJ Snake. Avec Étienne, l’un des mes collaborateurs, on va bientôt sortir un titre qui s’appelle Music, avec des sonorités nu-disco et tech house. Ça me rappelle certains morceaux de Peggy Gou.
“Si tu donnes du love, la terre te donnera du love en retour”. Omizs
Comment est né le concept des soirées “Omizs Party” ?
Un jour, j’étais à Montréal, au Canada et Étienne m’a proposé de venir mixer avec lui dans un gros club près du Vieux Port. À cette époque-là, je ne savais même pas mixer donc c’était une grosse prise de risque. Mais la soirée a été incroyable et m’a donné envie d’en faire d’autres. En parallèle, je me suis formé pour apprendre les bases du DJing et depuis, je n’ai pas réussi à m’arrêter. Aujourd’hui, on remplit des salles de deux milles personnes et le fait d’avoir une proximité avec le public est vraiment une sensation incroyable. En l’espace de quatre ans, on a fait le tour du monde avec cette soirée et on a aussi travaillé avec énormément de marques. Pour la fête de la musique en 2023, on a mixé à l’Institut du monde arabe devant près de trente mille personnes !
Vous donnez l’impression d’être une personne très confiante. Quelles sont vos plus grandes peurs ?
Beaucoup de gens pensent que je suis un mec très sûr de moi. Mais il y a parfois des étapes de la vie qui te frappent et qui te remettent les idées en place. Aucun humain n’est égal à Dieu. La confiance, c’est quelque chose qui se construit, ça ne vient pas comme ça d’un coup et s’il n’y avait pas certaines personnes derrière moi, je n’aurais jamais été aussi sûr de moi. Le milieu de la mode et de la musique sont aussi des mondes dans lesquels beaucoup de gens se perdent. Pour réussir dans ce secteur, il faut être bien accroché. Selon moi, certains artistes qui sont très bien installés dans le game ne savent même pas qui ils sont. Moi j’ai la chance d’être très bien entouré, par ma famille, ma copine et mes amis. C’est aussi une question d’attraction : si tu donnes du love, la terre te donnera du love.
Pouvez-vous nous raconter les coulisses de votre featuring avec Philippe Katerine ?
C’est une longue histoire [rires]. On m’a appelé un jour en me proposant de rencontrer Philippe Katerine dans un studio. J’ai tout de suite été très motivé car c’est un artiste que j’admire depuis des années. Alors la rencontre s’est faite et nous nous sommes très bien entendus. Quelques mois plus tard, C 1 Mix (2023) est sorti et c’est d’ailleurs le dernier morceau sur lequel je rappe.
En tant que DJ, comment préparez-vous vos sets ?
On ne prépare rien car chaque soirée est différente. C’est un peu comme un match de foot : tu ne peux pas savoir ce qui va se passer à l’avance…
Quel est votre rapport à la mode ?
J’ai toujours été très instinctif dans ma façon de m’habiller. En tant que DJ, le plus important c’est d’être à l’aise. Je pense globalement que je suis un peu excentrique mais pour moi, c’est ça la mode. Ce n’est pas que du noir ou du blanc. On peux d’ailleurs voir cela dans le shooting que nous avons réalisé pour Numéro. C’est très éclectique mais le résultat est incroyable. Parmi les créateurs que j’affectionne tout particulièrement, je peux citer JW Anderson ou encore ce que fait Pharrell Williams chez Louis Vuitton.
Vous vous-êtes essayé à plusieurs champs artistiques. Le cinéma fait-il partie de vos prochaines ambitions ?
J’aimerais bien, ce serait incroyable. Je m’inspire énormément des films et de certaines séries. On m’a déjà proposé de prendre part à des films ou des courts-métrages mais ça n’a pas abouti. Mais c’est aussi quelque chose de très chronophage et pour le moment, j’essaie de m’investir à 100% dans ma carrière musicale.
Les adresses et coups de cœur d’Omizs
Avez-vous des morceaux ou des artistes qui vous collent à la peau ?
Je ne peux pas me passer des Daft Punk. Sinon le titre que l’on met toujours en soirée est Gypsy Woman (1991) de Crystal Waters.
Quels sont tes Do et Don’t en matière de mode en soirée ?
Je ne peux pas porter de gants en soirée. Et pour les “do” : les débardeurs !
La ville dans laquelle on fait le mieux la fête ?
Madrid ! Sans hésitation.
Le meilleur club pour sortir ?
Le Pamela à Paris. Je m’y sens très à l’aise et nous avons organisé des soirées exceptionnelles là-bas. Ils sont jeunes et continuent à croire aux projets underground.
Hair stylist : Alexis Mercier chez Hosdey Agency. Makeup artist : Odile Jimenez. Light director : Quentin Lefeuvre. Set designer : Constance Colmaire. Assistant photo : Laura Okutan. Stylist assistant : Juliette Thuong & Natacha Borić. Production : Issue Agency. Directrice de production : Charlotte Chantecaille. Studio : 711Studio. Editor in chef : Léa Zetlaoui.