Que faire à Paris pendant la Semaine de la photo ?
Alors que la foire Paris Photo inaugure sa 27e édition au Grand Palais ce jeudi 7 novembre, la capitale se met au parfum avec une profusion d’événements consacrés au médium photographique durant toute la semaine. Du salon Approche à l’exposition de Barbara Crane au Centre Pompidou, en passant par un projet spécial présenté dans les chambres d’un hôtel, découvrez, par quartier, les événements à ne pas manquer.
Paris 1er : Concorde, Richelieu
La 8e édition du salon Approche
Si la foire Paris Photo donne à voir la photographie moderne et contemporaine dans toute sa variété, le salon Approche (stylisé a pp roche) s’emploie au même moment, depuis 2017, à mettre en valeur les artistes qui explorent les potentiels de l’image et repoussent ses limites par des techniques singulières Véritable tremplin pour la création expérimentale, l’événement revient entre les murs de l’hôtel particulier Le Molière pour sa huitième édition, placée sous le signe de la mémoire et de l’identité.
Cette année, quinze galeries investissent un espace dans le bâtiment pour présenter un photographe de leur choix. On y croisera les paysages d’Isabelle Chapuis, réalisés à l’aide d’impression mêlées à des lavis de terre, une installation immersive de l’artiste vietnamienne Hiên Hoàng, jouant non sans humour avec les stéréotypes occidentaux sur la cuisine asiatique, ou encore les natures mortes mélancoliques de Sara Imloul, réalisées à la chambre photographique grâce à la technique traditionnelle du calotype. Après sa clôture ce dimanche, l’événement se poursuivra avec deux expositions, consacrées aux photographes Sylvie Bonnot et Juliette Andrea-Élie.
Salon Approche – 8e édition, du 7 au 10 novembre 2024 à l’hôtel particulier Le Molière, 40 rue de Richelieu, Paris 1er.
Au Jeu de paume, la haute société vue par Tina Barney
À travers ses portraits de familles dans leurs demeures, la photographe américaine Tina Barney dépeint les milieux bourgeois ou aristocratiques, des États-Unis au continent européen, explorant les questions d’héritage, de l’éducation et de la transmission… Riche de 55 clichés, son exposition “Family Ties” au Jeu de paume retrace ainsi quarante ans d’une carrière prolifique à travers des images aux couleurs vives ou en noir et blanc. Alors que certains ont été pris sur le vif, d’autres sont savamment mis en scène tels que de nombreuses photographies de groupe de grande dimension, semblables à des tableaux, sur lesquels des inconnus – mais aussi des stars, comme l’actrice Julianne Moore – sont photographiés dans des décors cossus.
Parallèlement, Tina Barney n’a cessé d’immortaliser sa famille (à l’image du cliché Jil and Mom de 1983), utilisant sa pratique comme un outil d’introspection sur sa propre histoire. “La seule façon de s’interroger sur soi-même ou sur l’histoire de sa vie, c’est par la photographie”, déclarait l’artiste en 2017.
“Tina Barney Family Ties”, exposition jusqu’au 19 janvier 2025 au Jeu de Paume, Paris 8e.
Juliette Agnel enchante le Carrousel du Louvre
Afin d’y voir plus clair dans la foule d’événements qui animent Paris lors de la Semaine de la photographie, le festival Photo Days propose, depuis 2020, un parcours parmi la capitale guidé par ses temps forts, des expositions institutionnelles aux galeries en passant par des rencontres, lectures et visites commentées gratuites (sur réservation). Outre ce panorama, la manifestation organise également plusieurs expositions, à l’instar du projet inédit de Juliette Agnel au Carrousel du Louvre. En résonance avec le lieu, la photographe française expose ses derniers clichés nocturnes d’une végétation capturée dans un jardin béninois, à laquelle son travail de la lumière et de la couleur confère un aspect surnaturel.
“Juliette Agnel. Dahomey Spirit”, du 7 novembre au 3 décembre 2024 au Carrousel du Louvre, Paris 1er. Dans le cadre du festival Photo Days.
Paris 6e : Saint-Germain-des-Prés
Le mythique Hôtel La Louisiane ouvre ses chambres avec Photo Saint Germain
Institution de Saint-Germain-des-Prés, l’Hôtel La Louisiane a, depuis les années 30, accueilli une foultitude d’invités aussi prestigieux que Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Keith Haring, Juliette Gréco ou encore Quentin Tarantino. Un bâtiment mythique qui, depuis trois ans maintenant, ouvre exceptionnellement les portes des très confidentielles chambres de son troisième étage. Un projet en collaboration avec le festival Photo Saint Germain, dessinant tout le mois durant un parcours photographique dans le fameux quartier parisien, historique repaire des artistes à travers les époques.
De vendredi à dimanche, les curieux pourront ainsi découvrir dans dix chambres de l’hôtel autant d’expositions d’artistes passionnés par le corps et ses représentations. Parmi eux, la photographe chinoise Liu Shuwei, la Française Marine Peixoto et son projet original sur la vie ordinaire de bureau, ou encore les portraits de la chanteuse et comédienne Gil Lesage, centrés sur une de ses amies en pleine transition de genre. Une thématique également explorée dans les dernières œuvres du jeune photographe trans Nanténé Traoré, réinterprétations de peintures classiques mettant en scène les corps queer et dissidents.
Room Service #3, du 8 au 10 novembre 2024 au 3e étage de l’Hôtel La Louisiane, Paris 6e.
Photo Doc : 21 expositions de photographie documentaire
Inaugurant la Semaine de la photo à Paris, le salon Photo Doc présente depuis lundi sa huitième édition à l’Hôtel de l’Industrie, édifice daté de l’époque napoléonienne qu’il investit pour la première fois. Centrée sur les questions de transmission, sa nouvelle programmation parcourt la diversité de la photographie documentaire à travers 21 expositions présentées par des galeries françaises et internationales. Un riche tour du monde qui traverse les villes chinoises fictives imaginées par Du Zhenjun, l’Afrique du Sud post-apartheid vue par Jürgen Schadeberg et Juhan Kuus, les paysages du Caucase sous l’objectif de Matthieu Chazal, ou encore le Cambodge, sur lequel Françoise Huguier pose son regard ému, imprégné par sa propre enfance dans le pays.
Photo Doc, salon du 4 au 7 novembre 2024 à l’Hôtel de l’Industrie, Paris 6e.
Paris 4e : Hôtel de Ville, le Marais
Chicago dans l’objectif de Barbara Crane au Centre Pompidou
Avec cette exposition regroupant plus de 200 œuvres (dont certaines n’ont encore jamais été montrées), le Centre Pompidou devient le premier musée français à consacrer une monographie d’une telle ampleur à la photographe américaine Barbara Crane (1928-2019). Sur une plage, dans la rue, en bas d’un immeuble, au supermarché, l’artiste s’est appliquée pendant des décennies à saisir le quotidien de Chicago, sa ville natale, et ses habitants.
Toujours curieuse de découvrir de nouvelles techniques photographiques, comme en témoignent les épreuves gélatino-argentiques et les divers Polaroid exposés, Barbara Crane a développé une œuvre riche et éclectique, également très influencée par l’histoire de l’art. De nombreuses références soulignées par l’exposition, entre son admiration pour le compositeur John Cage, son attrait pour le peintre Henri Matisse ou encore pour le danseur et chorégraphe Merce Cunningham.
“Barbara Crane”, exposition jusqu’au 6 janvier 2025 au Centre Pompidou, Paris 4e.
Mame-Diarra Niang et Raymond Meeks à la Fondation Henri Cartier-Bresson
Cet automne, la Française Mame-Diarra Niang et l’Américain Raymond Meeks se partagent les espaces de la Fondation Henri Cartier-Bresson, présentant, chacun de leur côté, un ensemble de clichés accompagnés de courts textes. Bien que très différentes dans l’esthétique, leurs expositions personnelles dégagent toutes deux une atmosphère fantomatique et abordent les questions de la mémoire, du corps et de l’identité
À travers ce qu’elle nomme des “non-portraits”, vaporeux et très flous, Mame-Diarra Niang interroge de façon intime le corps noir et la place qu’il occupe, qu’il s’agisse du sien ou de celui des autres. En le montrant sans le dévoiler complètement, elle rejoint le travail de Raymond Meeks, faisant quant à lui le choix de le faire disparaître à travers des décors dépouillés de leurs récents habitants. En s’attardant uniquement sur les abris de fortune des réfugiés et sur les objets laissés derrière eux, le photographe américain tente de raconter le périple des migrants qui partent vers l’Angleterre à travers les traces de leur passage.
“Mame-Diarra Niang. Remember To Forget” et “Raymond Meeks. The Inhabitants”, expositions jusqu’au 5 janvier 2025 à la Fondation Henri Cartier-Bresson, Paris 3e.
Les photographes de la flore s’invitent à la MEP
Croisant les approches scientifique et artistique, l’exposition “Science/Fiction. Une non-histoire des plantes” présentée par la MEP explore les représentations de la flore dans l’histoire de la photographie, et comment les artistes se sont emparés du monde végétal afin, souvent, d’en souligner la richesse, la fragilité et la nécessité d’en prendre soin. Un projet ambitieux de longue date pour l’institution parisienne, qui parcourt plus de 200 ans de création à travers une quarantaine d’artistes de nationalités diverses.
Mélangeant des œuvres historiques purement documentaires, comme les tirages du photographe allemand Karl Blossfeldt, mais aussi des réalisations plus contemporaines touchant à l’imaginaire, comme le court-métrage de l’artiste polonaise Agnieszka Polska, généré en partie grâce à l’IA, cette exposition s’enrichit également de deux installations. La première révèle des clichés de l’artiste français Ludovic Sauvage faisant dialoguer les plantes avec l’univers citadin, tandis que la seconde plonge le visiteur dans l’univers étrange de la cinéaste argentine María Silvia Esteve, grâce à une video dans laquelle une forêt devient métaphore de notre subconscient.
“Science/Fiction. Une non-histoire des plantes”, exposition jusqu’au 19 janvier 2025 à la Maison Européenne de la Photographie, Paris 4e.
Les clichés oniriques du jeune prodige David Uzochukwu
Jeune prodige de la photographie ayant notamment collaboré avec la chanteuse FKA twigs, David Uzochukwu dévoile une exposition personnelle avec la galerie Gomis, qui investit pour l’occasion l’espace de la Sheriff Gallery. Autodidacte, l’artiste austro-nigérian débute la photographie à ses seize ans par l’autoportrait et se démarque très vite par son univers léché imprégné par l’afrofuturisme, où des modèles noirs sont plongés dans une nature captivante et onirique. En attestent les clichés réunis dans “New Suns”, dont les personnages évoluent dans des prairies luxuriantes, nuages duveteux ou encore montagnes désolées… Des mises en scène poétiques à travers lesquels le photographe se réapproprie les représentations longtemps stéréotypées des corps racisés.
“David Uzochukwu. New Suns”, exposition de la galerie Gomis, du 7 novembre 2024 au 11 janvier 2025 dans l’espace de la Sheriff Gallery, Paris 3e.
Les artistes queer interrogent le regard à la Gaîté Lyrique
Peut-on parler d’un trans gaze ? Dans le sillon de la révolution portée par la critique Laura Mulvey sur le male gaze, soit le regard masculin dans les représentations artistiques, les commissaires de l’exposition “TRANS*GALACTIQUE” à la Gaîté Lyrique convient une trentaine d’artistes queer à explorer l’océan de possibilités permises par ce concept, à travers la photographie et la vidéo. Des cartes postales à rebours du regard colonial chez Kama La Mackerel aux reines de beauté transféminines sur les rivages de Durban chez Zanele Muholi…
L’intention de l’exposition n’est pas tant de compiler les représentations des corps trans dans les productions artistiques contemporaines, mais de célébrer le potentiel d’émancipation de l’image en proposant des regards éclairés, ni stéréotypés, ni stigmatisants, sur les identités trans.
Co-commissaire de l’exposition, dans laquelle il présente plusieurs œuvres, le photographe SMITH inaugure parallèlement un solo show à la galerie Christophe Gaillard avec des images inédites hallucinatoires, évoquant la transcendance du corps par les techniques et technologies spirituelles d’hier et de demain.
“TRANS*GALACTIQUE”, exposition jusqu’au 9 février 2025 à la Gaîté Lyrique, Paris 3e.
La galerie Balice Hertling révèle les clichés poétiques et évanescents de Sam Penn
Révélée par Some Girls, son premier fanzine paru en 2023, Sam Penn y réunissait des prises de vue intimistes de ses proches amis – dont l’actrice et mannequin Hari Nef –, qui l’ont propulsée sur la liste des jeunes photographes à suivre de Cultured Magazine cette même année. Une reconnaissance qui s’ensuivra de collaborations avec la maison Balenciaga et le jeune label de mode Vaquera,
Dans sa première exposition solo à la galerie Balice Hertling, Sam Penn accroche en frise neuf photographies, allant du portrait à des zooms sur des fragments de corps et de paysages. Avec cette série, Sam Penn explore les splendeurs et misères d’une relation amoureuse, usant de la photographie comme d’une manière de reconstituer les mémoires fugaces d’un amour passé.
“Bad Behavior”, exposition jusqu’au 16 novembre 2024 à la galerie Balice Hertling, Paris 3e.
Scarlett Coten, Tania Franco Klein et Todd Hido à la galerie Les Filles du Calvaire
Dans les deux espaces de la galerie Les Filles du Calvaire, deux éminentes photographes contemporaines exposent leurs séries majeures. Au 17 rue des Filles du Calvaire, Scarlett Coten présente pour la première fois les trois volets de sa Trilogie M (2012-2023) en un seul lieu : une enquête en trois temps sur les représentations des masculinités aujourd’hui. Du Maghreb aux États-Unis, en passant par les quatre coins de l’Hexagone, la photographe française a passé plus d’une décennie à capturer les hommes qui se jouent des carcans du genre.
Quant à Tania Franco Klein, rue Chapon, elle lève le voile sur sa série Break in Case of Emergency. Sous des lumières orangées – une ligne esthétique récurrente dans sa carrière – l’artiste mexicaine représente des femmes à l’expression impénétrable, placées dans des mises en scène aussi loufoques qu’énigmatiques. En parallèle de cet accrochage sont également exposés des paysages hantés et mélancoliques du photographe américain Todd Hido.
“Scarlett Coten. Trilogie M”, jusqu’au 30 novembre, “Tania Franco Klein. Break in Case of Emergency” et “Todd Hido. Fragmentary Narratives”, du 7 novembre au 21 décembre 2024, à la galerie Les Filles du Calvaire, Paris 3e.
Koto Bolozo, Stephen Jones et Carla Sozzani réunis à Dover Street Market Paris
Capturant les chefs-d’oeuvres de l’illustre chapelier Stephen Jones, actuellement à l’honneur au Palais Galliera, les clichés du photographe Koto Bolofo envahissent désormais tous les étages de Dover Street Market, en plein cœur du Marais, sous la supervision de la galeriste Carla Sozzani. Les photos, prises dans l’atelier londonien de Stephen Jones en 2011 sont accompagnées d’un texte de ce dernier décrivant avec beaucoup de passion l’histoire de chacune de ses créations représentées. Cette semaine, le concept store profite de l’exposition pour célébrer la sortie de la seconde édition de Bolovision, magazine édité par Koto Bolofo.
“3: Koto Bolofo, Stephen Jones, Carla Sozzani”, exposition jusqu’au 2 décembre 2024 et lancement de Bolovision, le 6 novembre 2024, de 17h à 19h, à Dover Street Market Paris, Paris 4e.
Paris 11e : Voltaire
Le Chili vu par Sergio Larrain chez Magnum Photos
À partir de 1959, Sergio Larrain (1931-2012) débute une collaboration de longue date avec l’agence renommée de photojournalisme Magnum Photos. Près de 65 ans plus tard, celle-ci dédie une exposition au photographe chilien d’envergure internationale. Dans “Larrain’s Valparaíso and Los Abandonados”, la galerie Magnum Photos réunit quarante clichés de Valparaíso, ville portuaire du Chili à laquelle Sergio Larrain a consacré toute une série – depuis publiée dans un livre avec untexte de Pablo Neruda, collaborateur et ami proche de l’artiste. Le photographe y capture la cité dans toute son immensité, des enfants errants aux plans architecturaux, sans oublier sa vie nocturne, où marins et danseuses se rencontrent.
“Larrain’s Valparaíso and Los Abandonados”, exposition jusqu’au 30 novembre 2024, à la galerie Magnum Photos, Paris 11e.
Paris 17e : Monceau
français (Paris, 1953) © Janine Niépce / Roger Violet.
Janine Niépce retrace l’émancipation des femmes à la Citéco
En cette fin d’année, la Cité de l’Economie met en lumière le monde du travail à travers une photographe française ayant beaucoup œuvré pour la visibilité des femmes : Janine Niépce (1921-2007). Pendant quatre décennies de la seconde moitié du 20e siècle, cette dernière a déambulé dans Paris et ses environs pour documenter avec son appareil l’évolution de la femme, son émancipation vis-à-vis des hommes, son intégration au sein de la société civile, ses luttes mais aussi son rapport à la maternité, comme en témoigne un portrait puissant d’une mère et sa fille datant de 1961.
“Ma grand-mère, a toujours considéré le travail comme la pierre angulaire de l’indépendance financière et donc de la liberté des femmes.” évoque Hélène Jaeger Defaix, petite-fille de la photographe dans un communiqué de presse. Des clichés d’étudiantes à ceux d’ingénieures sur les chantiers en passant par des photos d’employées de crèche et d’avocates, la Citéco offre à voir l’œuvre d’une artiste profondément humaniste.
“Janine Niépce, regard sur les femmes et le travail”, exposition jusqu’au 5 janvier 2025 à la Cité de l’Economie, Paris 17e.