Art

18 oct 2024

Pourquoi le 25e Prix Fondation Pernod Ricard est-il historique ?

Pour la première fois depuis sa création en 1999, le Prix Fondation Pernod Ricard ne récompense pas un mais sept artistes de la jeune scène française, soit tous les finalistes de cette 25e édition. Une décision collégiale exceptionnelle, qui témoigne du changement de cap progressif de l’institution parisienne.

Article modifié le 21 octobre 2024

Portrait des sept artistes finalistes du 25e Prix Fondation Pernod Ricard. De gauche à droite : HaYoung, Madison Bycroft, Lenio Kaklea, Paul Maheke, Clémentine Adou, Mona Varichon et Charlotte Houette.

Temps fort et festif de la Semaine de l’art à Paris depuis des années, la remise du Prix Fondation Pernod Ricard a ce soir quelque chose d’un peu spécial. Pour la première fois, l’issue des délibérations de cette 25e édition a été révélée bien avant la cérémonie – en l’occurence, il y a plus d’un mois. Début septembre, lors de l’ouverture de la traditionnelle exposition des finalistes de cette récompense annuelle, qui distingue un artiste émergent de la scène française, on apprenait en effet qu’au lieu d’un heureux élu, les sept nommés seraient tous lauréats. Leurs noms ? Clémentine Adou, Madison Bycroft, HaYoung, Charlotte Houette, Lenio Kaklea, Paul Maheke et Mona Varichon.

Une première dans l’histoire du prix historique fondé en 1999, qui en vingt-cinq ans a récompensé des artistes tels que Tatiana Trouvé, Clément Cogitore, Caroline Mesquita ou, plus récemment, Elsa Werth. “Les artistes sollicité·es pour ce Prix ont en effet souhaité nous partager leurs préoccupations quant à une forme de mise en concurrence des personnes et des pratiques, déjà structurante dans l’activité artistique, et accentuée par ce type de compétition”, commentait alors Antonia Scintilla, directrice de la Fondation Pernod Ricard. Lors de sa prise de poste en 2023, cette dernière annonçait d’ailleurs un changement de cap progressif pour la fondation, portant notamment sur les manières de transformer ces récompenses individuelles en un accompagnement des artistes sur la durée, avec une volonté d’ouverture à l’international.

Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.

Si les prix représentent pour beaucoup d’artistes un tremplin majeur dans leur carrière, leur permettant notamment de réaliser des projets plus ambitieux tout en leur offrant une certaine visibilité, une nouvelle génération interroge cette mise en concurrence dans un milieu de l’art déjà miné par la compétition et la précarité. Ainsi, en 2022, les quatre finalistes du prestigieux Turner Prize au Royaume-Uni demandaient-ils à ce que la somme totale réservée au potentiel lauréat soit divisée pour que tous puissent se la partager, dans un geste manifeste de solidarité et de camaraderie entre homologues.

Au-delà de l’enveloppe remise à chaque finaliste, le prix Ricard rime également avec reconnaissance institutionnelle. Conformément à la tradition, chacun des sept lauréats de cette 25e édition verra une de ses œuvres intégrer les collections du musée national d’Art moderne au Centre Pompidou. À l’étage des collections permanentes du musée parisien en ce moment, on peut d’ailleurs découvrir l’installation d’Eden Tinto Collins, lauréate du 24e prix, qu’elle dévoilait l’an passé dans l’espace de la fondation.

Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.

En attendant de croiser ces sept jeunes artistes dans des musées, la Fondation Pernod Ricard présente encore leur travail jusqu’à la fin du mois, sous le regard affûté d’Arlène Berceliot Courtin, commissaire invitée à curater l’exposition du prix cette année. Intitulée “All the Messages are Emotional” (“Tous les messages sont émotionnels”), cette exposition “met les sentiments et les affects au cœur de son propos”, comme l’explique Antonia Scintilla.

De l’installation vidéo futuriste de Madison Bycroft aux peintures hypnotisantes de Charlotte Houette, en passant par le grand rideau violet de Paul Maheke, cachant derrière lui de discrets visages spectraux, et les vues de Paris photographiées par Mona Varichon, les œuvres exposées interrogent toutes sur la manière de communiquer ses émotions à l’ère contemporaine, en cherchant tout particulièrement à rendre visible l’invisible.

“All the Messages are Emotional”, exposition des sept finalistes du 25e Prix Fondation Pernod Ricard, jusqu’au 31 octobre 2024 à la Fondation Pernod Ricard, Paris 8e.

Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.
Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.
Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.
Vue de l’exposition “All the Messages Are Emotional” à la Fondation Pernod Ricard, Paris, 2024. Photo : Aurélien Mole.