3 œuvres fascinantes exposées à la Fondation Carmignac
À la fondation Carmignac, une exposition explore la représentation de la femme dans l’art au travers de son impressionnante collection, enrichie pour l’occasion de prêts exceptionnels. Des beautés idéalisées de Botticelli aux araignées de Louise Bourgeois en passant par les clichés poignants de Peter Hujar : focus en trois œuvres fascinantes, présentées sur l’île de Porquerolles jusqu’au 3 novembre 2024.
Par Camille Bois-Martin.
La plus précieuse : La Vierge à la Grenade de Sandro Botticelli (vers 1487)
Présentée à l’entrée de l’exposition, La Vierge à la Grenade (vers 1487) de Sandro Botticelli introduit aux visiteurs la thématique de toutes les œuvres qui suivent. Trésor des collections de la Fondation Carmignac, ce tableau signé du maître de la Renaissance cumule, à priori, tous les codes de la représentation de la femme classique, de la figure de la Vierge à la maternité aseptisée en passant par une féminité obéissante, voire assexuée (détachée de son propre corps, la grenade entre ses mains symbolise la sexualité, la fertilité et la mort).
Autant de préconçus, qui sont mis à mal par les œuvres femmes artistes exposées tout près, du clitoris sculpté de Marion Verboom aux scènes d’accouchement de Judy Chicago, en passant par la mère-araignée de Louise Bourgeois. Pourtant, la peinture de Botticelli, alors au sommet de sa carrière à la fin du 15e siècle, signait déjà l’avènement d’une nouvelle forme de représentation féminine, s’appliquant à tracer de son pinceau un idéal de beauté éthéré, qui feront le succès de sa Venus pudica (1485-1490) comme de sa Pallas (1480-1485) et de sa Simonetta Vespucci (1480), et poseront les bases de plusieurs siècles de représentations de la femme.
La plus impressionnante : L’Araignée de Louise Bourgeois (1995)
Dans le rez-de-jardin de la Fondation Carmignac, un étrange monstre marin semble s’être emparé des lieux. Dressée sur ses huit pattes filiformes, une araignée en acier trône au centre de la salle, surplombée par le reflet du bassin situé juste au dessus. Généreusement prêté le temps de l’exposition par le musée d’Art moderne de Paris, cette impressionnante sculpture fait partie des plus célèbres de Louise Bourgeois qui représente, au travers de cette arachnide… sa mère, décédée alors que l’artiste n’avait que 21 ans.
Si d’autres versions de cette installation existent à travers le monde sous le nom de Maman (dont une sur le parvis du musée Guggenheim à Bilbao), chacune déploie une représentation de la figure maternelle ambivalente, entre protection et menace, enveloppant ses progénitures dans sa toile comme elle emprisonne ses victimes en son sein. Un motif surprenant, auquel fait écho une œuvre de la plasticienne Frida Orupabo, exposée un étage plus haut, au sein de laquelle cette dernière accole son visage au corps d’une araignée, et dynamite les représentations traditionnelles des corps noirs dans l’histoire de l’art.
La plus émouvante : Candy Darling Lying on her Death Bed de Peter Hujar (1973)
Ses cheveux blonds oxydés et son maquillage parfaitement exécuté contrastent avec la décoration environnante. Allongée sur son lit d’hôpital, Candy Darling (1944-1974) nous fixe, lascive – mais surtout épuisée. Atteinte d’un lymphone qui l’emportera six mois plus tard, l’actrice transgenre américaine semble ici donner sa toute dernière performance. Les bouquets de fleurs qui l’entourent et la rose posée sur ses draps évoquent autant les fleurs lancées par le public sur scène à la fin d’un de ses spectacles, que celles qui seront plus tard déposées sur sa tombe.
Muse d’Andy Warhol et figure majeure de la culture drag aux États-Unis, Candy Darling pose des heures durant sans rechigner, malgré la douleur, et se transforme, derrière l’objectif de Peter Hujar, en martyr camp, de la même manière que la drag-queen Divine prend des allures de madone, photographiée par l’artiste trois ans plus tard.
Exposition “The Infinite Woman”, jusqu’au 3 novembre 2024 à la Fondation Carmignac, Piste de la Courtade, Île de Porquerolles, Hyères.