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Le jour où Guillaume Apollinaire a été accusé d’avoir volé des œuvres du Louvre
En août 1911, La Joconde disparaît du Louvre. Le poète Guillaume Apollinaire est mêlé à l’affire et se retrouve écroué pendant six jours après avoir accepté des statuettes à un prix dérisoire… qui sont en réalité des objets volés.
par Anatole Stos.

Mais qui a dérobé la Joconde ?
Qui a pu faire le coup ? Qui a osé toucher au joyau de Léonard de Vinci ? Un gardien ? Un journaliste ? Un technicien de surface ? En ce lundi 21 août 1911, on fouille tous les recoins du musée. La Joconde a disparu. Les placards et les réserves, aussi poussiéreux soient-ils, sont passés au peigne fin, et près de soixante-dix inspecteurs sont dépêchés sur place le jour même du vol. On ne retrouve que le somptueux cadre de la Renaissance italienne et la vitre qui protégeait le tableau dans un petit escalier menant à la cour Visconti…
Le monde s’enflamme, la presse s’emballe, les contrôles aux frontières sont renforcés. La nouvelle fait les choux gras des journaux, et quand le scandale prend de l’ampleur, on commence à désigner des coupables “faciles” : les Juifs seraient-ils à l’origine du vol ? Ou un “Boche”, mouchard du Kaiser Guillaume II ? Le contexte international tendu contribue à intensifier les calomnies. Dans ce climat délétère et face au scandale, le directeur du Louvre, Théophile Homolle démissionne.

Le poète Guillaume Apollonaire sur le banc des accusés
S’ensuivent deux semaines d’accusations diffamatoires et de spéculations infondées, qui ignorent délibérément la présomption d’innocence. Le musée entreprend également un inventaire complet de ses collections. Et voilà que des pièces manquent à l’appel ! Deux semaines après le vol, homme au nom improbable se retrouve sur le banc des accusés : Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire…
La faute en revient à un certain Géry Pieret, aventurier belge et ancien secrétaire du poète. Celui-ci avait bel et bien dérobé trois statuettes au Louvre quelques années plus tôt. Le problème ? Il en avait vendu une partie à deux de ses connaissances : Guillaume Apollinaire et Pablo Picasso. On raconte que le peintre se serait même inspiré de ces statuettes pour créer Les Demoiselles d’Avignon (1907).
Le 7 septembre 1911, le juge d’instruction chargé de l’affaire décide de faire incarcérer Guillaume Apollinaire à la prison de la Santé pour recel d’objets volés. L’homme de lettres passe six jours en cellule, en raison de ses liens passés avec son ami et ancien secrétaire Géry Pieret.

Un coupable inattendu et patriote
Ces six jours ont marqué Guillaume Apollinaire. Car le poète est bel et bien innocent… En revanche, Vincenzo Peruggia, peintre en bâtiment italien employé au Louvre, connaît les couloirs du musée comme sa poche. Le lundi 21 août 1911, il profite de son uniforme pour se fondre parmi le personnel et s’introduit dans la salle des États avant l’ouverture. Là, il décroche le tableau, ôte soigneusement la vitre et le cadre, puis dissimule la Joconde sous sa blouse blanche avant de quitter tranquillement le musée. Le vol passe inaperçu pendant plusieurs heures.
Pendant plus de deux ans, Peruggia garde le chef-d’œuvre caché dans sa chambre parisienne, persuadé de restituer au pays natal de Léonard de Vinci un trésor spolié. Il sera finalement arrêté en décembre 1913, à Florence, alors qu’il tentait de revendre le tableau à un antiquaire.