17 oct 2025

Pourquoi le film sur Springsteen va vous réconcilier avec les biopics

Après avoir fait sensation dans la série The Bear, le film The Iron Claw et dans une récente campagne ultra sexy de Calvin Klein, l’acteur Jeremy Allen White incarne avec intensité le célèbre rockeur américain Bruce Springsteen dans un biopic intitulé Deliver Me From Nowhere, centré sur la composition de l’album culte Nebraska (sorti en 1982). Jeremy Strong, qui joue le manager du musicien dans le long-métrage, nous dévoile les coulisses de ce projet subtil et touchant qui raconte l’homme et non la légende.

  • par Violaine Schütz

    et Erwann Chevalier.

  • La vie des stars de la musique est devenue le terrain de jeu favori des réalisateurs. Depuis le flamboyant Bohemian Rhapsody (2018) sur Freddie Mercury et Rocketman (2019) sur Elton John, les biopics musicaux semblent en effet être une tendance pérenne. Même si ces derniers décoivent souvent, notamment par leur côté hagiographique…

    Pourtant, le dernier en date risque de faire parler de lui positivement.. Il s’agit d’un film très réussi sur le génial Bruce Springsteen. Un auteur-compositeur-interprète, bête de scène et guitariste américain légendaire à qui l’on doit des merveilles telles que Dancing in the Dark, Born in the U.S.A. ou I’m on Fire.

    Un anti-biopic réussi sur Bruce Springsteen

    Le biopic intitulé Springsteen : Deliver Me From Nowhere, prévu pour le 22 octobre 2025, retrace la création de l’album hanté Nebraska (1982). L’un des meilleurs opus du musicien qui a vendu plus de 64 millions de disques au cours de sa carrière. Et des moins commerciaux.

    On y retrouve des morceaux phénoménaux musicalement (State Trooper) ainsi que des textes aux airs de chroniques sociales puissantes. Certaines paroles ont même inspiré un film. En effet, la chanson Highway Patrolman qui raconte les relations entre deux frères, un voyou, l’autre policier, a influencé The Indian Runner (1991) de Sean Penn.

    Celui qui avait fait sensation avec son tube Hungry Heart (1980) et ses concerts électrisants se retrouve, au moment du film, dans un moment difficile de sa vie. Il repense à son enfance difficile et s’enlise dans ses démons, ce qui débouche à une dépession. Mais aussi, à une renaissance créative.

    La naissance de l’album Nebraska

    Le pitch du film écrit et réalisé par l’Américain Scott Cooper (Hostiles avec Christian Bale) ? “L’élaboration de Nebraska – qui a suivi le River Tour de Bruce Springsteen en 1981 – a marqué une période charnière dans la vie de l’artiste. Il n’en a parlé ouvertement que des décennies après la sortie de l’album, considéré pourtant comme un jalon dans son odyssée créative et une source d’inspiration pour toute une génération de musiciens !

    Le chanteur décide d’enregistrer ses nouveaux morceaux sur un magnétophone quatre pistes dans une chambre d’une maison située dans le New Jersey. Et sans son E Street Band. Il veut un son dépouillé et acoustique, qui sera difficile à faire passer auprès de son label qui lui demande des tubes.

    C’est un film sur Bruce Springsteen, et sur la création de Nebraska. Mais en réalité, c’est un film sur la réparation des traumatismes par l’art.” Jeremy Strong

    Rencontré lors d’une table ronde, Jeremy Strong, qui joue le manager et confident de Bruce Springsteen, Jon Landau, dans le film, explique quant au parti pris de cet anti-biopic validé par le Boss lui-même : “Il y a eu tellement de films sur les musiciens et leurs vies. Personnellement, j’adore la façon dont Scott Cooper, le réalisateur, a choisi de raconter cette histoire, qui n’est pas une histoire holistique de Bruce, la rock star ou le mythe. C’est vraiment une synthèse d’un moment de l’histoire de Bruce, l’Homme. Warren Zanes a écrit ce livre incroyable, Deliver Me From Nowhere, qui m’a profondément touché et captivé.

    L’acteur précise : “C’est un film sur Bruce Springsteen, et sur la création de Nebraska. Mais en réalité, c’est un film sur la réparation des traumatismes par l’art. Il traite de santé mentale, de réalisation de soi, d’individuation et de thèmes émotionnels et psychologiques bien plus profonds, autour de la guérison et de la réconciliation avec le passé. Dans la lignée de certains autres grands longs-métrages de Scott Cooper, c’est une étude de personnages assez percutante. Je ne le considère pas du tout comme un biopic. Il se trouve juste qu’il parle de Bruce Springsteen et de sa musique.”

    La bande-annonce de Springsteen: Deliver Me From Nowhere (2025).

    Jeremy Allen White enfile le blouson de l’icône du rock

    Ce long-métrage, adaptaté du livre Deliver Me From Nowhere: The Making of Bruce Springsteen’s Nebraska, écrit par Warren Zanes et publié en 2023, a bénéficié de la validation et des conseils de Bruce Springsteen et de son manager, Jon Landau. Un soutien précieux comme le révèle Jeremy Strong : “J’ai apprécié leur présence sur le plateau. Je les aime profondément tous les deux. Nous sommes devenus très proches pendant le tournage. Il n’y a pas vraiment de place dans votre champ de vision psychologique pour qui que ce soit sur le plateau. Votre seul rôle est de vous investir dans les circonstances imaginaires et les enjeux de la scène. Du coup, ils disparaissent. Et en même temps, ça vous met un peu à rude épreuve, ce que j’aime ressentir. En fait, ce qui était incroyablement précieux, c’était de les avoir comme ressource. J’étais assez insatiable, je voulais en savoir plus.

    L’acteur américain leur a posé beaucoup de questions pour s’imprégner de leur univers et de leurs personnalités : Je leur ai demandé : “Quand vous étiez à Göteborg, que faisiez-vous quand vous aviez faim ? Où alliez-vous manger ? Avez-vous des anecdotes sur l’époque de Nebraska ? Il y a une scène où nous sommes devant la centrale électrique et je raconte un souvenir d’un épisode de la sitcom The Honeymooners (1955-1956). Ce n’était pas dans le scénario. C’est quelque chose que Jon m’a raconté. Je lui avais demandé de décortiquer ce souvenir. Ce genre de choses a renforcé le niveau de détail et de véracité ainsi que la relation. Bruce et Jon ont été très ouverts, ce qui est précieux quand on essaie de s’accaparer quelque chose de très large pour le rendre plus précis et authentique.”

    Un casting exceptionnel avec Jeremy Strong

    Et si le film Springstreen : Deliver Me From Nowhere vaut, au final, le détour, c’est en grande partie pour son casting qui s’est plongé à fond dans cette histoire de passion, dévorante, pour la musique. Pour incarner cette icône de rock en proie aux doutes, on retrouve un acteur phare d’Hollywood. En effet, l’intense Jeremy Allen White (The Bear, Iron Claw) se glisse avec aisance dans la peau du Boss. Et son sex-appeal et sa vulnérabilité, proches de ce que renvoie le chanteur, fait mouche. Il faut dire que le jeune homme a appris à chanter et à tenir une guitare.

    À ses côtés, figure la jeune actrice Odessa Young (Shirley en 2020), dans le rôle de l’un de ses premiers amours tandis que le talentueux Jeremy Strong (Succession, The Apprentice) brille en manager du Boss. Quant au talentueux Stephen Graham (Adolescence), il se glisse avec force dans la peau du père – violent et alcoolique – de Bruce Springsteen.

    Une bromance touchante entre un artiste et son manager

    Si toutes les performances des comédiens sont brillantes, on apprécie particulièrement l’alchimie qui réunit les deux Jeremy à l’écran. Une bromance qui s’est aussi jouée en dehors des plateaux, comme nous l’explique la star de la série Succession : “C’était très naturel de jouer l’ami de Jeremy. Jeremy est quelqu’un que j’admire énormément. Nous ne nous connaissions pas, mais nous avions une grande confiance l’un en l’autre. Je savais qu’il serait très à l’aise et préparé. Je pense qu’il en attendait autant de moi. Nous n’avons jamais répété ni discuté ensemble. Nous nous faisions simplement confiance et comprenions ces hommes et leur relation. D’une certaine manière, une partie du travail d’acteur consiste à comprendre la dynamique qui existe entre les personnages et à l’incarner.

    Jeremy Strong ajoute : “Il était très facile pour moi de me sentir dévoué à ce que faisait Jeremy et de le protéger. Les plateaux de tournage sont comme des cocottes-minute, et je savais que c’était une mission impossible d’incarner Bruce Springsteen et d’interpréter Born in the U.S.A. au studio Power Station, là où Bruce a enregistré cette chanson, sous les yeux de Bruce. J’ai eu l’impression qu’il était facile de ressentir Jon et Bruce à travers la relation de Jeremy et Jeremy.”

    Des performances bluffantes

    Ce biopic pourrait valoir des nominations aux Oscars à Jeremy Strong et Jeremy Allen White. Et il confirme qu’Hollywood ne pourra plus se passer de ces deux acteurs intenses et sensibles. Pour rappel, Jeremy Allen White s’est d’abord fait remarquer dans la série Shameless (2011-2021) puis, The Bear depuis 2022.

    Sa performance dans la série culinaire de Christopher Storer a été unanimement acclamée. Son rôle de chef cuisinier qui doit sauver le restaurant familial suite au suicide de son frère lui a notamment valu le Golden Globe du meilleur acteur dans une série télévisée musicale ou comique lors de la 82e cérémonie des Golden Globes en 2024.

    Habitué aux rôles très forts, l’égérie Calvin Klein avait aussi fait sensation en tant que membre de la célèbre famille de catcheurs Von Erich dans le film The Iron Claw (2024) aux côtés de Zac Efron et Lily James. Avec Springsteen: Deliver Me From Nowhere, il dévoile encore une fois son don pour les performances sombres et fascinantes…

    Springsteen: Deliver Me From Nowhere de Scott Cooper, au cinéma le 22 octobre 2025.