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La Tabi de Margiela : retour sur l’histoire d’une chaussure iconique
La Tabi, chaussure iconique du créateur Martin Margiela, était déjà présente sur le podium de son premier défilé parisien au printemps-été 1989. Aujourd’hui, elle demeure l’emblème d’une mode à jamais avant-gardiste et subversive. Retour sur une création toujours aussi fascinante.
par Auguste Schwarcz,
et La rédaction.

La Tabi, une chaussure iconique
En 1984, alors qu’il est encore étudiant, Martin Margiela découvre au Japon la chaussure tabi. Parti avec ses camarades de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, le créateur belge repère, aux pieds des ouvriers japonais, ces accessoires confectionnés en tissu. Épousant le pied comme des chaussons, ces souliers présentent une autre caractéristique : un gros orteil séparé des autres.
Apparue au 15e siècle et d’abord prisée par les aristocrates japonais, la tabi se démocratise lorsque les échanges économiques avec la Chine se densifient. Elle devient alors accessible aux classes populaires et se fait une réputation de soulier bien-être. Cet objet est alors censé stimuler un point de réflexologie, clarifiant le corps et l’esprit.
Mais il faudra attendre le 23 octobre 1988 pour que la Tabi fasse une entrée fracassante, et définitive, dans l’univers mode. Lors du premier défilé Maison Martin Margiela, les fameuses chaussures à la couture blanche font leur apparition sur les podiums parisiens. Pour sa collection printemps-été 1989, le designer est animé du désir de concevoir une chaussure qui n’en soit pas vraiment une.
Un projet pour le moins déroutant pour le public de l’époque, qui découvre le premier modèle Tabi signé Martin Margiela. Ces chaussures en cuir, dotées d’une séparation marquée du gros orteil sont alors montées sur un large talon cylindrique.
Une empreinte propre à Margiela
Plus de dix ans après ce défilé inaugural, Martin Margiela poursuit son fantasme. Le 13 octobre 1995, lors de son défilé printemps-été 1996, son ambition de réduire la chaussure à l’essentiel – une simple empreinte – se concrétise enfin. Ce jour-là, le créateur se contente d’attacher, à l’aide d’un ruban adhésif transparent, de simples semelles fendues aux pieds de ses mannequins.
“La chaussure Tabi est l’empreinte la plus importante de ma carrière : elle est reconnaissable, continue d’exister après 25 ans, et n’a jamais été copiée”, confie Martin Margiela dans le catalogue de son exposition au MoMa en 2017. Une déclaration longtemps vérifiée, jusqu’à ce que Demna (à la tête de Maison Margiela de 2009 à 2012) présente pour la collection automne-hiver 2018-2019 de la marque Vêtements, des chaussures inspirées de la Tabi. Plus récemment, c’est la créatrice Nina Christen (Bottega Veneta, Loewe et Dior), qui a imaginé des ballerines bicolores pour sa marque.
Malgré tout, le soulier restera à jamais l’empreinte de Margiela, et pour cause, il se réinvente sans cesse au sein même de la maison. En témoigne la collaboration audacieuse avec Christian Louboutin en début d’année, ainsi que les derniers modèles dévoilés par Glenn Martens lors de son premier défilé haute couture en tant que directeur artistique de la maison, en juillet 2025.


Un film ode à l’artisanat et une capsule hommage
Désormais, ces empreintes devenues iconiques sont au cœur d’une collection capsule de 25 paires seulement. Intitulée Tabi Broken Mirror, celle-ci réunit des modèles brodés à la main, ornés de plus de 8 000 perles de verre, mini-sequins et ornements métalliques. Leur effet miroir vieilli, craquelé et brisé s’inspire d’un tissu complexe issu du défilé haute couture automne-hiver 2015-2016 signé John Galliano, resté plus de dix ans à la tête des collections.
Présentée comme le premier volet d’une série plus vaste qui célèbrera, à raison d’une édition par an, l’emblématique accessoire, la capsule Tabi Broken Mirror reflète à merveille la Tabi dans toute son irrévérence. La Tabi comme un phénomène de mode, entre répulsion et adoration.
La collection Tabi Broken Mirror sera disponible en édition limitée. Dans une sélection de boutiques à partir du 30 octobre 2025.