15 sept 2025

Yannick Alléno, le chef étoilé à la tête des cuisines du Monsieur Dior

Rencontre avec Yannick Alléno, l’un des huit plus grands talents contemporains des arts culinaires, aujourd’hui à la tête du restaurant Monsieur Dior de la maison de mode française.

  • par François Simon

    portrait par Pierre Even.

  • Publié le 15 septembre 2025. Modifié le 8 octobre 2025.

    Yannick Alléno, un chef étoilé formé à la pâtisserie

    Chef triplement étoilé qui réinvente avec brio le restaurant Ledoyen, la célèbre institution des Champs-Élysées, Yannick Alléno, 56 ans, semble soulagé ce matin. Il faut dire qu’avec ses trajets entre Dubai, Courchevel, Marrakech, Pékin, Taïwan, le Puy du Fou, le Sofitel, les Terroir Parisien et les dîners privés… il avait de quoi frôler le burn-out. Sagement, il a réduit le nombre phénoménal de ses collaborations culinaires (sans compter une maison d’édition, avec le magazine Yam). De dix-sept établissements, il est ainsi passé à douze en 2019.

    C’est une semblable générosité qui préside à l’un de ses gestes préférés en cuisine. En effet, Yannick Alléno a la particularité d’avoir une formation pâtissière, fait plutôt rare chez les chefs, qui sont, pour la plupart, de formation “salée”. Il existe même presque un antagonisme entre ces deux branches de la cuisine. Du reste, chaque fois qu’un restaurateur doit présenter ses équipes, il commence toujours, par ordre de préséance, par les cuisiniers, et seulement ensuite arrivent les pâtissiers. Cet antagonisme crée d’ailleurs une sorte de surenchère pâtissière car, en fin de repas, les appétits sont en berne, les chefs salés sont passés par là, la sommellerie également ; le coup le plus vicelard étant de présenter un superbe plateau de fromages, histoire de bien savonner la planche. Michel Guérard, l’un des chefs les plus élégants de la gastronomie française, est également de façon pâtissière.

    Des passages par les plus grandes cuisines

    Quel est donc ce geste préféré ? C’est fleurer. Le sens premier de ce verbe, c’est “sentir”. Mais en pâtisserie, c’est tout autre chose. C’est le geste du semeur. De la semeuse. Il s’agit de prendre la farine entre les doigts, de balancer prestement le bras de la droite vers la gauche, puis de donner un twist du poignet en ouvrant les doigts. On fleure ainsi pour les pâtes, les feuilletages. Ce geste-là, Yannick Alléno l’a appris très tôt auprès de son maître Jean-Claude Allard, au Lutetia, à Paris. L’apprentissage est fondamental pour un cuisinier, c’est à ce moment précis que les “pliages” se font, la rigueur, les bonnes manières, la rythmique… Yannick Alléno fleure également avec la fleur de sel pour les viandes. Le geste est identique, avec cette précision instinctive, lorsque la main prend le pouvoir, impose sa gestuelle, sa scénographie, son toucher, son sens du devoir.

    Ayant ainsi resserré ses rangs, Yannick Alléno peut se consacrer plus sereinement à son développement. Il passe avant tout par son adresse des Champs-Élysées. Il y eut d’abord la table gastronomique récompensée par les trois étoiles (2015) installée au premier étage, puis l’aventure audacieuse : hébergé au rez-de- chaussée, L’Abysse (2018), avec le chef Hachiro Mizutani et un comptoir à sushis singulier, avant-gardiste et épuré, reprenant à son compte le travail de Laurence Bonnel-Alléno sur une architecture intérieure blanche et graphique. Il est déjà étoilé.

    Monsieur Dior, la nouvelle aventure de Yannick Alléno

    Auréolé de dix-sept étoiles au Guide Michelin, Yannick Alléno étend sa conquête des arts culinaires avec une nouvelle aventure. À partir du mois de septembre, la maison Dior lui confie les clés de sa pâtisserie, de son café – ainsi que de son restaurant installé au cœur de l’hôtel particulier qui a vu naître l’enseigne. Le chef cuisinier prend donc les rênes du Monsieur Dior, installé au 30, avenue Montaigne à Paris. Il succède alors à Jean Imbert, actuellement au cœur d’une affaire médiatique. En effet, ce dernier est visé par des accusations de violences conjugales et de séquestration par quatre de ses ex-compagnes depuis avril dernier.

    Fidèle aux inspirations qui ont fait le succès de Christian Dior, Yannick Alléno imagine une carte qui met à l’honneur la nature et les fleurs. En témoignent des lasagnes assemblées à partir de plis d’artichaut, un “shaker floral” constituées de fleurs colorées et de pickles de légumes, ainsi qu’un chausson de saison, dont les reliefs rappellent une ruche d’abeilles. Selon un communiqué de presse, le chef aspire à créer “des formes et textures qui dialoguent avec l’univers de la couture, les archives et les looks Dior.