Madonna, Miley Cyrus, Tommy Cash… Quand les stars se frottent au porno
Le rappeur estonien Tommy Cash vient de révéler Untz Untz, un clip censuré sur YouTube qui parodie les Jeux olympiques de Paris 2024 dans une version pornographique. D’improbables coïts ont remplacés les disciplines sportives. Kali Uchis, Miley Cyrus, Madonna, Kanye West… Mais pourquoi cet univers au parfum de soufre fait-il frétiller tant de stars ?
Par Alexis Thibault.
Sextape : du coït à la fame
Ce n’est un secret pour personne, Kim Kardashian doit une partie de son empire à une sextape… En 2007, la vidéo qu’elle a tournée avec le chanteur Ray J atterrit sur le site Vivid, poursuivi aussitôt en justice par l’Américaine. Mais la supercherie sera de courte durée : sa propre mère est en réalité à l’origine de la fuite… Longtemps ostracisé, le porno s’impose aujourd’hui sans complexes comme une option dans les plans com’. Les pornstars, de Clara Morgane à Liza Monet, se reconvertissent dans la musique. Quant aux rappeurs, ils invitent des pornstars dans leurs clips depuis que le buzz rapporte davantage que le talent.
Ainsi, dans son clip Selfie#2 (2015), le Français Vald, à quelques centimètres du coït de Ian Scott et Nikita Belluci, entonne d’un air blasé : “On se tient même la main quand on marche dans le bourg. Elle me fait des câlins quand y’a des gens autour.” Entre blague et coup marketing, la vidéo est diffusée sur le site Pornhub. Quelques visiteurs restent interdits : “Au départ, je voulais juste voir un clip sur YouTube…”, d’autres crient au scandale avec second degré : “Insupportable, impossible de se masturber sur le petit blond à lunettes de soleil qui squatte à côté du couple !”
Des Pornhub Awards à une parodie des Jeux olympiques de Paris 2024
Outre-Atlantique, Pornhub frappe encore plus fort en invitant la pin-up soul Kali Uchis à ses Pornhub Awards, une cérémonie de remise de prix délirante organisée à Los Angeles. Un an plus tôt, un certain Kanye West en était le chef d’orchestre, l’accro au X dévoilait en avant-première son titre I Love It. Le 8 août c’est le rappeur estonien Tommy Cash qui a fait parler de lui en révélant le clip Untz Untz, d’une durée de trois minutes, co-réalisé avec Alina Pasok.
Comme un clin d’œil à l’univers du groupe de rave de Saint-Pétersbourg Little Big, cette vidéo également intitulée Sex Olympics propose une parodie – voire une satyre – des Jeux olympiques de Paris 2024 dans laquelle les disciplines ont été remplacées par d’improbables coïts réalisés par des athlètes de haut niveau. Disponible sur la plateforme YouTube dans sa version non censurée, le clip de l’artiste proche de Rick Owens et fanatique du cinéma de David Cronenberg cumule près de 500 000 vues sur le site pornographique Pornhub.
De YouTube à YouPorn : la naissance d’un empire
Le site YouPorn naît en 2006 de la main de deux geeks en quête du maximum de trafic. Comme l’explique la réalisatrice Ovidie, “ces deux businessmans se sont appuyés sur une loi de 1998 permettant aux sites de streaming de balancer toutes les vidéos qu’ils voulaient jusqu’à ce que l’ayant-droit se manifeste.” Après avoir peu à peu racheté toutes les plateformes concurrentes, ils fondent Mindgeek en 2013. Basée au Luxembourg, cette entreprise détient entre autres YouPorn, RedTube, PornHub et Brazzers. Dans le milieu du X, l’essor du Web fait les affaires des plus petites compagnies qui peinent à se développer.
En parallèle, les cinémas spécialisés mettent la clé sous la porte, DVD et magazines s’échangent désormais dans les brocantes et le peep-show devient le dernier refuge sulfureux pour touristes en mal de sensations. À l’heure où la production amateur explose, chacun change son fusil d’épaule. Face à la quantité, les rois du X promettent, eux, la qualité. D’autant que le porno a désormais toute latitude pour proposer des collab aux autres industries. Ainsi, Marc Dorcel offre par exemple des godemichets aux youtubeurs, ou promeut ses productions avec humour en contraignant les internautes à conserver les deux mains sur le clavier (par un savant jeu de touches à garder enfoncées simultanément) pour visionner les vidéos gratuitement…
Comment le X redore son blason
L’industrie pornographique brasse des milliards (les États-Unis qui représentent près de 90% des productions, génèrent un marché de 10 milliards de dollars annuels environ). Tellement d’argent qu’elle contribue de façon très directe aux innovations technologiques, particulièrement dans le secteur de la réalité virtuelle. Les futurs jeux vidéo devront certainement beaucoup à la mise au point d’une éjaculation plus vraie que nature en réalité virtuelle.
Malgré tout, l’industrie pornographique a mauvaise presse et cherche à se racheter une conduite depuis qu’elle est aussi responsable du déréglement climatique. Ses serveurs surchauffent, et elle en a beaucoup. En 2018, Pornhub enregistre plus de 900 requêtes par seconde à travers le monde, et 200 000 vidéos sont visionnées chaque minute. Ce poids considérable dans le marché accule les patrons du sexe à répondre aux accusations qui leur sont faites, notamment vis-à-vis des jeunes qui découvrent le X à 11 ans ou des femmes qui ne se retrouvent pas dans les contenus, trop souvent misogynes.
Le cas Bella Thorne
Bella Thorne est l’une des figures de proue du porno éthique. À 22 ans, cette ex-égérie de la chaîne Disney Channel cummule près de 21 millions de followers sur Instagram et revendique une sexualité moderne, affranchie du règne du mâle blanc hétérosexuel dominant. Passée derrière la caméra, elle a décroché le trophée du meilleur réalisateur lors des Pornhub Awards grâce à son film X Her & Him.
Le porno a donc beaucoup à gagner en se rachetant une conduite, quitte à s’autoparodier ou devenir résolument cool en invitant Kanye West ou Kali Uchis. Surtout, il a compris que la jet-set était un vivier intarissable : en 2013 la société de “divertissement pour adultes” GameLink aurait proposé plus d’un million de dollars à Miley Cyrus pour qu’elle réalise son propre film pornographique avec “contrôle créatif total”.
Le tabou et l’assurance du buzz
Lindsay Lohan, Christina Aguilera, Demi Lovato… Avides de transgression artificielle les stars se sont longtemps contentées de flirter avec le porno. En 1992, Madonna crée la polémique avec Sex, un ouvrage de photographies sulfureuses qui accompagne son cinquième album Erotica. Sur la couverture, une phrase on ne peut plus claire : “Je vais vous apprendre à baiser.” 26 ans plus tard, la rappeuse Brooke Candy ne se contente plus d’un livre mais réalise carrément un court-métrage pornographique. En 40 minutes, I Love You plonge le spectateur dans un univers onirique à la gloire de la sexualité queer. On y découvre les ébats sexuels d’acteurs porno, nichés dans un décor céleste qui évoque la Grèce antique. Les extraits les plus softs cartonnent sur YouTube et invitent à en découvrir davantage sur le site du producteur… Pornhub.
Si le sexe fait vendre, il entre aussi dans le processus de mutation des jeunes filles sages en pleine crise d’ado. En 2014, alors qu’elle se mue peu à peu en pop star sulfureuse pour briser son pacte avec Mickey, Miley Cyrus – autrefois héroïne Disney Channel – débarque au festival du film porno de New York. Du moins en vidéo. Réalisé par l’artiste britannique Quentin Jones, le clip Tongue Tied ouvre l’événement et révèle la chanteuse bouillonnante yeux bandés, comme tranchée par des lanières de latex. La provocation n’est pas punk, elle est minutieusement calculée. Mais cet élan sexuel demeure un phénomène principalement occidental. En 2015, la chanteuse ougandaise Jemimah Kansiime est incarcérée pendant cinq semaines après avoir publié un clip musical dans lequel on apercevait simplement ses jambes et son décolleté.