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JT, John Glacier, Doechii… Les rappeuses à écouter en 2025
Deux ans après la diffusion de l’excellente série documentaire proposée par Netflix, Ladies First : Les femmes du hip-hop américain, les rappeuses sont partout en 2025. Tour d’horizon des étoiles du hip-hop à suivre absolument, de Doechii à JT, en passant par John Glacier.
par Violaine Schütz,
et Alexis Thibault.
La poésie fragmentée de John Glacier
John Glacier est-elle vraiment une rappeuse ? Née à Hackney de parents jamaïcains, elle s’impose toutefois comme une voix singulière du rap britannique. Dès l’album Shiloh: Lost for Words (2021), produit par Vegyn, elle propose une esthétique dépouillée : production lo-fi, écriture en fragments, paroles aux allures d’incantations. Quant aux beats squelettiques concoctés par son homologue britannique, ils épousent ses textes résolument diaristiques.
Avec Like a Ribbon (2025), John Glacier affine encore son art de la discrétion. L’album, pensé en trois volets, déroule un ruban sonore où se confrontent la dureté de Londres et la douceur d’évocations naturelles. Sur Ocean Steppin’, en collaboration avec Sampha, nappes synthétiques et flow minimal créent une suspension presque méditative. Le titre Money Shows, lui, préfère la répétition hypnotique.
Atteinte de l’un des syndromes d’Ehlers-Danlos — maladies héréditaires rares du tissu conjonctif qui entraînent une souplesse anormale des articulations, une peau très élastique et des tissus fragilisés — John Glacier a appris à calibrer son énergie. Dans sa musique, rien n’est superflu : tout est sculpté à partir d’une économie vitale. Elle ne cherche pas la virtuosité ; sa musique surgit comme un fil tendu entre douleur et apaisement. Une des voix les plus intimes et radicales de la scène britannique contemporaine.
Like a Ribbon (2025) de John Glacier, disponible.
Les strophes rageuses et colériques d’Infinite Coles
Infinite Coles surgit dans le paysage rap avec une intensité rare, façonnée par la nécessité de dire. SweetFaceKillah (2025) diss track contre son père, Ghostface Killah — ancien membre du légendaire Wu-Tang Clan —, résonne davantage comme une libération que comme une provocation. Il y déverse effectivement une colère brute, tiraillé entre rejet et supplication de reconnaissance. Loin de l’exercice de style, le morceau agit comme une véritable catharsis…
Son univers queer – du R’n’B rétro à la house downtempo – conjugue basses massives, beats trap martiaux et touches mélodiques volontairement dissonantes. Ses silences et ralentissements soudains trahissent, de fait, une maîtrise héréditaire instinctive de la tension dramatique. Infinite Coles joue des ruptures : l’attaque frontale se mue en confession déchirante.
Avec les morceaux SweetFace Killah, BMG et Dad & I, il signe déjà trois des détonations les plus marquantes de la rentrée. Son album – SweetFace Killah – , prévu pour le 5 décembre 2025, s’annonce comme l’une des sorties phares de la saison.
SweetFace Killah (2025) d’Infinite Coles, disponible le 5 décembre.
Chy Cartier, une héroïne du rap sous la pluie londonienne
En 2023,Chy Cartier surgit comme un éclat dans la pluie londonienne avec le titre Bossed Up. Dix-neuf ans, une voix qui tranche et une présence qui aimante aussitôt : la presse la remarque, les grands frères du Royaume — Stormzy, Central Cee — l’adoubent. Ce qui séduit, c’est ce paradoxe incandescent : une joie vive qui n’éteint jamais la dureté de son énergie, une aura qu’on imagine aussi bien complice dans un salon qu’au cœur d’un club malfamé.
Avec son disque No Bring Ins (2025), la rappeuse expérimente, entre drill et R’n’B spectral puis distribue des strophes sur la thune, la gloire, le luxe et une certaine défiance vis-à-vis de son entourage. Une combattante sur ses gardes. Tout porte à croire que sa force puise dans une enfance portée par sa mère et sa grand-mère, figures de résilience qui lui transmettent l’endurance et l’héritage culturel. Au milieu du hip-hop de son foyer, elle découvre Lil’ Kim, Foxy Brown, Nicki Minaj…
À vingt ans, Chy Cartier avance désormais à toute vitesse. Ses morceaux convoquent Pharrell Williams ou Rick Owens comme pour mieux faire éclore son identité d’héroïne SF sombre et ultra contemporaine.
No Bring Ins (2025) de Chy Cartier, disponible.
Doechii, la rappeuse sacrée aux Grammy Awards
Qui a pu passer à côté de l’ascension fulgurante de Doechii en 2025 ? La charismatique Jaylah Hickmon est une chanteuse et rappeuse de 27 ans originaire de Tampa en Floride qui a eu l’honneur de se retrouver dans la playlist Spotify estivale de Barack Obama en 2022. Une mise en lumière méritée pour celle qui, depuis 2016, mixe pop, dance et hip-hop avec brio. Influencée par Nicki Minaj et Lauryn Hill (et comparée à Doja Cat), l’artiste a aussi à son actif des cours de ballet, de claquettes, de gymnastique, de comédie et de chorégraphies de pom-pom girl.
Bref, l’interprète du tube house ultra sexy Persuasive (2022), qui a déjà collaboré avec Missy Elliott et SZA, a tout d’une future star. Elle a notamment remporté le Grammy Award du meilleur album rap pour son opus Alligator Bites Never Heal (2024), troisième femme de l’histoire de la cérémonie à être auréôlée de ce prix. Autant adoubée pour ses punchlines incisives que pour ses apparitions mode, Doechii s’est érigée parmi les grands noms du rap à suivre pour les prochaines années…
Alligator Bites Never Heal (2024) de Doechii, disponible.
GloRilla, la rappeuse adoubée par Cardi B
En seulement quelques morceaux et clips (osés), la rappeuse américaine originaire de Memphis GloRilla, 26 ans, est devenue l’une des figures à suivre dans le hip-hop américain, imposant une présence et une gouaille qui évoquent des stars du genre comme Megan Thee Stallion. Dans le clip de Tomorrow (2022), fruit d’une collaboration avec Cardi B visionné plus de 200 millions de fois, elle twerke dans les rues du Bronx, accompagnée d’amies à elles au beau milieu d’une fête d’appartement. L’énergie débordante déployée par l’artiste, ainsi que son charisme et ses superbes EP Anyways, Life’s Great… (2022) et Glorious (2024), laisse à penser que GloRilla devrait faire des étincelles dans les années à venir. (VS)
Glorious (2024) de GloRilla, disponible.
Latto, collaboratrice de Mariah Carey et de Cardi B
Alyssa Michelle Stephens alias Latto (ex-Mulatto), est une rappeuse américaine de 26 ans qui a participé à l’émission de télé-réalité The Rap Game en 2016. Depuis, elle a sorti plusieurs mixtapes, albums et singles remarqués dont l’addictif Big Energy (2021). Peu connue en France, Latto est une figure prisée aux États-Unis où elle a collaboré avec Future, Gucci Mane, Mariah Carey et Saweetie. On l’a même vue dans le clip incendiaire de WAP (2020) de Cardi B et Megan Thee Stallion. Et c’est avec Ice Spice, rappeuse avec laquelle Latto entretenait une relation houleuse auparavant, qu’elle s’acoquine cette année sur l’incendiaire GYATT. (VS)
Sugar Honey Iced Tea (2025) de Latto, disponible.
Coi Leray, la rappeuse derrière le tube Players
En juillet 1982, Grandmaster Flash (Joseph Saddler de son vrai nom) dévoile le titre The Message sans savoir qu’il allait devenir un des hymnes historiques du mouvement hip-hop. Quelque quarante années plus tard, la rappeuse américaine Coi Leray, aujourd’hui âgée de 28 ans, partage Players (2022), sur lequel on retrouve les mêmes notes hypnotiques en ouverture. Aucun doute ne plane sur l’inspiration de l’artiste américaine par l’un des pères du hip-hop : il s’agit bel et bien d’un sample de The Message. Dans un premier temps repris sur les réseaux sociaux, le titre phare de Coi Leray, Players (2023), devient viral sur la plateforme TikTok, jusqu’à envahir les bandes FM de France et de Navarre. (NM)
Lemon Cars (2024) de Coi Leray, disponible.
Flo Milli, de TikTok à un duo avec Rico Nasty
La truculente rappeuse originaire d’Alabama Tamia Monique Carter alias Flo Milli, 25 ans, doit en grande partie sa renommée à l’application TikTok. En effet, des chansons telles que Beef FloMix (2020) et In the Party (2020) sont devenues virales sur la plateforme fétiche de la Gen Z. Mais l’artiste mérite haut la main ce buzz. Un flow aussi solaire qu’aiguisé, des paroles malignes et une aura magnétique en font l’une des figures les plus prometteuses du hip-hop américain contemporain. Et son dernier projet, Fine Ho, Stay (2024), boucle une trilogie d’albums très influencés par les années 2000, dans lesquels l’artiste nous a fait la preuve de tout son talent. (VS)
Fine Ho, Stay (2024) de Flo Milli, disponible.
Lakeyah, la rappeuse qui a posé pour Rihanna
De son nom de scène Lakeyah, Lakeyah Danaee Robinson, 24 ans, est une rappeuse originaire de Milwaukee, dans le Wisconsin. D’abord spécialisée dans le slam, au début de son adolescence, elle commence à rapper à l’âge de 15 ans. Quelques années plus tard, elle déménage à Atlanta et se fait remarquer pour ses freestyles énergiques. Depuis, la renommée de l’artiste ne cesse de grimper et plusieurs de ses morceaux cumulent les millions de vues sur Youtube. Celle qui est ambassadrice pour la marque de lingerie de Rihanna, Savage X Fenty a sorti en 2022 un véritable tube, le sémillant Mind Yo Business, sur lequel elle a invité la talentueuse Latto. (VS)
No Pressure (pt.2) de Lakeyah (2022), disponible.
Ice Spice, la nouvelle étoile de la drill
La rappeuse Ice Spice, 25 ans et des boucles couleur feu qui nous rappellent celles de Kelis dans les années 2000, est l’étoile montante de la drill, tout droit venue du Bronx. La rappeuse est devenue célèbre grâce à un morceau, l’explosif Munch (Feelin’ U) et son clip d’une fraîcheur désarmante. Mais aussi grâce à Drake, qui a fait part de son admiration pour l’artiste et l’a invitée à un festival à Toronto. Pour finalement s’en prendre à elle dans un morceau extrait de son album, Her Loss (2022), en collaboration avec 21 Savage. Un retournement de situation qui rajoute encore du sel à la hype, déjà bien épicée, autour d’Ice Spice. (VS)
Y2K (2024) d’Ice Spice, disponible.
Lola Brooke, la poupée au flow féroce
Comme beaucoup de musiciens et chanteurs de ces dernières années, Shyniece Thomas alias Lola Brooke, jeune rappeuse américaine née à Brooklyn, s’est fait connaître grâce aux réseaux sociaux. Son single Don’t Play with It (2021) s’est taillé une place de choix sur Twitter, TikTok, Instagram mais il aura fallu attendre 2023 pour que l’artiste signe sur le label Arista Records. Celle qui a appris à rapper en écoutant et imitant 50 Cent et Lil Wayne, cite aussi Foxy Brown, DMX et Lil’ Kim en influences. Pour l’instant, la vingtaine de morceaux qu’elle a sorti n’atteignent pas la verve de ses héros mais, sous ses airs de poupée, Lola Brooke possède un flow féroce et incisif et une attitude de bad bitch qui pourraient l’amener très loin. (VS)
Bon Appétit (2025) de Lola Brooke, disponible.
JT, l’ancienne City Girl lancée en solo
En 2018, Drake révèle le tube In My Feelings, un titre qui figure partout sur les ondes dès sa sortie. Si elles n’y sont pas mentionnées en tant qu’interprètes, les membres du groupe CIty Girls figurent dans la liste des crédits de la chanson, en tant que compositrices. C’est cette apparition fantôme qui propulse Jatavia Johnson (JT) et Caresha Brownlee (Yung Miami) dans les radars.
Quelques mois plus tard, les deux artistes révèlent leur premier album Girls Code, dont le single principal Act Up s’érige comme un hymne de soirée. JT et Yung Miami scandent des couplets osés à la cadence effrénée, revendiquant un droit à la confiance en soi, à la sexualité et au matérialisme. Bien que le groupe City Girls soit aujourd’hui séparé, JT poursuit son ascension en solo, d’abord en apparaissant sur les titres de Summer Walker ou Kali Uchis puis en publiant son premier album City Cinderella (2024). (JB)
City Cinderella (2024) de JT, disponible.
Young Miko, nouvel espoir de la trap latine
Les étoiles s’alignent pour Young Miko. À tout juste 27 ans, Maria Victoria Ramirez de Arellano Cardona a bâti une renommée d’envergure dans le reggaeton. Un milieu encore très dominé par les interprètes masculins. En 2022, l’artiste révèle un premier EP, Trap Kitty, qui lui vaut d’être repérée entre autres par Bad Bunny.
Couleurs électriques, références aux Super Nanas comme aux Tamagotchi… Young Miko assène des références aux années 2000, sublimées par un reggaeton fiévreux mêlant espagnol et anglais. L’artiste devient l’une des figures de proue d’une trap latine queer, abordant son lesbianisme avec audace.
Résultat des courses ? La sortie de son album att. (2024) coïncide avec sa première fois sur l’estrade du festival Coachella – sans oublier son couronnement lors de la cérémonie Billboard Women in Music 2024 où elle remporte l’Impact Award pour ses engagements personnels. (JB)
att. (2024) de Young Miko, disponible.
Sexyy Red, la rappeuse badass adoubée par Nicki Minaj et Drake
La rappeuse américaine Janae Nierah Wherry alias Sexyy Red, 27 ans, a débuté très tôt dans le rap, attirant l’attention dès 2018. Mais c’est son single Pound Town, sorti en janvier 2023, qui lui a permis de séduire un plus grand nombre d’auditeurs. Le titre a même eu droit à un remix sur lequel on retrouve Nicki Minaj, partagé en mai dernier.
Celle qui se voit comme la « version féminine de Gucci Mane » et a été adoubée par Drake a en commun avec Nicki Minaj des paroles ultra sexuelles et décomplexées et des clips riches en séquences de twerk, mais la rappeuse originaire de Saint-Louis dans le Missouri développe un univers beaucoup plus sombre que la Barbie du hip-hop. Pour mieux cerner le personnage, il suffit de se pencher sur les raisons qui l’ont amenée à rapper : elle a écrit, encore ado, sa première chanson pour se venger d’un petit ami qui l’avait trompée. (VS)
In Sexyy We Trust (2024) de Sexyy Red, disponible.
La série documentaire Ladies First : Les femmes du hip-hop américain (2023) est disponible sur Netflix.