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Numéro
15 Amira Casar

Interview culte : dans le lit d’Amira Casar

CULTURE

La délicieuse comédienne a accepté de se glisser sous les draps pour répondre à nos questions... légèrement indiscrètes.

Amira Casar par Sofia Sanchez & Mauro Mongiello Amira Casar par Sofia Sanchez & Mauro Mongiello
Amira Casar par Sofia Sanchez & Mauro Mongiello

Numéro : Faites-vous peur aux hommes ?

Amira Casar : Je fais peur aux hétéros de base. Mais je n’ai jamais fait peur aux homosexuels, et d’ailleurs j’ai toujours soupçonné les tuteurs de ma vie – en commençant par mon prof d’histoire à l’école, ou encore mes profs de langues – d’avoir tous été, dans le placard, des homosexuels. J’ai été portée par eux, sans le poids de la séduction. Oui, je suis une fille à pédés, je l’admets : avec eux, je suis reine du jour, reine d’un jour, reine de toujours. J’aime aussi beaucoup travailler avec des cinéastes femmes. Mais vous savez, ces messieurs feraient mieux de se méfier des petites choses, des grandes timides et autres vierges effarouchées : elles sont bien plus dangereuses que moi. J’ai beau avoir la voix grave, je n’arrive pas sur les plateaux de tournage armée d’une kalachnikov, contrairement à certaines.

 

Entretenez-vous de bons rapports avec les femmes ?

Je suis toujours courtoise avec les autres femmes : il m’arrive, quand une femme porte une robe compliquée, de la précéder en descendant l’escalier pour prévenir une éventuelle chute. Je n’ai aucun problème avec les femmes. C’est parfois elles qui en ont un avec moi. Je repère tout de suite celles qui ont leurs ovaires cousus sur la robe avec la fermeture éclair très visible. Qu’importe : c’est une agonie que de plaire à tout le monde. Je pense que mes pères ou mes aïeuls artistes – Piccoli, Clémenti, etc. – n’en avaient rien à foutre d’être aimés. Ils assumaient pleinement leur personnalité.

 

 

J’ai tourné une fois avec Rocco Siffredi, il était prêt à me dévorer mais il avait juste oublié que j’ai un double moteur bien plus puissant que le sien.

 

 

Quel genre d’homme se retrouve le plus souvent dans votre lit ?

Les “princes” du Péloponnèse, évidemment. Thésée, Apollon, Pâris… D’autant plus que la saison s’y prête : je suis folle de mythologie grecque, et tous les étés depuis l’âge de 15 ans je reviens à Robert Graves : Ulysse, Homère…

 

Quel est votre pire cauchemar ?

Les gens collants, ceux qui vous tendent une main moite ou vous claquent la bise avec un visage suintant. L’haleine steak-café : épouvantable. Ou l’acteur qui fume clope sur clope avant la prise de vue. J’ai toujours un remède pour ce genre de situations. J’essaye subtilement de leur faire comprendre qu’ils puent du bec en leur proposant un chewing-gum. Et si ça ne marche pas, je sors le Fluocaril.

 

Vous arrive-t-il de faire de vos partenaires à l’écran des partenaires sexuels ?

Non. J’ai tourné une fois avec Rocco Siffredi, et je pensais que cela allait venir. Il était prêt à me dévorer parce qu’il a un réacteur puissant. Mais il avait juste oublié que j’ai un double moteur bien plus puissant que le sien. Il avait été choisi pour le rôle à cause de son aspect “king kongesque”, mais je n’aime pas la mortadelle. J’ai tendance à ne pas mélanger les genres. Comme le disait si bien Marlon Brando : “Les acteurs et les actrices baisent très bien ensemble, mais il ne faut surtout pas qu’ils se marient.” Du coup, si je laisse volontiers la caméra me pénétrer – je suis un corps poreux après tout, et j’ai des béances à combler – je maintiens toujours les comédiens à bonne distance de mon lit.

 

Qu’est-ce qui vous sort du lit le matin ?

L’enregistrement légendaire d’Hamlet réalisé et interprété par John Gielgud – cette folle suprême – en 1948. Il ne poétise pas sur le pentamètre : il va jusqu’au bout de sa pensée et il ne récite pas le texte, il le parle. J’entretiens aussi un rapport “tripal” à l’opéra – ma mère était cantatrice – et je recherche toujours ces sons qui ont bercé mon enfance. Aujourd’hui, l’opéra a tendance à m’“austériser” : c’est un art qui tranquillise, qui rend hystérique et qui éblouit. C’est l’art total, l’art brut par excellence.

 

De quel côté du lit dormez-vous ?

Je dors en étoile, je prends beaucoup de place. C’est drôle, sur le tournage de Guy Maddin, on parlait de Virginia Woolf avec Charlotte Rampling, et on se disait qu’il était important pour nous d’avoir une chambre à soi. Aujourd’hui, le luxe, c’est l’espace. Et il est très important que je puisse me retrouver avec moi-même. D’abord pour mon métier, mais aussi pour la femme que je suis. Avant d’être une actrice, mon corps civil et mon corps social ont besoin d’isolement. Pour conclure, je vous dirai que mon lit n’est pas carré : je ne m’ennuie jamais avec moi-même.