Créateur

Yohji Yamamoto

Né le 3 octobre 1943 à Tokyo, Yohji Yamamoto bouleverse la mode occidentale dès les années 80. Formé d’abord au droit, il abandonne cette voie pour suivre l’héritage de sa mère couturière. Ses vêtements, souvent noirs, amples, asymétriques, traduisent une pensée minimaliste et mélancolique. En 2025, à plus de 80 ans, il continue de créer avec la même exigence silencieuse.

Publié le 25 juin 2025. Modifié le 24 juillet 2025.

Les débuts de Yohji Yamamoto

Après des études de droit, Yohji Yamamoto décide de se former à la mode à la Bunka Fashion College de Tokyo. Il lance sa première marque, Y’s, en 1972. Très vite, il se distingue. Contrairement aux tendances occidentales, il propose des vêtements amples, sobres, presque austères. Dès 1981, il fait sensation à Paris. Son noir profond, ses tissus japonais, ses silhouettes abstraites séduisent autant qu’ils déroutent.

Une esthétique de l’ombre

Chez Yohji Yamamoto, le noir domine. Mais ce n’est jamais un noir triste : il reflète la lumière, joue avec les textures, suggère l’invisible. Il aime les formes larges, les tissus qui bougent, les vêtements qui ne moulent pas mais enveloppent. Le vêtement ne doit pas contraindre le corps, il doit l’accompagner. Il dit souvent que c’est dans l’ombre que naît la beauté.

Ce choix de l’ombre, loin d’être une posture, traduit une vision du monde. Yohji Yamamoto ne cherche pas l’adhésion immédiate. Il préfère susciter un regard lent, profond, presque méditatif. Il pense le vêtement comme un espace de liberté, où le corps peut respirer, se mouvoir, exister sans performance. Cette philosophie, radicale dans une industrie souvent dominée par la séduction immédiate, a forgé sa singularité.

Très tôt, il s’inscrit à contre-courant. Dans les années 1980, alors que la mode parisienne prône la silhouette architecturée, il propose une fluidité, un effacement volontaire de la forme. Il oppose au glamour tapageur une élégance dépouillée. Et pourtant, cette rigueur formelle n’éteint jamais l’émotion. Au contraire, elle la sublime. Ses vêtements racontent l’humain, dans ses silences comme dans ses failles.

Depuis ses débuts, Yamamoto pense en dehors des cases. Il ne dessine pas pour séduire, mais pour questionner. Pourquoi suit-on une tendance ? Que veut dire s’habiller ? À quoi sert un vêtement ? Il ne répond jamais frontalement. Mais à chaque collection, il esquisse une réponse : douce, sensible, libre. Ainsi, son œuvre demeure vivante, car elle interroge sans jamais imposer.

Yohji Yamamoto : Un créateur transversal

Yohji Yamamoto : l’élégance du silence

En 2003, Yohji Yamamoto s’associe à Adidas pour donner naissance à Y-3, une ligne de sportswear haut de gamme qui conjugue innovation technique et esthétisme minimal. Cette rencontre, inattendue mais féconde, initie donc un dialogue inédit entre performance et poésie. Dès lors, Yamamoto affirme une fois de plus sa capacité à transcender les catégories, mêlant rigueur fonctionnelle et raffinement zen. À travers Y-3, il pose les bases d’une silhouette hybride : sportive, pensée, presque méditative.

En parallèle, il multiplie les collaborations artistiques, tout en refusant le spectaculaire. Musiciens, danseurs, cinéastes croisent sa route, souvent dans une discrétion absolue. Le film Notebook on Cities and Clothes, réalisé par Wim Wenders, retrace ainsi son rapport à la création, au vêtement comme territoire intime. Il ne s’agit pas seulement de couture, mais d’un geste lent, pensé, presque philosophique. Chaque pièce devient donc le prolongement d’un silence. Chaque couture, l’écho d’une pensée.

2025 : poésie du geste et héritage vivant

En 2025, Yohji Yamamoto revient à Paris pour présenter une nouvelle collection. Loin des effets d’annonce, il poursuit son sillon avec constance. Les tissus flottent, les coupes demeurent libres, les volumes semblent danser au rythme du souffle. Pourtant, quelque chose a changé : la transmission s’invite désormais au cœur du processus. Ses équipes, héritières de son exigence, perpétuent une vision d’artisanat qui s’oppose frontalement à l’éphémère. Tandis que l’industrie court après la rapidité, Yamamoto ralentit le temps.

Chaque vêtement devient une déclaration : le vêtement comme trace, comme mémoire. Non pas une mode qui crie, mais une forme qui écoute. Il explore les plis, les silences, les effacements. La collection semble chuchoter plus qu’elle ne s’impose. En cela, elle dialogue avec l’époque autrement. À travers ses drapés sobres, ses noirs profonds, ses lignes asymétriques, l’artiste rappelle que la beauté réside aussi dans le retrait, dans le refus du bruit.

Un maître toujours actif

À plus de 80 ans, le créateur demeure actif. Il travaille encore chaque jour avec la même rigueur, la même obsession du détail et ne se considère ni comme une légende, ni comme un génie. L’artiste se dit simplement artisan. En effet, pour lui, la mode n’est pas affaire de visibilité. Elle ne suit pas la tendance. Elle cherche, patiemment, la vérité d’un geste.

Son noir, loin d’être un refus, est une couleur vivante, dense, expressive. Elle contient toutes les nuances de l’émotion. À travers ce noir, il raconte le vide fertile, l’espace d’expression, le deuil de la vanité. Il oppose au vacarme de la mode une discipline silencieuse. Ainsi, il enseigne sans le dire. Il inspire sans imposer. Yamamoto ne court pas après le temps : il le suspend.

Et peut-être est-ce cela, son ultime élégance. Créer non pour plaire, mais pour durer. Non pour convaincre, mais pour éveiller.