Versace

Publié le 10 juillet 2025. Modifié le 1 août 2025.

Les débuts flamboyants de Gianni Versace

C’est en 1978 que Gianni Versace, visionnaire originaire de Reggio de Calabre, fonde à Milan la maison qui portera son nom. Dès lors, il imprime un style reconnaissable entre tous. Contrairement à ses contemporains, il ne cherche ni la sobriété ni le minimalisme. Bien au contraire, il célèbre l’excès, l’opulence, les motifs baroques et les corps sculpturaux. Il affirme une esthétique théâtrale, parfois provocante, toujours assumée.

Très tôt, il comprend que la mode peut dialoguer avec l’art, la mythologie et la musique pop. Ainsi, il fait de la tête de Méduse le symbole de la maison, en référence à la fascination irrésistible qu’elle exerce. Par ailleurs, il collabore avec des artistes et des photographes, et compose ses collections comme des tableaux vivants. Chaque défilé devient une performance, chaque vêtement, une déclaration.

Une silhouette reconnaissable entre toutes

De toute évidence, l’univers Versace ne laisse personne indifférent. Ses robes fendues, ses imprimés dorés, ses tissus lamés et ses coupes audacieuses deviennent emblématiques. Grâce à lui, la femme Versace s’impose comme une figure à la fois féline, puissante et charismatique. De surcroît, Gianni n’hésite pas à bousculer les codes du genre, en associant le masculin et le féminin dans une même énergie.

Parallèlement, il révolutionne le système des égéries. Plutôt que de se contenter de mannequins anonymes, il s’entoure de véritables icônes : Naomi Campbell, Cindy Crawford, Claudia Schiffer ou Linda Evangelista deviennent les visages de sa vision. Ensemble, ils créent le phénomène des supermodels. En les transformant en stars, il redéfinit les liens entre la mode, la célébrité et les médias.

Une tragédie qui bouleverse la mode

En juillet 1997, le monde découvre avec stupeur la disparition brutale de Gianni Versace, assassiné devant sa villa à Miami. Ce drame marque un tournant pour la maison. Bien que plongée dans le deuil, la famille refuse de voir s’éteindre l’héritage du créateur. C’est donc Donatella Versace, sa sœur, qui reprend les rênes artistiques de la marque. À ses côtés, leur frère Santo assure la direction financière, tandis qu’Allegra, la fille de Donatella, hérite de la majorité des parts de la société.

Dès lors, la maison entre dans une nouvelle ère. Pourtant, loin de chercher à imiter Gianni, Donatella affirme son propre style. Plus sensuelle, plus contemporaine, parfois plus pop, sa vision conserve néanmoins l’essence de la marque : glamour, audace et puissance visuelle.

Donatella : entre continuité et transformation

En effet, Donatella parvient à maintenir la flamme. Grâce à des campagnes percutantes et des collaborations intelligentes, elle offre une seconde jeunesse à Versace. Elle multiplie les coups d’éclat : en 2000, Jennifer Lopez porte une robe jungle devenue mythique. En 2018, elle recrée le défilé emblématique des années 90 avec les supermodels historiques, suscitant l’émotion générale.

Par ailleurs, Donatella engage la maison dans des mutations profondes. En renonçant à l’usage de la fourrure, elle inscrit la marque dans une démarche plus éthique. De plus, elle renforce la présence digitale de Versace, tout en développant les lignes secondaires comme Versus ou Versace Jeans Couture. Grâce à cette stratégie, elle consolide l’influence de la marque, tant dans le prêt-à-porter que dans la haute couture.

Des partenariats audacieux et un rayonnement global

Versace, cependant, ne se limite pas à la mode. Dès les années 2000, la maison explore d’autres univers : design intérieur, hôtellerie de luxe, parfumerie. Ainsi, naît la ligne Palazzo Versace, qui symbolise le style de vie flamboyant que la marque défend. À travers ses hôtels, ses accessoires ou ses meubles, elle prolonge une esthétique baroque, sensuelle et fastueuse.

En parallèle, la maison collabore avec des marques grand public. En 2011, sa collection capsule avec H&M rencontre un succès immédiat. Cet événement, qui démocratise l’accès à la marque, confirme sa capacité à se réinventer tout en restant fidèle à son ADN.

La revente stratégique et la nouvelle ère

En 2018, une étape décisive est franchie. Le groupe américain Capri Holdings, propriétaire de Michael Kors, rachète Versace pour plus de deux milliards de dollars. Cette acquisition suscite de nombreuses réactions. Pourtant, Donatella conserve son rôle de directrice artistique, assurant la continuité du style maison. Le défi : moderniser Versace sans diluer son essence.

Les années suivantes confirment cette orientation. Les défilés deviennent plus inclusifs, les silhouettes plus diversifiées, les propositions plus audacieuses encore. Entre vêtements sculpturaux, imprimés excessifs et sensualité exacerbée, Versace impose une vision qui reste ancrée dans le présent tout en puisant dans son passé.

Le rachat de Versace par Prada : une alliance stratégique 100 % italienne

En 2025, un tournant majeur secoue le monde de la mode : Versace rejoint le groupe Prada, signant ainsi l’union de deux icônes du luxe italien. Ce rapprochement marque non seulement le retour de Versace sous pavillon italien, après plusieurs années au sein d’un groupe américain, mais aussi une montée en puissance stratégique pour Prada.

Cette acquisition intervient dans un moment charnière pour Versace. Donatella Versace, figure emblématique de la maison, quitte la direction artistique pour devenir ambassadrice de la marque. Un nouveau directeur créatif prend la relève, promettant un souffle inédit tout en préservant l’ADN flamboyant de la maison. Avec cette opération, Prada renforce son positionnement sur la scène internationale et se dote d’un portefeuille de marques capable de rivaliser avec les géants du secteur. Versace, de son côté, bénéficie d’une relance ambitieuse et d’une vision renouvelée, résolument tournée vers l’avenir. Une nouvelle page s’ouvre — à la croisée du patrimoine et de l’innovation.Une maison en mutation

Ce changement ne concerne pas uniquement la direction artistique. Il s’inscrit dans une refonte plus large du récit de la maison. Versace multiplie les collaborations transversales, investit les nouveaux formats numériques et repense sa manière d’interagir avec les jeunes générations. Par le biais d’activations sur les réseaux sociaux, de partenariats avec des artistes et créateurs issus des scènes alternatives, elle explore des territoires plus hybrides.

Désormais, la maison ne se contente plus de défiler — elle raconte. Elle bâtit une mythologie fluide, faite de contrastes et de croisements culturels. À l’image de l’époque, elle brouille les lignes entre couture et culture, élitisme et accessibilité, glamour et subversion.

Versace : une légende en réinvention permanente

Ce qui distingue Versace ne tient pas seulement à l’esthétique. Il s’agit d’un état d’esprit. D’une manière de faire corps avec le vêtement, d’affirmer sa présence par l’excès, la séduction et la confiance. Depuis ses débuts, la maison ne fait jamais dans la demi-mesure. Elle magnifie le corps, joue avec les symboles, célèbre une forme d’hyperféminité et d’élégance théâtrale, sans jamais céder à la tiédeur.

Chaque silhouette signée Versace contient un éclat de provocation. Chaque collection porte une signature forte, un éclat de médaillon baroque, une fente vertigineuse, un imprimé néoclassique. Ce style flamboyant n’est pas figé : il se régénère à travers les époques, s’adapte, s’étire, sans jamais trahir son essence.

Une identité toujours vive

En définitive, Versace incarne l’éternelle tension entre le passé glorieux et la nécessité d’aller de l’avant. Elle se nourrit de ses racines — celles d’un atelier fondé à Milan en 1978 — tout en scrutant avec acuité les codes émergents. Cette capacité à conjuguer héritage et modernité, tradition et mutation, luxe et pop culture, fait de Versace bien plus qu’une maison : un prisme à travers lequel se reflète chaque époque.

À l’heure où la mode se cherche, entre conscience sociale et désir d’expression, Versace choisit de rester flamboyante. Fidèle à elle-même, mais jamais immobile. Irrévérencieuse, mais toujours élégante. Et surtout, résolument vivante.