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Rick Owens
Il façonne la mode en temple. Né en 1961 à Porterville, en Californie, Rick Owens impose depuis les années 1990 une esthétique singulière. En 2025, la rétrospective “Temple of Love” au Palais Galliera éclaire sa vision radicale et subtile, entre mode, art et rituel.
Publié le 25 juin 2025. Modifié le 24 juillet 2025.

Les débuts de Rick Owens
Formé au Otis College of Art and Design, Rick Owens débute comme modéliste à Los Angeles. En 1994, il fonde sa marque éponyme. Très vite, ses créations aux lignes abruptes et aux teintes sombres séduisent une scène alternative. En 2001, Kate Moss porte l’un de ses modèles en couverture de Vogue Paris : la légende commence.
Trois ans plus tard, il s’installe à Paris avec Michèle Lamy, sa muse et compagne de toujours. Le couple façonne ensemble un univers radical, sculptural, habité par le silence et l’ombre. Par ailleurs, Rick Owens ne suit aucune tendance : il forge les siennes.
“Temple of Love”, un rite textile
Dans Temple of Love, chaque salle devient un espace de recueillement. Loin de l’accrochage muséal classique, l’exposition propose une déambulation sensorielle, presque méditative. Les éclairages sont tamisés, les sons feutrés, les matières palpables. Le visiteur ne regarde pas les vêtements : il entre en relation avec eux. Les silhouettes, suspendues dans l’ombre ou disposées sur des autels de pierre brute, semblent prêtes à s’animer. Certaines respirent la guerre, d’autres l’ascèse. Toutes suggèrent un récit souterrain, presque sacré.
Au centre du parcours, un espace circulaire baptisé Sanctum invite à la contemplation. Des vidéos d’archives y tournent en boucle, montrant Rick Owens dessinant en silence, découpant un cuir, ajustant un pli. Une voix off — la sienne — murmure des fragments de textes philosophiques, empruntés à Artaud, Nietzsche ou Pasolini. L’exposition ne documente pas une carrière : elle orchestre une cérémonie.
Un vestiaire en tant que mémoire

Chaque pièce présentée a été sélectionnée pour sa puissance évocatrice. Une robe sculptée en cuir craquelé évoque les terres arides de Californie ; une combinaison noire, zippée jusqu’au cou, fait écho aux silhouettes cléricales ; une cape oversize semble sortir d’un rêve post-apocalyptique. Mais sous l’extravagance des volumes, une logique : celle d’un homme qui cherche, à travers le vêtement, à conjurer l’effondrement. Le sien, celui du monde, ou les deux.
Plus loin, une série de mannequins nus portent uniquement des accessoires : bottes, lunettes, gants. Ce dépouillement extrême interroge la fonction même de l’habit. Que reste-t-il, une fois le corps désarmé ? Pour Owens, peut-être une vérité nue, une présence brute. Là encore, son esthétique n’est jamais gratuite : elle est langage, révolte, confession.
Une transmission sans compromission

Temple of Love consacre Rick Owens comme l’un des rares créateurs à avoir bâti une œuvre totale, cohérente, exigeante. En refusant la séduction facile, il s’est imposé sans jamais plaire. Cette exposition, pensée comme un manifeste visuel et poétique, prolonge ce refus des concessions. Elle montre que la mode peut toucher au spirituel, au métaphysique, au mystère. Elle rappelle, enfin, qu’un vêtement peut être une prière.
Une mode qui respire l’absolu

Depuis ses débuts, Rick Owens n’a cessé de repousser les limites du vêtement. Il joue avec le genre, l’érotisme, la démesure. En effet, Il fait défiler des corps nus, des danseuses afro-américaines, des silhouettes queer et puissantes. Il revendique une beauté étrange, osseuse, presque sacrée. Sa mode ne flatte pas : elle confronte. Elle libère.
À rebours du glamour tape-à-l’œil, le créateur préfère l’ascèse. Le cuir devient drapé, le coton s’effiloche en toge, la botte se fait piédestal. Chaque pièce incarne une forme de prière païenne, une sculpture habitable.
Une icône du XXIe siècle
Il est plus qu’un designer. Il est une figure tutélaire, une boussole stylistique pour toute une génération de créateurs. En 2025, son influence reste intacte : on le cite, on le copie, on le vénère. Son exposition parisienne ne célèbre pas seulement une carrière, mais une vision du monde.
Temple of Love n’est pas une rétrospective figée : c’est un manifeste vivant. Il y souffle un vent mystique, où chaque couture dit l’obsession de la forme et du fond. Une invitation à contempler la mode comme un acte de foi.