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Paul Kircher
À seulement vingt-deux ans, Paul Kircher né en 2001 s’impose comme une révélation du cinéma français. Pourtant, son nom ne tombe pas du ciel. Il est le fils du comédien Jérôme Kircher et de l’actrice Irène Jacob, tous deux figures reconnues du paysage artistique français et européen.
Publié le 21 juillet 2025. Modifié le 1 août 2025.
Un héritage familial entre cinéma et théâtre
Dès l’enfance, il baigne ainsi dans un environnement où les mots, les images et les émotions façonnent le quotidien. Ce contexte familial, sans pour autant dicter sa vocation, oriente son regard. Il développe une sensibilité particulière à la scène et à l’écran.
Ce double ancrage lui permet de cultiver une approche libre, presque intuitive du jeu. Néanmoins, il ne se contente pas de son héritage. Il se forme, observe, affine. Grâce à son baccalauréat, il entame une double licence en économie et géographie à l’université Paris-Cité, tout en suivant, durant l’été, des stages de théâtre à la Manufacture des Abbesses.
Le Lycéen : une consécration précoce
C’est en 2022 que Paul Kircher explose réellement dans Le Lycéen, réalisé par Christophe Honoré. Il y incarne Lucas, un adolescent en crise, endeuillé par la perte brutale de son père. Le film, tourné dans un style presque documentaire, explore les vertiges du deuil, du désir et du passage à l’âge adulte. Grâce à son interprétation d’une justesse déchirante, Kircher captive. Il ne joue pas Lucas : il l’incarne avec une telle vérité que la fiction semble s’effacer.
Son visage juvénile, ses silences habités, sa façon de se mouvoir dans l’espace deviennent autant de vecteurs d’émotion. À aucun moment, il ne tombe dans le pathos. Bien au contraire, il parvient à traduire la violence intérieure par des gestes simples, des regards évasifs, des corps à moitié absents. Ce rôle lui vaut le Prix d’interprétation masculine au Festival de San Sebastián. En outre, il est nommé Révélation masculine aux César 2022.
Une première apparition remarquée
En 2023, il joue dans Le Règne animal de Thomas Cailley, un film où se mêlent science-fiction et émotion brute. Bien qu’il ne tienne pas encore le rôle principal, sa présence intrigue. Déjà, il se distingue par son intensité, sa façon d’habiter l’image sans l’écraser.
Très vite, les regards se tournent vers lui. Il devient clair que ce jeune acteur ne cherche pas à séduire mais à transmettre. Il évite l’affectation, préfère l’instinct, même dans les situations les plus complexes. Ce premier rôle devient un tremplin, une mise en lumière qui va s’amplifier dans les mois suivants.
Une présence singulière dans le paysage français
Au-delà des prix, ce qui frappe chez Paul Kircher, c’est cette capacité à ne jamais surjouer. Il privilégie toujours l’émotion contenue, le trouble diffus, les tensions invisibles. Ainsi, il rappelle les grandes figures du cinéma européen : des acteurs capables d’exister pleinement à l’écran sans jamais s’imposer par la force. Sa beauté androgyne, sa voix fragile, son rapport au temps et au silence créent une aura singulière. Il semble à la fois proche et insaisissable, contemporain et déjà ailleurs.
Contrairement à d’autres jeunes comédiens, il ne se jette pas dans tous les rôles. Il choisit, il attend, il se construit avec lenteur. En ce sens, sa trajectoire contraste avec la frénésie des carrières standardisées. Il assume un rythme personnel, presque secret, dans un monde qui valorise l’exposition constante.
Le théâtre comme ancrage
Si Paul Kircher brille au cinéma, il n’en oublie pas pour autant ses premiers amours : le théâtre. Il s’y confronte régulièrement, notamment à travers des lectures et des performances scéniques. Cette double pratique nourrit sa manière d’aborder les rôles. Au théâtre, il apprend à écouter, à respirer, à tenir la durée. Au cinéma, il transpose ces apprentissages dans une économie du geste. Ce va-et-vient entre scène et écran lui permet de ne pas se figer.
Son lien à la scène l’ancre dans une tradition de transmission. Il collabore avec des metteurs en scène exigeants, explore les écritures contemporaines et des formes hybrides. Cette curiosité structurelle renforce son identité d’artiste. Il ne cherche pas à plaire, mais à comprendre, à questionner.
Une génération d’acteurs en mutation
Avec Paul Kircher, une nouvelle génération émerge, bien loin des clichés de la star montante. Plus sensibles, plus poreux aux enjeux sociaux et intimes, ces jeunes comédiens préfèrent les failles aux certitudes. Ils n’hésitent pas à incarner des personnages ambigus, à brouiller les pistes de genre, à explorer les limites de la représentation. Kircher, en cela, devient emblématique d’un mouvement plus vaste.
Ce mouvement ne rejette pas l’héritage, mais le transforme. Il dialogue avec le passé sans le figer. En incarnant des figures adolescentes bouleversées, en assumant des rôles queer ou des récits de perte, il contribue à faire évoluer les représentations. Et ce, sans jamais revendiquer frontalement une position. Il laisse plutôt l’image parler, avec ses silences et ses glissements.
Des choix artistiques prometteurs
L’avenir de Paul Kircher s’annonce prometteur, mais rien n’indique qu’il succombera aux sirènes de la célébrité facile. Déjà, il a montré qu’il préfère les chemins de traverse aux autoroutes du succès. Son implication dans des projets singuliers, son refus de la posture médiatique, son désir de lenteur sont autant de signes d’un engagement profond.
Porté par une sensibilité singulière et un regard déjà très affirmé sur son métier, Paul Kircher trace un chemin à part. En 2023, après avoir frôlé le rôle principal de L’Amour ouf de Gilles Lellouche, il enchaîne avec des projets d’envergure, entre littérature contemporaine et mises en scène exigeantes. En septembre 2024, le succès critique de Leurs enfants après eux, présenté à la Mostra de Venise, le propulse à l’international : son interprétation lui vaut le Prix Marcello-Mastroianni.
Un visage d’avenir
Paul Kircher incarne bien plus qu’un talent précoce. Il représente une forme de justesse dans un monde saturé d’images. En janvier 2025, il retrouve Christophe Honoré sur scène dans Les Idoles, au théâtre, où il incarne Bernard-Marie Koltès aux côtés de Marina Foïs et Jean-Charles Clichet. Quelques mois plus tard, il revient au cinéma dans La Venue de l’avenirde Cédric Klapisch, confirmant son goût pour les cinémas d’auteur, entre gravité intime et ancrage générationnel.
Dans les années à venir, il y a fort à parier qu’il continuera de surprendre, d’émouvoir et de déranger. Parce qu’il ne ressemble à personne. Parce qu’il ne se contente pas d’être vu. Il invite à regarder autrement. Et c’est précisément cela qui fait de Paul Kircher l’un des visages les plus fascinants du cinéma français contemporain.