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Julianne Moore
Née Julie Anne Smith, le 3 décembre 1960 à Fayetteville en Caroline du Nord, Julianne Moore n’a jamais été une actrice comme les autres.

Les débuts de Julianne Moore
D’une mère psychologue écossaise et d’un père militaire, elle tire une conscience aiguë des territoires mouvants de l’âme. Très jeune, elle comprend que la vérité des êtres ne s’exprime pas toujours par les mots. Ce sera sa boussole. Après des débuts sur les planches et à la télévision, elle forge son nom de scène — emprunt à ses deux prénoms et au patronyme de son père — et se dirige, à contre-courant, vers un cinéma qui ne caresse jamais dans le sens du vent.
Une actrice de la faille

Dans les années 1990, l’actrice devient l’égérie du cinéma indépendant américain. Elle apparaît chez Robert Altman, Paul Thomas Anderson, Todd Haynes ou encore les frères Coen. Dès Short Cuts, Boogie Nights ou Magnolia, elle interprète des personnages écorchés, toujours sur le fil, dont la complexité bouleverse. Ce qui l’intéresse, ce sont les personnages qui n’arrivent pas à être à la hauteur d’eux-mêmes, ceux qui glissent dans l’entre-deux, dans les silences.
C’est en 2015, avec Still Alice, qu’elle obtient la consécration : Oscar de la meilleure actrice, couronnant une carrière déjà riche. Dans ce rôle de linguiste atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle offre une performance tout en retenue, déchirante. Julianne Moore sait que l’émotion la plus puissante est celle qu’on ne verbalise pas. L’artiste donne à voir la disparition progressive de la mémoire comme une extinction intime, d’une douceur presque insoutenable.
Une présence actuelle, ardente
En 2025, l’artiste a 64 ans. Mais rien ne s’est figé. Elle tourne dans Echo Valley, un drame intense où elle incarne une mère confrontée à la déchéance de sa fille. Les scènes sont tendues, frontales, sans compromis. L’actrice y retrouve ainsi ce goût pour les confrontations muettes, où l’amour se confond avec la douleur.
Elle est aussi à l’affiche de Sirens, série satirique où le pouvoir, le genre et la réputation s’entrelacent. Elle y joue une figure d’autorité ambivalente, oscillant entre magnétisme et solitude. Une fois encore, elle prouve que son registre est vaste, mais toujours ancré dans une forme de vérité émotionnelle.
Beauté rare et élégance politique
L’artiste n’a jamais fait de sa beauté un argument. Et pourtant, elle est l’une des actrices les plus élégantes de sa génération. Son teint diaphane, sa chevelure rousse, son port altier composent une silhouette reconnaissable entre mille. Elle traverse donc les décennies sans chercher à se transformer, fidèle à elle-même. Elle incarne ainsi une beauté consciente, assumée, mature. Lors du dernier Festival de Cannes, sa coupe courte, nette, lui a valu une vague d’admiration. Plus qu’un style, c’est une signature. Elle n’imite personne, ne suit aucune tendance et avance avec constance. Mais Julianne Moore, c’est aussi un engagement. Féministe convaincue, militante des droits LGBTQ+, opposante farouche à certaines politiques américaines, elle utilise sa notoriété avec intelligence. Sa parole est rare mais percutante.
Une filmographie cohérente
De The Hours à Far From Heaven, de The Kids Are All Right à Maps to the Stars, elle incarne ainsi des femmes en quête d’un espace pour exister. Des mères, des amantes, des intellectuelles, des perdantes magnifiques. Ses personnages n’ont rien d’héroïques, mais ils sont tous courageux. Ce sont des femmes qui tiennent, qui tombent, qui se relèvent.
Le refus du spectaculaire
Là où d’autres courent après les blockbusters, Julianne Moore choisit l’ombre fertile. Elle a toujours préféré les films qui dérangent un peu, qui laissent une empreinte et dit non à ce qui ne la touche pas. L’actrice n’a pas besoin d’être partout. Sa discrétion est une force.
C’est une actrice de la densité. En effet, elle n’élève jamais la voix pour se faire entendre et ne pleure pas à grands sanglots pour émouvoir. L’artiste laisse ainsi venir l’émotion comme une brume, une vibration sous la peau. Le spectateur la ressent, même quand elle ne bouge pas.
Transmission et ouverture
Julianne Moore est aussi une femme de lettres puisqu’elle a publié plusieurs livres pour enfants, portés par une tendresse pudique. Elle cultive une vision du monde où l’altérité, l’inclusion et l’imaginaire tiennent un rôle central. Elle élève ses enfants dans cette conscience ouverte, loin des artifices hollywoodiens. À mesure que les années passent, elle choisit ses rôles avec plus de liberté encore.
Une icône littéraire
L’actrice est de ces actrices qui ont un rapport presque littéraire au cinéma. Chaque film semble une nouvelle, chaque rôle une page. L’actrice écrit sans écrire. Son corps parle. Ses silences racontent plus que des dialogues fleuves. Elle est une narratrice de l’intime, une conteuse d’instants suspendus. Julianne Moore est aussi le reflet d’un cinéma qui ne cherche pas l’effet, mais l’empreinte. Elle ne joue pas pour séduire, mais pour dire. Pour explorer les zones d’ombre, les angles morts du désir et de la maternité, de la mémoire et du temps.
Une modernité durable
Dans une époque qui glorifie la vitesse, elle impose le temps long. Elle est l’anti-star par excellence. Et c’est ce qui la rend si précieuse. Elle prouve que la modernité ne se mesure pas à la nouveauté, mais à la fidélité à ses choix.Julianne Moore incarne une certaine idée de l’art : sincère, exigeant, poétique. Elle est cette flamme lente qui ne vacille jamais.