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Jonathan Anderson
Né le 17 septembre 1984 à Magherafelt, en Irlande du Nord, Jonathan Anderson s’impose comme l’un des esprits les plus libres et novateurs de sa génération. Fondateur de JW Anderson, directeur artistique de Loewe pendant plus de dix ans, il prend en 2025 la tête de Dior Homme, puis des collections femme et haute couture. Il incarne une nouvelle ère du luxe, à la croisée de la pensée, de l’esthétique et du récit.
Publié le 24 juin 2025. Modifié le 1 août 2025.
Des débuts entre théâtre et textile
Initialement attiré par la scène, Jonathan Anderson quitte l’Irlande du Nord à l’âge de 18 ans pour étudier l’art dramatique à la prestigieuse Juilliard School de New York. Cependant, très vite, une autre vocation s’impose. Fasciné par les vêtements plus que par les rôles, il bifurque vers le costume, se découvrant une passion viscérale pour la matière, la coupe et la narration textile.
Une formation hybride entre image et construction
De retour en Europe, Anderson entame un parcours singulier. Après un passage remarqué chez Prada à Milan, où il officie en tant que visual merchandiser, il comprend l’importance de l’image dans la mode contemporaine. Ce regard acéré sur la scénographie et le produit l’amène à affiner son œil. Désireux de développer une approche plus technique, il rejoint ensuite le London College of Fashion. Il en sort diplômé en 2005, avec une vision déjà marquée par le croisement entre conception et expérimentation.
JW Anderson : manifeste d’une génération
Trois ans plus tard, en 2008, il fonde sa propre maison, JW Anderson. Très rapidement, la marque s’impose comme l’un des laboratoires les plus stimulants de la scène londonienne. Grâce à ses propositions gender fluid, ses coupes conceptuelles et son regard libre sur les normes vestimentaires, Anderson bouscule les catégories, travaillant l’ambiguïté comme une matière première. Ce lancement marque le début d’un langage mode singulier, qui attire très vite l’attention des critiques et du public.
JW Anderson : déjouer les genres et défier les attentes

Dès ses premières collections, le créateur joue avec les frontières entre masculin et féminin. Il déconstruit les codes vestimentaires avec un humour subtil, des jeux de proportions, et une grande liberté. Son style, à la fois intellectuel et irrévérencieux, séduit la critique. Il collabore ensuite avec Topshop, puis avec Versus (la ligne jeune de Versace), et enfin avec Uniqlo, prouvant sa capacité à allier accessibilité et innovation.
En 2015, il entre dans l’histoire des British Fashion Awards en remportant les prix de Designer masculin et féminin de l’année.
Loewe : une maison réinventée

Une révolution silencieuse chez Loewe
Lorsque LVMH le nomme directeur artistique de Loewe en 2013, Jonathan Anderson amorce un virage radical dans l’histoire de la maison espagnole. Loin de se contenter d’un simple rafraîchissement esthétique, il opère une relecture en profondeur de son ADN. Ère nouvelle oblige, dès ses premières collections, il insuffle une dimension conceptuelle à la maroquinerie, élevant les sacs au rang d’œuvres portables. Le Puzzle, le Flamenco ou l’Hammock deviennent rapidement des icônes contemporaines, oscillant entre sculpture et fonctionnalité.
Par ailleurs, Anderson multiplie les références artistiques et culturelles, convoquant aussi bien les céramiques oniriques de William De Morgan que les univers poétiques de Studio Ghibli. Il ancre Loewe dans un écosystème intellectuel dense, où chaque pièce raconte une histoire. Ainsi, les campagnes publicitaires ne sont plus de simples images : elles deviennent des objets culturels à part entière, signées par des artistes ou des photographes d’art, et diffusées comme des manifestes visuels.
Dès lors, sous sa direction, Loewe devient l’une des marques les plus respectées et désirables du paysage luxe international, alliant audace formelle, enracinement artisanal et puissance narrative. Il réussit l’exploit de concilier exigence créative et succès commercial.
2025 : l’ère Dior, un tournant historique
En 2025, après onze années passées à réinventer Loewe, Jonathan Anderson est nommé directeur artistique de Dior Homme. Quelques semaines plus tard, il hérite également de la direction des lignes féminines et de la haute couture. Ce double rôle — rare dans l’industrie — marque une consécration, mais aussi une prise de risque. Il hérite d’un patrimoine colossal et doit désormais concilier héritage, désirabilité et vision contemporaine.
Cette nomination reflète ainsi la confiance de LVMH dans sa capacité à penser la mode comme un langage global, unifiant les genres tout en respectant leur singularité. Pour Anderson, ce grand saut représente bien plus qu’une promotion : c’est un terrain de jeu sans limites, où il peut mêler construction savante, narration émotionnelle et audace plastique.
Une pensée transversale : cinéma, narration, esthétique
En parallèle de ses fonctions dans la mode, Jonathan Anderson tisse des liens toujours plus étroits avec le monde du cinéma. Il collabore avec le réalisateur Luca Guadagnino, notamment sur les costumes des films Challengers et Queer, dont l’esthétique sensuelle et tendue reflète parfaitement sa vision du corps habillé. Par conséquent, cette immersion dans le septième art révèle une autre facette de son approche : le vêtement comme vecteur narratif, capable de transmettre des émotions, des silences, des tensions.
Et demain ?
Aujourd’hui, Jonathan Anderson ne cesse de brouiller les pistes. Créateur du vêtement, il est aussi architecte du sens, chorégraphe d’une élégance subtile et intellectuelle. En 2025, entre Dior, ses projets culturels et une quête de sobriété personnelle, il affirme désormais une philosophie : celle d’un luxe qui pense autant qu’il habille. Un luxe qui s’émancipe du spectaculaire pour revenir à l’essentiel : le geste, la matière, la mémoire.