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Gucci
Tout commence en 1921, à Florence. Guccio Gucci fonde alors une boutique spécialisée dans la maroquinerie de luxe. Inspiré par les valises élégantes de l’aristocratie, il crée un univers où le cuir devient symbole de raffinement.
Les débuts de Gucci
Peu à peu, grâce à un savoir-faire rigoureux et des matériaux d’exception, la maison impose son style. Ainsi, dès les années 40, les sacs Bamboo, les mocassins à mors et la bande verte-rouge-verte s’érigent en signatures.
Le sac Bamboo

Ces créations, pensées comme des objets d’élégance intemporelle, témoignent d’une maîtrise artisanale rare. Le sac Bamboo, notamment, voit le jour en 1947, en pleine période de rationnement. Son anse en bambou, chauffée puis courbée à la main, devient un emblème de résilience et d’ingéniosité. Quant au mocassin orné d’un mors, il incarne le lien profond de la maison avec l’univers équestre, tout en imposant une silhouette urbaine, chic et décontractée. À travers ces icônes, Gucci pose les bases d’un style où le classicisme flirte toujours avec une certaine audace.
La bande verte-rouge-verte, inspirée des sangles des selles de cheval, s’impose comme un code visuel fort. Elle évoque l’héritage, mais aussi une volonté de distinction. Plus qu’un simple ornement, elle devient un langage, une promesse de qualité. Dès lors, Gucci ne vend pas uniquement des accessoires : elle façonne un imaginaire. Celui d’une élégance à l’italienne, faite de luxe discret, de détails précieux, et d’un sens inné de la sophistication. Florence, berceau de la Renaissance, devient ici le point de départ d’une autre forme d’art : celui du luxe moderne.Une référence dans le luxe
Une référence
Ainsi, Gucci devient rapidement une référence. À partir des années 50, la maison italienne s’exporte. New York, Paris, Londres : chaque capitale adopte la griffe florentine. En parallèle, l’enseigne séduit les stars, de Jackie Kennedy à Sophia Loren. Grâce à ce rayonnement, la marque passe du statut d’artisan à celui d’icône mondiale. En outre, elle élargit sa gamme : parfums, foulards, bijoux, prêt-à-porter.
Néanmoins, les années 80 fragilisent l’empire familial. Les tensions internes nuisent à la cohérence artistique. En 1990 Tom Ford prend la direction artistique de la maison, Gucci s’habille d’un glamour sensuel et provocant. Le style devient sulfureux, brillant, audacieux. Cette réinvention réconcilie héritage et modernité.
En 2015, un nouveau chapitre s’ouvre. Alessandro Michele impose une esthétique baroque, érudite, résolument décalée. Mélange d’androgynie, de vintage et de références historiques, ses collections captivent.
L’ère Sabato De Sarno

En 2023, Sabato De Sarno est nommé directeur artistique. Son approche minimaliste tranche avec l’ère Michele. Il revendique une sophistication calme, concentrée sur la coupe, les matières, la silhouette. Malgré un retour aux fondamentaux, son passage reste bref.
En 2025, le monde de la mode assiste à un tournant inattendu : Demna est nommé directeur artistique de Gucci, succédant ainsi à Sabato De Sarno. Cette annonce, à la fois stratégique et symbolique, marque un changement profond dans l’orientation créative de la maison italienne. Alors que Sabato De Sarno avait amorcé un retour à l’élégance épurée, Gucci choisit désormais une voie plus radicale. En effet, Demna, connu pour son esthétique disruptive et ses prises de position fortes chez Balenciaga, représente un contre-pied audacieux. Son arrivée ne doit rien au hasard : à un moment où la maison cherche à redéfinir son identité et à raviver son pouvoir d’attraction, notamment auprès des nouvelles générations, cette nomination résonne comme une réponse directe aux attentes d’un marché en mutation.
Un nouveau chapitre

Par ailleurs, cette décision illustre une volonté claire de Gucci de renouer avec l’avant-garde, sans pour autant renier son héritage. En alliant la vision post-moderne de Demna à l’histoire luxuriante de la marque, Gucci espère créer une tension créative féconde. D’autre part, ce passage de relais est perçu par beaucoup comme un signal fort envoyé à l’industrie du luxe : celle d’une époque où les figures les plus polarisantes deviennent aussi les plus désirables. Ainsi, Demna, avec sa capacité à transcender les codes du streetwear, de la couture et de la culture digitale, pourrait bien écrire un nouveau chapitre dans l’histoire de Gucci — un chapitre plus subversif, mais tout aussi influent.
Entre mémoire et modernité
Sous la direction artistique d’une nouvelle génération, la maison explore de nouveaux territoires sans jamais perdre de vue son ADN. Les silhouettes deviennent plus épurées, les volumes se recentrent, mais l’esprit Gucci demeure reconnaissable : une audace feutrée, un luxe narratif, un goût du détail qui fait signe. Cette volonté de synthèse entre extravagance et mesure révèle une maison en pleine mutation, à la recherche d’un équilibre délicat entre fidélité à ses racines et ouverture à l’air du temps.
Le défi est d’autant plus grand que Gucci incarne désormais bien plus qu’une maison de mode. C’est un symbole culturel, scruté, commenté, projeté sur les écrans comme dans les rues. Son influence dépasse la sphère du vêtement pour toucher à l’art, à la musique, au cinéma. En cela, elle se doit de cultiver une identité forte, cohérente, mais aussi poreuse aux mutations sociales et esthétiques.
Ainsi, l’histoire de Gucci continue de s’écrire. Portée par une ambition renouvelée, elle redéfinit les contours du luxe contemporain. Ni figée, ni désincarnée, elle évolue avec son époque. Son prestige repose autant sur son héritage que sur sa capacité à se réinventer. C’est cette tension, entre constance et mouvement, qui fait de Gucci une maison toujours vivante. Plus qu’une marque, elle est un laboratoire de style, un miroir du monde, où chaque collection reflète à la fois le passé, le présent et ce que pourrait être demain.