Créatrice

Emily Adams Bode Aujla

Emily Adams Bode Aujla ouvre sa maison à New York en 2016. Avec BODE, elle ressuscite vieux tissus brodés, pièces vintage et quilts pour construire une mode narrative.

Publié le 26 juin 2025. Modifié le 10 juillet 2025.

Les débuts de Emily Adams Bode Aujla

Depuis la création de sa marque éponyme en 2016, Emily Bode Aujla impose une esthétique singulière : celle d’un vêtement qui raconte. Sa mode n’avance pas : elle se retourne. À rebours des rythmes effrénés de l’industrie, BODEréconcilie passé et présent, tradition et avant-garde, geste lent et couture sensible. Première femme à défiler à la Fashion Week Homme de New York, elle incarne une nouvelle génération de créateurs qui considèrent le vêtement comme une archive vivante.

Née en 1989 à Atlanta et diplômée de Parsons School of Design, Emily Bode s’oriente très tôt vers l’histoire du vêtement. Elle commence par collectionner des textiles anciens — nappes brodées, courtepointes d’époque, draps de famille. De ces matériaux oubliés, elle tire ses premières créations, toutes uniques, cousues dans l’intimité d’un atelier new-yorkais.

Sa démarche repose sur un principe fort : rien ne se perd, tout se transmet. Chaque pièce BODE est une réinvention, construite à partir de tissus d’époque, chinés, réparés, réassemblés. Le vestiaire qu’elle compose est masculin, mais il déborde de tendresse, d’émotion et de récits personnels.

Une marque comme un album de famille

Un artisanat de l’intime : l’univers BODE

Chez BODE, chaque vêtement semble murmurer une histoire. Dès le premier regard, les silhouettes évoquent les vêtements de travail du début du XXe siècle, les habits de cérémonie, les garde-robes familiales soigneusement conservées. Néanmoins, rien n’est figé. Au contraire, cette mémoire textile se transforme. Elle devient matière à désir, à émotion, à mouvement. Les broderies à la main, les patchworks dépareillés, les teintes passées composent un luxe inattendu : narratif, affectif, radicalement artisanal.

Grâce à cette approche, Emily Bode Aujla crée un langage singulier. Son vocabulaire puise dans la nostalgie, mais évite le piège de la reconstitution muséale. Elle ne copie pas : elle réinvente. Ainsi, chaque pièce prolonge une mémoire vivante, en dialogue constant avec le présent.

Tisser les liens entre les générations

À travers ses créations, BODE bâtit une conversation silencieuse entre les âges. En mariant des coupes masculines à des tissus marqués par la mémoire domestique, la créatrice brouille volontairement les frontières de genre. Ce choix, loin d’être un simple geste esthétique, participe d’une démarche plus profonde : redonner valeur à des savoir-faire oubliés. De fait, elle réhabilite les gestes du passé, tout en les inscrivant dans une forme de contemporanéité.

Par conséquent, ses collections deviennent des archives portables. Elles racontent des fragments de vie, des héritages sensibles, des souvenirs textiles transmis de main en main. Chaque bouton, chaque couture semble contenir une part de biographie, un éclat de vécu. Dès lors, le vêtement cesse d’être un simple objet de mode. Il devient un vecteur de mémoire.

Une reconnaissance fulgurante

Dès 2019, Emily Bode se voit décerner le CFDA Emerging Designer of the Year, une distinction qui propulse son nom sur la scène internationale. L’année suivante, elle est finaliste du prix LVMH, confirmant son aura montante. À partir de là, sa marque connaît un succès critique et commercial. Aux États-Unis, au Japon ou encore en Europe, BODE séduit une clientèle fidèle, sensible à la singularité de sa proposition.

En 2022, Emily épouse Aaron Aujla, cofondateur du studio Green River Project, spécialisé dans le design intérieur. Ensemble, ils bâtissent un univers esthétique commun, à la croisée de la mode, de l’artisanat et de l’architecture. Ce lien personnel et créatif enrichit encore l’univers de la marque, qui gagne en cohérence et en profondeur.

Une démarche durable et sensorielle

En 2025, BODE confirme sa volonté de ralentir. De creuser. D’étoffer un style déjà riche. Ainsi, la marque s’ouvre à de nouveaux territoires : vêtements pour enfants, objets domestiques, collections inspirées par l’espace intérieur. Pourtant, le fil conducteur demeure intact. Chaque création interroge la manière dont on habite le monde. Le vêtement n’est pas un costume : c’est un prolongement du soi.

Emily Bode ne court pas après les tendances. Elle suit les fils. Ceux d’une nappe oubliée dans un grenier. D’un vêtement d’archive retrouvé au fond d’un tiroir. D’une histoire textile tissée à la main et transmise avec pudeur. De surcroît, elle place la lenteur au cœur de sa démarche. Dans un monde saturé d’images et de contenus, elle propose une forme de silence textile. Une résistance douce. Un temps long.

Une élégance réparatrice

Le succès de BODE repose moins sur des campagnes marketing spectaculaires que sur une fidélité intime. Emily Bode Aujla ne cherche pas à séduire tout le monde. Elle préfère parler à ceux qui écoutent autrement. En valorisant la fragilité des matières, les imperfections des tissus anciens, elle défend un luxe du détail et du sensible.

Finalement, BODE redéfinit ce que peut être la mode contemporaine. Non pas une accumulation de nouveautés, mais une attention aux traces. Une réparation de l’émotion. Une manière d’habiller l’époque sans la dévorer.