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Benjamin Voisin
Benjamin Voisin né en 1996 n’a pas encore trente ans. Pourtant, son regard marque déjà le cinéma français. Il n’est pas qu’un jeune acteur en vogue. L’artiste incarne une jeunesse tragique et vibrante. Entre tension classique et audace contemporaine. Un visage qui s’impose, une voix qui trouble.

Une silhouette d’époque, un visage de cinéma
Certains visages marquent plus que d’autres. Celui de Benjamin Voisin sculptural, presque antique, évoque Camille Claudel. Pourtant, son aura reste profondément actuelle. À bien des égards, il rappelle un jeune Alain Delon — pour cette tension constante entre fragilité et éclat.
Dès La Dernière Vie de Simon, il capte la lumière, il glisse entre fantastique et douleur, tel un funambule mélancolique. Ce magnétisme discret trouble d’abord, accroche ensuite, puis finit par hypnotiser. Été 85 grave une empreinte plus nette encore. Il ne s’agit plus seulement d’une révélation mais d’une apparition foudroyante. Une génération le découvre, dès lors, elle ne l’oubliera plus.
L’initiation cinématographique

Dans Été 85, David dépasse largement le cadre du rôle. Il devient blessure. Voisin l’habite pleinement. Il l’expose sans filet, sans esquive, ni calcul. Chaque silence claque comme un cri et chaque geste laisse deviner une faille. Le regard, quant à lui, désarme par sa douceur. Face à lui, Félix Lefebvre répond avec justesse. Ensemble, ils irradient une tension rare et vibrante. Le film explore bien sûr l’amour. Néanmoins, il interroge surtout le vertige. Il y a dans son interprétation quelque chose de Jacques Rivette. Le César du Meilleur Espoir suit cette performance remarquable. Toutefois, le véritable tournant s’ancre ailleurs : dans cette faille qu’il accepte. Et dans cette intensité nouvelle qu’il impose.
Une carrière construite dans la tension
Benjamin Voisin refuse délibérément les facilités. Il choisit ses rôles avec une rare exigence. Chaque film affirme une ligne singulière : tranchante, nuancée, nerveuse. Dans Illusions Perdues, il devient Lucien de Rubempré. Ainsi, l’ambition, le charme et la chute se fondent dans un même souffle tragique.
Face au pouvoir médiatique, il résiste sans jamais céder. Il brûle, en effet, sans se consumer. Peu à peu, son style se précise : sobre, tendu, parfois théâtral. Certes, on pense au registre tragique. Pourtant, il creuse d’autres intensités. Il avance ailleurs, sans renier l’exigence initiale.
Une génération en mouvement

Benjamin Voisin ne joue pas seul. Il s’inscrit pleinement dans un élan collectif. Cette jeunesse du cinéma doute, pense, agit. Aux côtés de Suzanne Lindon dans Seize Printemps, il frôle la candeur. Tandis qu’avec Noée Abita, il explore une forme d’instinct.
Ces figures refusent l’image figée. Ensemble, elles préfèrent l’ambigu, la faille, l’émotion brute. Elles cherchent une autre vérité, plus mouvante, plus poreuse. Voisin, quant à lui, ose montrer ce que d’autres taisent. Il expose, dérange — mais avec élégance.
À cela s’ajoute un goût marqué pour le format long. Dans Germinal, il devient Étienne Lantier. Mineur révolté, leader discret, il incarne la révolte avec patience. Il transforme le récit sans jamais le survoler. Au contraire, il plonge dans la matière. Il creuse, il révèle.
Les métamorphoses d’un art
Voisin ne compose pas. Il mue. Il joue comme on écrit : par éclats, silences, suspens. Rien n’est plaqué. Tout naît de l’intérieur.
Alors que le cinéma sature souvent d’images creuses, il choisit le poids du sens. À l’heure des réseaux et de l’instantané, il préfère l’épaisseur. Il invente, ainsi, des zones grises. Le sensible devient son langage. Le trouble, son esthétique.
Et après ?
Il reste jeune, certes. Pourtant, son parcours déjà dense s’écrit avec constance. Entre fidélité au cinéma d’auteur et tentations d’ailleurs, il avance. Lentement, mais sûrement. Chaque rôle, dès lors, redéfinit son territoire.
Il explore, se risque, transforme. Son aura réside dans cette vibration intime qu’il insuffle à chaque scène. Dans cette force qui tremble. Dans cette présence, enfin, charnelle, complexe, magnétique.