Chanteuse

Anitta

Née le 30 mars 1993 dans la chaleur minérale de Honório Gurgel, quartier populaire de Rio, Anitta est apparue comme un manifeste en mouvement. Avec sa sensualité chorégraphiée, son instinct marketing chirurgical et sa voix caméléon, elle traverse les genres, les langues, les continents. À l’intersection du funk carioca, de la pop internationale et de la culture digitale, elle incarne bien plus qu’une star brésilienne : une visionnaire qui redéfinit les contours d’une pop mondiale décentrée et assumée.

Les débuts d’une ascension hors norme

Dans l’effervescence polyphonique du Brésil, Anitta se distingue très tôt comme un corps libre et un esprit stratégique. Dès Show das Poderosas en 2013, elle impose un style : fusion d’énergie populaire, le tout porté par une rythmique issue des favelas mais taillée pour des playlists internationales. Ce morceau emblématique du funk brésilien devient son premier tremplin vers une visibilité nationale — avant de franchir, avec une audace intacte, les frontières du monde latin et anglo-saxon.

De Bang à EnvolverAnitta soigne chaque plan, chorégraphie chaque geste. Ses clips ne sont pas de simples supports, ce sont des œuvres à part entière. Le corps y devient langage, vecteur de pouvoir et de désir maîtrisé. Artiste et productrice de sa propre image, elle exploite les réseaux sociaux comme une deuxième scène, où la narration est continue et calibrée. Son charisme fusionne storytelling numérique et culture populaire — une combinaison rare, qui la rend aussi efficace qu’irrésistible.

Une discographie plurielle, miroir d’une identité mouvante

Avec Kisses (2019), elle affirme sa volonté de s’affranchir des carcans culturels. Ce projet trilingue — portugais, espagnol, anglais — illustre sa capacité à se mouvoir entre continents et à créer des ponts sonores entre les scènes.

Chaque morceau semble découler d’un pan de son ADN artistique : Poquito flirte avec une pop lascive, Atención revendique une autonomie féminine, Tu y Yo explore une sensualité douce-amère. Elle livre ici une carte mentale en musique. Malgré ses incursions pop à l’international, elle reste fidèle à ses racines. Le funk carioca est son socle. Elle le polit sans l’édulcorer, l’exporte sans le trahir — en somme, elle lui donne ses lettres de noblesse sans en gommer la rugosité.

La scène mondiale comme terrain de jeu

De Girl from Rio à son duo avec Madonna sur Faz Gostoso, l’artiste multiplie les coups d’éclat. Mais derrière le vernis des succès, c’est une stratégie identitaire assumée : détourner les clichés pour mieux raconter sa propre histoire. Sous ses allures de divertissement calibré, son œuvre murmure une critique douce mais ferme des représentations. L’ironie, la sensualité, le second degré : tout chez elle participe à un discours politique.

Entre art, business et influence

Loin de se cantonner à la scène musicale, Anitta s’impose comme une entrepreneuse redoutable. Elle investit la mode, collabore avec de grandes maisons, prend position dans le débat public. Chaque apparition devient une déclaration, chaque silence, une posture. Elle incarne cette génération d’artistes qui comprennent que le pouvoir se construit aussi bien dans les chiffres que dans les symboles.

Derrière elle, une nouvelle génération d’artistes féminines hispanophones et lusophones revendiquent haut et fort leur autonomie. Anitta ouvre des voies : linguistiques, esthétiques, politiques. Qu’il s’agisse de son engagement féministe, de sa visibilité queer ou de son rapport décomplexé à la performance, elle incarne une forme d’empowerment doux mais déterminé.

Sur TikTokInstagramTwitter, elle ne se contente pas de poster — elle scénarise. Ses contenus ne sont jamais anecdotiques : ils alimentent un récit global, où l’intime flirte avec le spectacle, et où la provocation devient une forme d’art.

Et demain ?

Anitta n’est plus simplement une chanteuse ou une célébrité brésilienne. Elle est un signal. Celui d’un Sud qui parle, qui crée, qui exporte. À une époque où la culture se cherche de nouveaux centres de gravité, elle incarne une réponse flamboyante, joyeuse, radicale. Rien chez elle n’est laissé au hasard. Et c’est peut-être cela, plus que ses tubes, qui signe sa modernité absolue.