“Je voulais faire descendre le ciel sur la Terre.” L’artiste Phillip K. Smith III nous parle de son installation pour COS à Milan
Le label COS a fait appel cette année à l'artiste américain Phillip K. Smith III pour réaliser Open Sky, une installation immersive et monumentale présentée à Milan au Palazzo Isimbardi à l’occasion du Salon du meuble 2018.
Par Thibaut Wychowanok.
Depuis 2012, le label COS présente chaque année le fruit de ses collaborations avec des artistes du monde entier à Milan. Le Salone del Mobile a ainsi été l’occasion de découvrir des installations exceptionnelles de Snarkitecture, Sou Fujimoto ou Nendo. L’année dernière, l’arbre poétique imaginé par Studio Swine s’est même vu distinguer du Prix milanais du design pour l’exposition la plus fascinante. Cette année, c’est l’artiste Phillip K. Smith III qui a accepté l’invitation de la maison de mode. L’Américain qui a étudié l’art et l’architecture à l’école de Rhode Island s’est fait connaître avec ses installations monumentales comme Lucid Steal au beau milieu du désert à Joshua Tree : une cabane en bois recouverte par parties de miroirs qui créent l'illusion d'optique que le désert et le ciel traversent la construction.
Numéro : Comment avez-vous imaginé cette gigantesque installation reflétant le ciel dans la cour du Palazzo Isimbardi à Milan ?
Phillip K. Smith III : J’ai toujours été frappé par la manière dont les cours intérieures en Italie forment un puits central d’air et de lumière. L’architecture découpe un carré dans le ciel et forme le cadre d’un tableau naturel. Lorsque COS m’a invité à prendre possession du Palazzo Isimbardi, j’ai tout de suite eu envie de faire descendre ce carré de ciel dans la cour elle-même, comme si le ciel descendait sur Terre.
Le ciel n’est pas le seul à se refléter dans la structure. Les façades du palais du XVIe siècle apparaissent comme éclatées sur les différents panneaux miroitants…
J’utilise souvent l’expression de “collage”. L’installation ne se contente pas de refléter son environnement, elle le recompose totalement par le jeu de l’inclinaison et de la fragmentation de ses différents panneaux. Elle redéfinit le rapport entre le ciel et l’architecture en les entremêlant l’un à l’autre au lieu de les opposer. Ce qui m’a interessé ici c’était de créer un collage interactif et dynamique, en perpétuelle évolution. Si vous vous placez au centre de la structure, au plus proche des miroirs, vous vous retrouvez plongé en plein ciel. Mais si vous décalez un peu sur la droite ou sur la gauche, des morceaux d’architecture apparaissent…
”J’espère que l’installation éveillera le public à la beauté du monde qui l’entoure.”
Le visiteur est alors plongé dans une sorte de kaléidoscope géant…
Constamment en mouvement. Car le soleil, le ciel, les nuages… Tout évolue au cour de la journée. Chaque moment est unique, chaque expérience est unique. Il est important pour moi que l’installation suscite un temps d’arrêt dans la frénésie du Salon du meuble. Je l’ai installée de manière à ce qu’elle soit face aux escaliers qui mènent au jardin pour que les gens puissent s’y asseoir. Prendre leur temps. Open Sky est une sculpture mais aussi un outil pour voir – vraiment – notre environnement. Le ciel est toujours là, mais nous oublions de le regarder. En observant l’environnement à travers l’installation, j’espère que le public pourra voir à nouveau. Comme un réveil à la beauté du monde qui nous entoure.
“Open Sky redéfinit le rapport entre le ciel et l’architecture en les entremêlant l’un à l’autre au lieu de les opposer.”
On oppose souvent la ville à la nature. Mais à travers votre installation, l’architecture urbaine se fond avec l’environnement. L’homme, le ciel et la terre se reflètent et se confondent en son sein. Faut-il y voir une forme de réconciliation ?
Je crois que nous avons tous fait dans notre vie une expérience de la nature qui restera gravée en nous à jamais. Je me souviens encore parfaitement des randonnées en forêt que je faisais avec mon père. Ce type d’expériences immersives en pleine nature, et l’impact qu’elles ont sur notre mémoire et ce que nous sommes, est universel. Toute l’humanité en a fait et continuera à en faire l’expérience. Et nous cherchons toujours je crois à nous reconnecter à la Terre. Open Sky est une invitation à prendre le temps de se reconnecter au monde.
Avez-vous été inspiré par les artistes du Land art qui sont intervenus directement dans la nature ?
Je me suis rendu il y a deux ans dans le Nevada pour enfin voir l’intervention Double Negative de Michael Hazer [longue tranchée dans la terre, large de 13 mètres, profonde de 15 mètres et longue de 457m dont la construction entre 1969 à 1970 fit de l’artiste américain l’une des figures majeures du Land art]. Dans cette œuvre, comme dans le Land art en général, c’est la question de l’échelle qui me passionne. Double Negative est une œuvre monumentale et pourtant elle paraît si petite face à l’immensité du désert. Créer des pièces qui se confrontent à l’échelle de la nature ou d’une architecte monumentale est un moteur important de mon travail. L’autre aspect qui m’intéresse dans le Land art est cette idée que l’œuvre d’art sort du musée ou de la galerie. Elle peut être accessible à tous, partout. Il suffit de se rendre dans le désert par exemple…
Vos structures rappellent l’esthétique des artistes minimalistes. Est-ce une source d’inspiration ?
Mon seul problème avec le minimalisme c’est qu’il peut être un peu froid. J’espère apporter un peu de chaleur et d’humanité. C’est une approche que je partage avec COS, et c’est pour cela que j’ai accepté – pour la première fois – une collaboration avec une marque.
Peut-on voir à l’œuvre une forme d’utopie dans votre travail ?
(rires) Tout dépend de ce que l’on entend par utopie. Ce qui m’intéresse est l’universel : ces expériences que nous faisons tous et que nous pouvons partager. On dit souvent que nous devons célébrer nos différences. C’est vrai. Mais je crois surtout que nous devons célébrer tout ce que nous avons en commun, ce qui nous unit en tant qu’être humain et cela peut importe notre éducation, notre parcours ou notre origine. Comme contempler un coucher de soleil.
Avez-vous été inspiré par les artistes du Land art ?
Je me suis rendu il y a deux ans dans le Nevada pour enfin voir l’intervention Double Negative de Michael Hazer [une tranchée dans la terre de 13 mètres de large et 15 mètres de profondeur qui s’étend sur 457 mètres. Sa construction de 1969 à 1970 fit de l’artiste américain l’une des figures majeures du Land art]. Dans cette œuvre, comme dans le Land art en général, c’est la question de l’échelle qui me passionne. Double Negative est une œuvre monumentale et pourtant elle paraît si petite face à l’immensité du désert. Créer des pièces qui se confrontent à l’échelle de la nature ou d’une architecture grandiose est un moteur important de mon travail. L’autre aspect qui m’intéresse dans le Land art est cette idée que l’œuvre d’art puisse sortit du musée ou de la galerie. Qu'elle puisse être accessible à tous, partout. Pour cela il suffit de se rendre dans le désert par exemple…
“Ce qui m’intéresse est l’universel : ces expériences que nous faisons tous et que nous pouvons tous partager. Comme contempler un coucher de soleil.”
Vous présentez également 5 sculptures dans les jardins du Palazzo Isimbardi. En quoi consistent-elles ?
Elles sont réalisées à partir de feuilles réfléchissantes pliées horizontalement ou verticalement. Les multiples fragments du jardin se trouvent reconstitués sur les surfaces de la sculpture, donnant à voir un espace recomposé là-encore. Un esopace naturel en perpétuelle évolution. Chaque sculpture forme alors une peinture animée de son environnement.
Open Sky de Phillip K. Smith III en collaboration avec COS, Palazzo Isimbardi à Milan, jusqu'au 22 avril 2018.
Vos structures rappellent l’esthétique des artistes minimalistes. Est-ce une source d’inspiration ?
Mon seul problème avec le minimalisme c’est qu’il peut être un peu froid. J’espère apporter un peu de chaleur et d’humanité. C’est une approche que je partage avec COS, et c’est pour cela que j’ai accepté – pour la première fois – une collaboration avec une marque.
Vous présentez également cinq sculptures dans les jardins du Palazzo Isimbardi. En quoi consistent-elles ?
Elles ont été réalisées à partir de feuilles réfléchissantes pliées horizontalement ou verticalement. Les multiples fragments du jardin se trouvent reconstitués sur les surfaces de la sculpture, donnant à voir un espace recomposé là-encore. Chaque sculpture forme alors une peinture animée par son environnement.
Les installations de COS x Phllip K. Smith III sont à découvrir à Milan, au Palazzo Isimbardi, jusqu'au 22 avril.
Inspiré par les œuvres qu’il a créées dans le jardin du Palazzo, Phillip K. Smith III a imaginé une série de vitrines à plus petite échelle pour une sélection de boutiques COS : en France dans la boutique du 18 rue de Charonne 75011 Paris.