8 mai 2023

Rencontre avec Paolina Russo, créatrice d’une mode sportswear éthique déjà portée par les stars

Depuis 2021, Paolina Russo et Lucile Guilmard, le duo de créatrices à la tête du label londonien Paolina Russo, proposent des collections au design sportswear néo-futuristes et éthiques, déjà portées par des stars telles Rihanna et Kylie Jenner. À quelques semaines de l’annonce du vainqueur de l’édition 2023 du prix LVMH, Numéro est allé à leur rencontre.

propos recueillis par Erwann Chevalier.

Paolina Russo, une mode sportswear et écoresponsable 

 

Kylie Jenner, Rihanna, ou encore Bella Hadid… longue est la liste des stars à avoir déjà succombé à l’univers sportswear néo-futuriste de Paolina Russo. En seulement deux ans, le jeune label londonien fondé par la Canadienne Paolina Russo et la Française Lucile Guilmard, est rapidement devenu une marque de mode à suivre de près. Dès leur première pièce — un bustier inspiré des protections sportives fabriqué à partir de chaussures de football upcyclées —, le duo de créatrices, formées au sein de la prestigieuse Central Saint Martins de Londres, impressionne par une audace qui se retrouve dans leurs collections durables, aux coupes déconstruites et asymétriques, illuminées de couleurs vives et d’imprimés hypnotiques.

 

Cette créativité s’explique notamment par la richesse de leur parcours. En effet, si Lucile Guilmard a fait ses armes dans les studios du flamboyant Marc Jacobs et Paolina Russo par ceux du disruptif et sulfureux John Galliano (chez Maison Margiela), les deux collaboratrices ont  su développer un œil créatif pointu, aujourd’hui pleinement dirigé vers leur label. Mêlant la fantaisie edgy punk ultra-colorée de l’un, à l’extravagance avant-gardiste de l’autre qui étudie, au sein de ses collections pour la maison belge, l’art de la découpe originale et l’utilisation de matériaux inattendus, le label Paolina Russo est le parfait compromis des influences de ces deux fashion prodigy. Désirables, les collections des deux amis, liées par l’amour de la création, ont surtout la force d’être en phase avec l’une des dynamiques que la mode prends à cœur depuis quelques années : l’upcycling.

 

Marchant résolument dans les pas de Marine Serre — connue pour sa mode apocalyptique et sa démarche durable —,  Paolina Russo et Lucile Guilmard s’inscrivent, plus que jamais, avec leur jeune label lancé en 2021, dans la veine des jeunes designers qui misent sur la valeur de l’artisanat et de l’écoresponsabilité. À quelques semaines de l’annonce du nom du vainqueur du prix LVMH 2023, Numéro a rencontré le duo de créatrices du label Paolina Russo, également finaliste de l’International Woolmark Prize.

Portrait de Paolina Russo et de Lucile Guilmard ©Aidan Zamiri

Interview de Paolina Russo et de Lucile Guilmard, finaliste du prix LVMH 2023

 

Numéro : Quand et pourquoi avez-vous créé votre label ?

Paolina Russo : En 2021, juste après avoir obtenu notre diplôme de la Central Saint Martins, nous nous sommes lancées avec ces vestiaires aux influences sportswear qui évoque notre nostalgie de la vie en banlieue. En quelques mots, le label Paolina Russo c’est un précieux souvenir de l’adolescence. Mais, je pense qu’il y a d’abord un fort désir de créer. Au début, il ne s’agissait pas de développer un label, mais simplement d’imaginer des vêtements. Ce thème sportswear a pris de l’envergure avec ma collaboration avec Adidas en 2020. La seule chose qui me manquait, c’était une partenaire. Il y a énormément de stress et de travail lorsqu’on développe un label seul, les choses progressent plus vite quand on est à plusieurs dans le navire.

 

Lucile Guilmard: Ce label, c’est l’amour de l’artisanat. C’est un vrai défi et un engagement car au-delà d’imaginer des vêtements, nous construisons une communauté et une entreprise. L’artisanat et les personnes avec lesquelles nous travaillons, à travers le Royaume-Uni, sont devenues une source d’inspiration.

 

Quel est votre premier souvenir lié à la mode ?

Paolina Russo: J’ai grandi très vite et je ne rentrais pas dans les chaussures pour les filles car mes pieds étaient beaucoup trop grands. Ma mère m’a donc acheté des chaussures pour homme. J’avais peur des moqueries, mais elle m’a dit ‘non, personne n’aura les mêmes chaussures que toi. Cela fait de toi quelqu’un de spécial’. Ce fut un déclic et dès lors, j’ai eu envie d’avoir mon propre style et porter des vêtements que personne n’a.

 

Lucile Guilmard: Mon oncle est styliste et mon père fait de la couture et c’est lui qui fabriquait mes costumes pour mes spectacles à l’école primaire.

 

Paolina, avant de lancer votre label vous avez fait une collection avec Adidas en 2020 pour un défilé spécial designers émergents. Comment s’est déroulé cette collaboration ?

Paolina Russo : Adidas m’a contactée alors que j’étais encore en master à la Central St Martins.  J’ai collaboré avec eux pour un défilé lors de la Fashion Week homme à Paris avec deux autres designers émergents. Nous avons ré-imaginé ensemble les pièces emblématiques comme le t-shirt classique à trois bandes, les chaussettes ainsi que des bodys. Ensuite, nous avons commencé à discuter de collections communes. Il s’agissait de deux vestiaires, l’un pour les jeux olympiques de Tokyo et l’autre pour la saison hivernale, car je suis spécialisée dans les tricots.

Paolina Russo, une mode sportswear et écoresponsable

 

Kylie Jenner, Rihanna, ou encore Bella Hadid… longue est la liste des stars à avoir déjà succombé à l’univers sportswear néo-futuriste de Paolina Russo. En seulement deux ans, le jeune label londonien fondé par la Canadienne Paolina Russo et la Française Lucile Guilmard, est rapidement devenu une marque de mode à suivre de près. Dès leur première pièce — un bustier inspiré des protections sportives fabriqué à partir de chaussures de football upcyclées —, le duo de créatrices, formées au sein de la prestigieuse Central Saint Martins de Londres, impressionne par une audace qui se retrouve dans leurs collections durables, aux coupes déconstruites et asymétriques, illuminées de couleurs vives et d’imprimés hypnotiques.

 

Une esthétique radicale qui s’enracine autant dans l’imaginaire de ses créatrices que dans leur parcours respectifs : Lucile Guilmard a fait ses armes dans les studios du flamboyant Marc Jacobs à New York, Paolina Russo auprès du disruptif John Galliano chez Maison Margiela à Paris. Mêlant le glamour punk ultra-coloré de l’un à l’extravagance avant-gardiste du second, le label Paolina Russo incarne la parfaite fusion de l’héritage de ces deux influences.

 

Les collections de Paolina Russo ne sont pas seulement innovantes stylistiquement mais reflètent également la vision éthique du duo. Marchant dans les pas de Marine Serre — connue pour sa mode apocalyptique et sa démarche durable —,  Paolina Russo et Lucile Guilmard s’inscrivent elles aussi dans la veine des jeunes designers qui misent sur la valeur de l’artisanat et de l’upcycling. À quelques semaines de l’annonce du nom du vainqueur du prix LVMH 2023, Numéro a rencontré le duo de créatrices du label Paolina Russo, également finaliste de l’International Woolmark Prize.

Interview de Paolina Russo et de Lucile Guilmard, finalistes du prix LVMH 2023

 

Numéro : Quand et pourquoi avez-vous créé votre label ?

Paolina Russo : En 2021, juste après avoir obtenu notre diplôme de la Central Saint Martins, nous nous sommes lancées avec ce vestiaire aux influences sportswear qui évoque notre nostalgie de la vie en banlieue. En quelques mots, le label Paolina Russo, c’est un souvenir précieux que nous gardons de nos adolescences. Mais, il y a d’abord un fort désir de créer : au début, il ne s’agissait pas de développer un label, mais simplement d’imaginer des vêtements. L’orientation sportswear s’est précisée lors de ma collaboration avec Adidas en 2020. La seule chose qui me manquait, c’était une partenaire. Il y a énormément de stress et de travail lorsqu’on développe un label seul, les choses progressent plus vite quand on est plusieurs dans le navire.

 

Lucile Guilmard: Ce label reflète notre amour de l’artisanat et représente un vrai défi, car au-delà d’imaginer des vêtements, nous construisons une communauté. L’artisanat et les personnes avec lesquelles nous travaillons, à travers le Royaume-Uni, sont devenues une véritable source d’inspiration pour nous.

 

Quel est votre premier souvenir lié à la mode ?

Paolina Russo: J’ai grandi très vite, et je me rappelle que mes pieds étaient beaucoup trop grands pour les chaussures destinées aux filles de mon âge, alors un jour ma mère m’a acheté des chaussures pour garçon. Je redoutais évidemment les moqueries de mes camarades d’école, mais elle m’a rassurée en me disant : “personne n’aura les mêmes chaussures que toi. Cela fait de toi quelqu’un de spécial’. Cela a été un déclic pour moi, et à partir de là, j’ai eu envie d’avoir mon propre style et porter des vêtements que personne d’autre n’aurait.

 

Lucile Guilmard: De mon côté, mon premier souvenir lié à la mode vient de mon oncle qui était styliste, mais aussi de mon père qui faisait de la couture. C’est d’ailleurs lui qui fabriquait les costumes que je portais pour mes spectacles quand j’étais à l’école primaire.

 

Paolina, avant de lancer votre label, vous avez créé une collection en collaboration avec Adidas en 2020, comment s’est déroulée cette expérience ?

Paolina Russo : Adidas m’a contactée alors que j’étais encore en master à la Central St Martins à l’occasion d’un défilé prévu lors de la Fashion Week homme à Paris avec deux autres designers émergents. Ensemble, nous avons réinterprété quelques pièces emblématiques de la marque comme le tee-shirt à trois bandes, les chaussettes, des bodys ainsi que des paires de chaussures. Ensuite, nous avons commencé à discuter de collections communes. Il s’agissait de deux vestiaires en particulier, l’un pour les Jeux olympiques de Tokyo et l’autre pour la saison hivernale, car je suis spécialisée dans les tricots.

D’où vient cet intérêt pour la mode sportswear ?

Paolina Russo : Quand on grandit à la campagne, il n’y a absolument rien à faire à part du sport. Donc les activités sportives ou artistiques sont nos seules occupations. Et constituent donc aujourd’hui nos principales influences pour notre label. Par exemple, en ce qui me concerne, je suis devenue ceinture noire de taekwendo.
 

Lucile Guilmard : J’ajouterai que la pratique du sport naît avant tout de l’envie de faire partie d’une équipe, et pas forcément du désir de participer à des compétitions ou s’entraîner pour des Jeux olympiques.

 

D’où vient votre intérêt pour l’upcyling ?

Paolina Russo : Quand j’étais jeune, ma mère m’a encouragée à être créative en utilisant les matériaux que nous avions à disposition à la maison. Nous n’avions pas nécessairement accès aux magasins d’art, aux galeries ou aux musées… Cette manière de développer ma réflexion à partir de matériaux déjà existants était finalement une aubaine pour mon cursus à la Central Saint Martins. Il ne s’agit pas d’avoir des matériaux coûteux, ce qui compte, ce sont les idées. 

 

Comment cette vision écoresponsable de la mode se traduit-elle aujourd’hui dans vos collection?

Une chose est sûre, avec Paolina Russo, nous voulons mettre l’accent sur l’artisanat local. Par exemple, nos tricots sont uniquement développés et produits à la machine dans le sud de Londres. Nous essayons de trouver l’équilibre parfait entre l’artisanat et la technologie. C’est une façon moderne de produire les pièces que nous imaginons au studio sans perdre l’aspect “fait main”. Cette dernière collection comprend également des vêtements au crochet qui sont fabriqués manuellement à Londres au sein de nos studios par notre artisane, Sarah. Nous voulons vraiment travailler avec des personnes qui sont expertes dans leur domaine. Ce qui est important, c’est de développer de nouvelles perspectives pour l’artisanat et faire en sorte que ces techniques de création traditionnelles nous suivent et s’adaptent à notre mode de vie actuel. Nous voulons être un pont entre l’artisanat et l’innovation.

 

En quoi votre dernière collection, intitulée City Picnic, reflète-t-elle votre approche collaborative de la mode ?

Paolina Russo : Elle reflète l’histoire de deux femmes qui viennent d’une petite ville périphérique. Elles ont grandi en banlieue et arrivent un jour dans une grande métropole. Le pique-nique est une sorte de célébration. Nous célébrons le fait d’être ensemble avec nos amis dans un espace chaleureux et de partage. Pour cette dernière collection, nous avons en effet beaucoup travaillé avec des personnes  dont nous sommes proches à travers le Royaume-Uni. Par exemple, nous sommes allés jusqu’en Écosse pour rencontrer notre teinturière, qui est aujourd’hui une véritable amie. C’est l’incarnation de ce qu’exige, selon nous, la création d’une collection.

 

Que comptez-vous faire après le prix LVMH ?

Paolina Russo : Si nous gagnons, l’argent sera évidemment un atout majeur, mais à nos yeux, bien moins que le mentorat offert par le prix LVMH. Actuellement, nous sommes encore limités dans notre capacité de production et dans le développement de notre équipe. Et alors que nous sommes encore une marque locale, avoir l’opportunité de développer notre label à l’échelle mondiale est une opportunité inestimable. 

 

Lucile Guilmard : Parfois, on ne se rend pas compte de la vie extérieure parce que nous passons tout notre temps au studio. Le prix LMVH, c’est comme si une porte s’ouvrait sur un monde immense d’experts et de personnes que vous admirez et qui vous aident à aller plus loin.

 

La finale du Prix LVMH 2023 se tiendra le 7 juin prochain à la Fondation Louis Vuitton.