9 déc 2020

Quels artistes sont exposés à la nouvelle boutique parisienne de Loewe ?

Mobilier Arts and Crafts, céramiques signées Picasso et deux saisissantes peintures de Richard Hawkins et Patricia Leite issues de la collection Loewe semblent avoir inspiré l’espace tout entier de la nouvelle boutique rue Saint-Honoré à Paris.

La nouvelle boutique Loewe, au 284, rue Saint-Honoré, Paris 1er.

Inspiré de Casa Loewe, concept de boutiques imaginé par Jonathan Anderson pour célébrer l’hybridation de la mode, de l’art et du design, l’espace de deux étages en reprend tous les codes. Sol en béton, bois clair et céramique rose encadrent des panneaux de verre au sein desquels les objets flottent, comme en apesanteur. Refusant toute hiérarchie entre vêtements et art, art décoratif ou art contemporain, l’ensemble forme un collage coloré de références actuelles, anciennes (des meubles Arts and Crafts) et éternelles (deux sublimes céramiques de Picasso). À l’image de la vaste peinture de Richard Hawkins installée en son centre. 

“Full of Bitter Blight” (2019) de Richard Hawkins.

L’artiste américain développe depuis les années 90 un art du collage pulp et queer, hybridant haute et pop culture, histoire de l’art et érotisme frénétique. Hawkins est un adepte du cruising, érigé chez lui en méthode artistique. Il est donc question de dragues homosexuelles, mais surtout d’une manière de “chasser” les images comme les partenaires sexuels. Le Californien se promène dans notre monde avec le même regard fasciné et empli de désir que dans une pissotière. À la recherche d’une rencontre, d’un fantasme prenant les traits d’une star de cinéma (sa série sur Tom Cruise), d’un mannequin de magazine, d’une statue grecque, d’images porno vintage ou de poésie victorienne. Ses objets du désir forment une masse éjaculatoire héroïque, fluorescente et colorée puisque, lorsqu’il est question de désir, l’outrance est la règle. Ce jeu de fantasmes post-modernes semble toujours en expansion, porté par une pulsion de vie régénérante, mouvante et instable. Hawkins accueille ainsi sans distinction ni hiérarchie toutes les mythologies, anciennes, contemporaines et populaires, les réactivant en disséquant, découpant, décapitant. L’horreur n’est jamais loin : Thanatos n’est que l’autre face d’Eros. 

“A Praia do Cao” (2019) de Patricia Leite.

Les teintes roses de l’œuvre de Richard Hawkins contaminent toute la boutique, autant que celles de la plage peinte par Patricia Leite. La brésilienne née en 1955 porte également un regard singulier sur le monde, moins porté par le désir presque fétichiste du Californien que par une douce indulgence. Ses “paysages imaginés” trouvent leur source dans les souvenirs de l’artiste comme des manifestations diffuses de son ressenti le plus intime. Leite prend des photos à l’iPhone ou repère des images sur des vidéos et semble laisser le temps infini de la mémoire faire son œuvre. Les blocs de couleur sont saisissants, mais jamais agressifs, définis dans leur forme et pourtant prêts à disparaître. Ils suscitent une palette large d’intensité de la mémoire et de la couleur, de sensations solides et fuyantes. 

 
Richard Hawkins, représenté par la galerie Buchholz, a notamment été repéré à la Biennale du Whitney en 2012, après avoir été invité au Hammer Museum de L.A. en 2011, et au Art Institute de Chicago en 2010.
 
Patricia Leite est représentée par la galerie Mendes Wood DM. Elle  vit à Belo Horizonte au Brésil. 
“A Praia do Cao” (2019) de Patricia Leite.