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Quand l’art s’invite sur les défilés : Louis Vuitton et Daniel Buren
Dès l’apparition de la haute couture, la mode et l’art ont tissé des liens étroits, comme en témoignent la collaboration d’Elsa Schiaparelli avec Salvador Dali ou encore les robes Yves Saint Laurent en hommage à Piet Mondrian. Depuis une dizaine d’années, la relation entre ces deux disciplines s’intensifie avec pour nouveau terrain de rencontre les défilés de mode. Ainsi, au sein de ces espaces éphémères où sont présentées les nouvelles collections, artistes contemporains et designers signent des installations extraordinaires et mémorables. Aujourd’hui, retour sur le défilé printemps-été 2013 de Louis Vuitton par Marc Jacobs avec une installation de Daniel Buren.
par Léa Zetlaoui.
Louis Vuitton fait rentrer l’art dans la mode
Bien avant de mettre aux enchères sa remarquable collection d’œuvres d’art en 2019, Marc Jacobs cultivait déjà un profond attachement à l’art contemporain. Cette affinité, loin de se limiter à un simple intérêt de collectionneur, s’est traduite très tôt par une approche créative aussi audacieuse que transversale.
Marc Jacobs et les stars de l’art contemporain
Directeur artistique de Louis Vuitton pendant seize ans, Marc Jacobs est reconnu comme l’un des précurseurs des collaborations entre art et mode dans l’industrie du luxe. Dès 1997, quand il lance le prêt-à-porter pour le malletier français, il va transformer l’image de la maison. Notamment en l’ouvrant à des expérimentations nouvelles, où l’avant-garde artistique trouve sa place au cœur du processus de création.
Convaincu que la mode peut être un terrain de jeu pour l’imaginaire collectif, il invite, au fil des saisons, des artistes de renom à revisiter l’iconique sac Speedy. Si l’objectif reste avant tout commercial, ces collaborations n’en témoignent pas moins d’une volonté de faire dialoguer savoir-faire avec art. Takashi Murakami, Richard Prince, Yayoi Kusama ou encore Stephen Sprouse comptent parmi ces grands noms. Et en s’acoquinant avec ces figures incontestées de la scène artistique contemporaine, Marc Jacobs place la barre très haut.


Le début d’une nouvelle ère
En réalité, ces collaborations, bien plus que de simples coups marketing, ont marqué un tournant dans l’histoire de la mode. Tout d’abord, elles ont contribué à redéfinir les frontières entre art et stratégie de marque. Et par la suite, elles ont ouvert la voie à une nouvelle génération de créateurs de mode, sensibles à l’interdisciplinarité.
Enfin, à travers elles, Marc Jacobs s’est imposé comme un des créateurs les plus influents de sa génération. Le premier à avoir ancré son travail dans une réflexion plus large sur le rôle de la mode comme vecteur culturel. Aujourd’hui encore, son approche continue d’influencer les stratégies créatives de l’industrie du luxe.

Un défilé Louis Vuitton avec Daniel Buren
Le 2 octobre 2022, un an avant de tirer sa révérence, Marc Jacobs élargit encore le champ de dialogue entre mode et art. À l’occasion du défilé Louis Vuitton printemps-été 2013, le créateur invite l’artiste Daniel Buren à concevoir le décor de son show.
Célèbre notamment pour Les Deux Plateaux — ses emblématiques colonnes rayées noir et blanc installées dans la cour du Palais-Royal — l’artiste français le plus connu au monde imagine pour l’événement une installation monumentale dans la cour carrée du Louvre. Fidèle à son vocabulaire plastique rigoureux, il décline le motif damier emblématique en version jaune et blanc.

Des inspirations réciproques
En écho à cette scénographie immersive, Marc Jacobs conçoit une collection d’inspiration sixties. Ainsi, les robes trapèze, coupes droites et souliers à petits talons composent un vestiaire graphique et structuré. Le geste créatif du designer réside dans une réappropriation directe du motif damier de Daniel Buren, appliqué aux vêtements et accessoires.
Le résultat est une proposition totale, à la fois visuelle et conceptuelle, où décor et collection ne font plus qu’un — fusionnant les langages du défilé de mode et de l’installation artistique. Un moment aux allures de climax de la période Marc Jacobs chez Louis Vuitton.
Par la suite, Daniel Buren poursuivra sa collaboration avec la maison française. D’abord en imaginant les vitrines de ses boutiques, puis en 2016, à la Fondation Louis Vuitton. Son œuvre L’Observatoire de la lumière intervient de manière spectaculaire sur l’architecture même du bâtiment conçu par Frank Gehry. Ainsi, l’artiste y appose des filtres colorés sur les douze voiles de verre de l’édifice, transformant l’ensemble en une œuvre mouvante et lumineuse, en dialogue avec le paysage du bois de Boulogne.