8 juin 2023

On vous fait revivre les tous premiers défilés de 5 stars de la mode

Défilé trop consensuel ou prise de risque insensée déchainant un torrent de critiques… Numéro revient sur le tout premier défilé de 5 superstars de la mode.

1. Raf Simons : idole inattendue du rap vingt ans après

 

Dans une interview accordée à Numéro en 2020, Raf Simons revient, amusé, sur ses débuts de créateur : “Mes collections mêlaient le streetwear et le tailoring. Je mélangeais des tee-shirts, des hoodies, des slogans, bref, une culture adolescente agrémentée d’un élément plus formel. Mes mannequins étaient très jeunes, et je refusais de leur faire porter quelque chose qu’ils n’aimaient pas.” Le Belge a toujours puisé dans les subcultures pour proposer un tailoring innovant aux coupes immédiatement reconnaissables. Il n’a que 27 ans à l’hiver 1995, date du lancement de sa propre marque. Le nom reste sobre : Raf Simons. Celui qui exècre plus que tout le terme “rétro” s’affirme ici par une relecture du vestiaire masculin en phase avec la jeunesse de l’époque. Une nouvelle élégance loin des canons de virilité dominants. Trenchs, vestes courtes en cuir, longs manteaux noirs… sa première collection, c’est à Milan qu’il la présentera, dans le showroom Daniele Ghiselli : les silhouettes déambulent devant un fond blanc dans ce défilé présenté sous forme de vidéo. Vingt-deux ans plus tard, le rappeur A$AP Rocky rendra hommage à son créateur favori dans le titre RAF (2017) : avec son collectif A$AP MOB, le musicien intègre cette fois sa propre silhouette dans une version 2.0 du défilé de 1995. 

2. Nicolas Ghesquière transforme littéralement Balenciaga

 

Nicolas Ghesquière n’a que 27 ans au mois d’octobre 1997. Le nouveau directeur artistique de Balenciaga est enfin lâché dans le grand bain après le départ du Néerlandais Josephus Thimister, écarté quelques mois plus tôt par la maison. C’est donc un Français qui reprend le flambeau après avoir fait ses armes chez Jean Paul Gaultier, Mugler et Trussardi. Et c’est à Paris que l’ex-responsable des licences japonaises de Balenciaga présente sa toute première collection pour la griffe espagnole (printemps-été 1998) qui célèbre alors ses 80 ans d’existence. La collection qualifiée ici et là de “modeste” propose des silhouettes aux coupes pointues – robe monacale paradoxalement sophistiquée et serre-tête revisités avec un bandeau qui enserre le menton, entre l’accessoire extravagant et l’uniforme casual futuriste. Et partout du noir. En une collection, Nicolas Ghesquière vient de dessiner le futur de Balenciaga : l’exigence classique croise la couture des années 50 et d’étranges prototypes de science-fiction. Ou quand la tradition rencontre les androïdes intemporels de Philip K. Dick… Aussitôt, la maison attire de nouvelles stars, de Charlotte Gainsbourg à Asia Argento. En 2000, trois ans seulement après l’arrivée de Nicolas Ghesquière, Balenciaga affiche déjà une hausse de ses ventes à hauteur de 17 %. Le créateur y restera jusqu’en 2012, remplacé par Alexander Wang.

3. Un premier défilé difficile pour Jonathan Anderson

 

Dans ma jeunesse, Tom Ford était omniprésent. Sa conception du branding m’a énormément influencé, glisse Jonathan Anderson à l’oreille de Numéro. Hedi Slimane, lui, était une figure majeure lorsque j’étais étudiant. En ce qui me concerne, j’ai toujours été clair : je ne me considère pas comme un designer, mais comme un directeur de création.” Tout abandonner ? Jonathan Anderson y a clairement pensé au lendemain du premier défilé de sa propre griffe… S’il prend la direction de Loewe en 2013, c’est bel et bien sa première collection (pour son propre label JW Anderson) qui nous intéresse aujourd’hui. Ses accessoires ont attiré l’attention et lui ont permis de défiler lors de la Fashion Week de Londres. Quant à son défilé printemps-été 2008, il se veut radical : un vestiaire à dimension homoérotique illustré par du satin de soie – une matière noble évoquant une masculinité fluide –, des mini-shorts, des jeux de superposition et de transparence. Jonathan Anderson porte un coup d’arrêt à la binarité de genre. Malheureusement les critiques seront assassines, et Jonathan Anderson mettra longtemps à se débarrasser de sa peur de l’échec. Suite à cette expérience, l’adage favori de l’Irlandais deviendra : “On ne peut pas plaire à tout le monde, et d’ailleurs il ne faut pas essayer.

4. Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli, un défilé trop classique chez Valentino

 

Entre les Italiens Maria Grazia Chiuri et Pierpaolo Piccioli, c’est une amitié qui dure. Depuis 1989 précisément, date à laquelle ils se rencontrent par l’intermédiaire de leur homologue Giambattista Valli, sur le quai d’une gare. Après un passage chez Fendi – pour la ligne des accessoires – Maria Grazia Chiuri rejoint la maison de Valentino Garavani, en 1999, aux côtés de Pierpaolo Piccioli. Ils gravissent ensemble les échelons jusqu’au départ à la retraite du fondateur, en 2008. Mais les rênes sont finalement offertes à Alessandra Facchinetti, alors en provenance de Gucci. Son règne ne durera que le temps de trois collections : le duo Chiuri-Piccioli récupère la direction artistique de la maison Valentino dans la foulée, grandement soutenu par le public et la presse spécialisée. “Classique, très Valentino.” Voici ce que l’on peut retrouver dans la section commentaires de la vidéo du défilé haute couture printemps-été 2009, leur premier défilé officiel pour la maison romaine après dix ans passés aux accessoires. Des manteaux blancs, des robes Empire drapées en soie – une taille très haute, juste sous les seins, et un bas plus évasé – des mannequins amies de la maison et du rouge, beaucoup de rouge. Un premier défilé fidèle à la griffe, peut-être un peu trop fidèle pour certains qui attendaient davantage de surprise, davantage de risques.

5. L’incroyable voyage de Kim Jones pour son arrivée chez Louis Vuitton

 

En 2011, le Britannique Kim Jones rejoint Louis Vuitton en tant que directeur du style pour la ligne de prêt-à-porter homme. Il a fait ses armes chez Alexander McQueen, Mulberry ou Hugo Boss et vient de taper dans l’œil du géant du luxe français. Passionné de photographie et de skate, Kim Jones construit un vestiaire masculin élégant et y distille des références streetwear à coup de pantalons loose, de bombers et de parkas. Pour sa première collection pour la ligne masculine de Louis Vuitton, il a choisit de replonger en enfance. Un défilé autobiographique – et nostalgique –, en hommage à son propre père, hydrologue, qu’il a longtemps suivi à travers le monde. Costumes stricts gris ou bleu, polos et shorts noirs puis soudain des imprimés colorés rouges, bleus et violets inspirés de la culture Masaï et des uniformes des explorateurs. Mais cette collection printemps-été 2012 nomade et inspirée par les voyages en Afrique divise. Les uns salueront l’arrivée du créateur qui frappe fort d’emblée. Les autres auraient espéré davantage… d’aventure.