2 déc 2022

Philippe Parreno, l’artiste qui veut rendre à l’œuvre d’art sa liberté

À 58 ans, Philippe Parreno est l’un des artistes français les plus importants des trente dernières années. À travers la vidéo, la 3D et les intelligences artificielles, dont il s’est emparé très tôt, le plasticien qui présentait récemment une installation inédite à la Bourse de commerce – Pinault Collection a élaboré des questionnements qui résonnent encore aujourd’hui. 

Portrait par Patrick Swirc.

Réalisation par Arthur Callegari.

Texte par Matthieu Jacquet.

Philippe Parreno, photographié le 12 septembre 2022 dans son atelier de la rue Pasteur, Paris XIe. Veste en drap de laine, Prada. Tee-shirt en jersey de coton et pantalon en toile de coton, Acne Studios. Coiffure et maquillage : Alice Gabbaï. Retouche : DMBM.

Des œuvres dans les collections du Centre Pompidou, du MoMA ou de la Tate Modern

 

 

Ses pièces ont été présentées partout dans le monde et ont intégré les collections du Centre Pompidou (Paris), de la Tate Modern (Londres) ou encore du MoMA (New York), faisant de lui l’un des artistes français les plus reconnus de sa génération. Malgré cette notoriété, un ancrage dans le marché appuyé par les prestigieuses galeries Kamel Mennour et Esther Schipper, et une carrière déployée sur trois décennies, Philippe Parreno conserve quelque chose de discret et d’insaisissable. En attestent les nombreux ouvrages théoriques qui jonchent son atelier du 16e arrondissement de Paris, le quinquagénaire est plus proche du philosophe que du plasticien : mue par les concepts, sa pensée est à l’image de sa démarche artistique, tournée vers l’immatériel et les réalités alternatives. 

 

 

Un regard neuf sur les icônes de notre époque, de Zinédine Zidane à Marilyn Monroe

 

 

Lorsque le jeune diplômé des beaux-arts de Grenoble arrive à Paris à la fin des années 80 pour entamer sa carrière, les artistes sont en proie à de nombreuses interrogations : comment se renouveler dans la production d’œuvres quand le 20e siècle a constamment remis en cause leur forme et leur statut ? Rapidement, le Français contrecarre les conventions de l’art à travers des projets, devenus phares par la suite. Pour sa première grande exposition personnelle au musée d’Art moderne de Paris, en 2002, il déjoue la notion de rétrospective en ne présentant que des créations très récentes ou en cours de production, fruits de discussions avec le compositeur et chercheur Jaron Lanier. En 2006, son film Zidane, un portrait du 21e siècle, coréalisé avec l’artiste Douglas Gordon, offre, grâce à 17 caméras, un portrait immersif du célèbre footballeur en plein match, tandis que dans sa vidéo consacrée à Marilyn Monroe, en 2012, l’actrice star se manifeste sans se montrer à travers une vue de sa chambre à l’hôtel Waldorf Astoria, où elle vécut dans les années 50, et une recréation de sa voix par des algorithmes. Inspiré par Pier Paolo Pasolini, John Cage ou encore Robert Rauschenberg, Philippe Parreno déploie un art mouvant où contingences et altérations de l’expérience du temps et de l’espace prévalent sur les formes figées. “Si la modernité a inventé les boîtes pour accueillir les expositions, explique-t-il, je crois au fait que nous puissions les traverser et les rendre plus poreuses.” 

 

 

Un artiste qui sait s’emparer avec poésie des nouvelles technologies

 

 

Bien avant que l’ensemble du monde de l’art ne s’en empare, Philippe Parreno a investi la réalité virtuelle, la modélisation 3D ou encore les intelligences artificielles pour dérouler très tôt des expositions programmatiques jouant sur le hasard. Mobilisant de nombreux spécialistes de l’informatique et du son, ses installations, qu’il assimile à des films ou à des opéras, offrent au public une infinité d’actions : ballons gonflés à l’hélium activables par les visiteurs, machines lumineuses et sonores régies par des paramètres aléatoires, vidéos expérimentales offrant une multiplicité de lectures… “L’art est un domaine de l’occultation, poursuit le Français aujourd’hui âgé de 58 ans, où chaque objet ou image s’appréhende différemment au fil de ses apparitions.” À l’image d’Annlee, avatar d’une jeune fille acheté à une société japonaise en 1999 par Philippe Parreno et l’artiste Pierre Huyghe, réapparue récemment sur un écran à la Bourse de commerce à Paris, plus de vingt ans après sa première exposition – manière de ré-interroger notre rapport au virtuel à l’heure de sa démocratisation. L’idéal de l’artiste ? Réussir à offrir à l’œuvre l’autonomie de sa propre existence afin qu’elle puisse se montrer quand elle le souhaite, voire ne pas se montrer du tout. À l’image d’un fantôme. 

 

 

Philippe Parreno est représenté par la galerie Kamel Mennour à Paris, la galerie Esther Schipper à Berlin et la galerie Gladstone à New York et Bruxelles.