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Qui est Oete, le jeune chanteur électro pop français adoubé par Fishbach et Feu! Chatterton ?
Après trois singles puissants, Oete, jeune chanteur de 23 ans originaire de Beauvais et exilé à Paris, s’impose comme la relève de la variété française. Avant la sortie de son premier album, enregistré dans le studio de Daniel Darc et prévu pour Septembre 2022, Oete se dévoile à Numéro à propos de sa musique, de ses influences et du genre.
Par Erwann Chevalier.
Le bruit de ses talons qui résonnent dans la pièce, du vernis rose aux ongles, une voix habitée à la Daniel Darc… C’est ainsi que se présente Oete — à prononcer Eut — lors de notre rencontre, à Paris, dans un café du 9e arrondissement. À 23 ans, le jeune chanteur qui s’appelle en réalité Thibaut Blond, n’a sorti que trois titres et une reprise de Niagara mais les projecteurs commencent déjà à se braquer sur lui. Figure montante de la nouvelle garde de chanteurs de variété, que celui qui s’est produit sur la scène des Inouïs du Printemps de Bourges en avril dernier séduit dorénavant les ondes radiophoniques avec son exaltante envie de faire la fête.
Celui qui a appris à jouer de la guitare en autodidacte grâce à YouTube, à l’âge 17 ans, écrit des chansons à mi-chemin entre la puissance d’une Clara Luciani et la sincérité des mots d’une Fishbach. Il a d’ailleurs assuré la première partie de cette dernière, et fera bientôt celle de Feu! Chatterton et de Julien Doré. Cette nouvelle étoile de la pop hexagonale mêle dans ses morceaux des sonorités pop et électro à des textes “chanson”, à l’image de son tube Défense. Ce titre aux paroles vivifiantes résonne à la fois de manière mélancolique et dansante, alternative et populaire. “Je dirais comme 99% des artistes, que j’ai un parcours original, et socialement pas trop conforme. Et Défense était une réponse à tout ce qui a pu m’arriver pendant mon parcours”. Oete, né à Beauvais et exilé à Paris, s’évade, très jeune, de l’ennui par sa créativité. “Je voulais faire de la scène à tout prix, donc ça a débuté par le théâtre, puis par le cirque après, et la danse entre deux…”.
Tout commence pour Oete, lorsqu’il monte, enfant, de petits spectacles qu’il présente à sa famille, tous les dimanches. Sa passion innée pour la scène commence à repousser les murs de son salon. Au lycée, son appétit pour la création artistique se concrétise. Il entreprend une formation circassienne dans une école spécialisée lui permettant de s’exprimer autrement que par les mots. Avide de liberté, il s’abandonne alors entièrement à diverses pratiques artistiques. Mais rapidement, c’est la musique qui le happe. “C’est la chanson que j’aimais dès le départ. Depuis petit, je savais que c’était la musique qui m’habitait. Mais ça me paraissait trop grand et impossible”. Tandis qu’il est éducateur spécialisé pour les enfants défavorisés, son rêve ne le quitte plus et s’affirme fermement. “Quand tu viens de Picardie, d’un village de deux-cents habitants (près de Beauvais) qui votent Front National et qu’en plus de ça, tu as une orientation sexuelle un peu déviante de ce qui est, selon eux, la norme, c’’est compliqué de se dire : ‘je vais faire de la musique’. »
Entouré de restrictions, Oete a fait de la variété française son refuge dès son plus jeune âge. Bercé par des artistes tels que Daniel Darc, Niagara, Françoise Hardy, Jacques Brel et Barbara, il se délecte de ce que la radio française a de meilleur à proposer. “J’ai envie de montrer qu’on peut faire de la très bonne variété comme Christophe, Bashung ou bien Fishbach”. Sur l’exemple de ses pairs, Il nourrit son univers de ses nombreuses aventures et déconvenues qualifiant son style musical de variété alternative. A l’instar de son premier titre, très intime, intitulé HPV (sur le papillomavirus), Oete nous fait traverser un flot d’émotions poignantes. “C’est hyper instinctif. Je ne me pose jamais au piano en me disant : « tiens, je vais faire une chanson sur la mort, parce que sinon c’est ennuyeux. Mon souhait est de partager mon histoire avec tout le monde, autant à une femme de 45 ans qu’aux plus jeunes”. Il ajoute : “Je pense que quand tu écris, que tu es auteur-compositeur, c’est assez égoïste au final. Mais c’est ça qui est beau. Généralement je dis, que si tu fais une chanson, c’est que tu en as besoin. Parce qu’elle n’existe pas et tu as besoin d’elle à un moment dans ta vie pour aller un peu mieux.” Mais pour se confier sur des sujets aussi personnels, Oete a besoin de se dissimuler derrière un personnage : “C’est dur de se dire que je vais faire de la musique en étant Thibaut. Prendre un autre nom, ça me permettait de me sentir plus libre et d’explorer des choses que je n’aurais pas spécialement explorées si j’étais resté sous ma vraie identité de Thibaut Blond.”
En même temps que les textes de ses chansons, très poétiques, Oete travaille en détails l’aspect visuel de sa musique. “J’ai du mal à gérer mes émotions, du coup je préfère m’exprimer avec des mouvements plutôt qu’avec des mots. C’est moins compliqué pour moi.” Que ce soit dans le clip de La tête pleine ou celui de Défense, réalisé par le photographe et réalisateur français Yann Orhan (qui a travaillé avec Françoise Hardy et Julien Doré sur leurs pochettes d’albums), le chanteur semble se libérer pleinement en se déhanchant de manière sauvage. Et tout laisse à penser qu’aucune chorégraphie n’a été répétée en amont. Cette forme de transe est une manière pour lui de ne pas se laisser déborder par des sentiments souvent difficiles à cerner.
Oete aime aussi envoyer valser les genres dans tous les sens du terme. Son esthétique flirte autant avec le masculin et le féminin. Même si son but n’est pas d’être le porte-drapeau de la communauté LGBTQIA+, il explique : “Je n’ai pas envie de porter un étendard en disant je suis homosexuel. Souvent, je trouve que quand les gens font leur coming out, ils disent : « je ne suis pas comme les autres. » Je suis comme tout le monde. Je fais 1m72, j’ai les yeux bleus et je suis homosexuel.”
L’univers d’Oete s’exprime aussi par le vêtement. En fan absolu de la maison Celine et du travail du directeur artistique Hedi Slimane, le chanteur aidé de son styliste exalte une image puissante qu’il fait ensuite vivre sur scène à la manière d’un David Bowie moderne. Le 12 mai dernier, dans la salle de concert du Hasard Ludique (à Paris), Oete confirmait son statut de révélation offrant par la même occasion une bulle de décompression au public, dense et euphorique. Sur scène, le chanteur se transformait en étoile incandescente à l’énergie communicative et à la sincérité touchante. Celui qui a décidé d’abandonner le « P » de Poète n’en a pas pour autant abandonné la signification de cet art. Et ce n’est que le début. En septembre 2022, le chanteur sortira un premier album — enregistré dans le studio parisien CBE, là ou enregistrait son idole Daniel Darc — très attendu. L’heure de vérité pour ce nouvel espoir fascinant…
Défense (2022) d’Oete, disponible sur toutes les plateformes.
La sortie du premier album d’Oete est prévue pour septembre 2022.