Comment la Formule 1 est devenue le nouveau terrain de jeu de la mode
La Formule 1 ne se contente plus de faire vrombir les moteurs : elle impose aujourd’hui sa cadence sur les podiums des défilés de mode. Grâce à Netflix, aux collaborations avec des maisons de luxe et à des pilotes devenus icônes, le sport automobile vit une mutation spectaculaire. Entre nostalgie racing, streetwear et inclusivité, la F1 s’offre un relooking global — plus mode que jamais.
par Pascal K. Douglas.
Longtemps cantonnée aux dimanches devant la télé, la Formule 1 opère depuis quelques années un virage mode. Jadis réservé aux passionnés de mécanique et de vitesse, l’univers des circuits s’infiltre désormais dans celui tout aussi stratégique du luxe.
Collaborations avec des marques, pilotes devenus égéries, inspiration rétro assumée, la F1 est devenue une esthétique à part entière. Notamment propulsée par un imaginaire vintage, high-tech et désirable. Et si elle rivalise aujourd’hui avec la NBA ou le foot français sur le terrain du style, c’est surtout parce que ses pilotes maîtrisent autant l’art du dépassement de soi que celui de l’allure. Décryptage d’une fascination assumée entre mode et vitesse.
Quand la Formule 1 drive le “fashiontainment”
Ça n’aura échappé à personne. La Formule 1 s’est imposée comme un phénomène de pop culture total. Au point de devenir, en 2025, l’un des nouveaux terrains d’expression de la mode et du luxe. Exit les dimanches après-midi devant TF1 avec l’indéboulonnable Jean-Louis Moncet en stéréo.
Le rebranding de la Formule 1
Depuis que Drive to Survive a débarqué sur Netflix en 2019, le sport automobile s’est offerte un rebranding façon Euphoria rencontre Top Gear. Les pilotes de F1 sont devenus des rockstars – ou des mannequins. Tandis que les paddocks des défilés en marge des Fashion Weeks et les fans, des racers à la ville. Sur TikTok, le hashtag #F1 comptabilise des millions de vues, et même la chaîne Canal+ se targue d’avoir explosé ses audiences.
Forcément, les marques de luxe ont flairé l’odeur de l’huile chaude et de l’engagement numérique. Point culminant de cette consécration mode ultime : le Met Gala 2025, où l’acteur Damson Idris a littéralement débarqué sur le tapis bleu dans une voiture de course, en combinaison Tommy Hilfiger bardée de 20 000 cristaux Swarovski. A suivi un reveal digne de Drag Race. En effet, sous son casque et sa combi se cachait un smoking ultra-fitté, toujours signé Tommy Hilfiger. Promo totalement réussie pour le film F1, au sein duquel il joue aux côtés de Brad Pitt.
Tommy Hilfiger, premier sur la piste
Jamais en panne d’inspiration, Tommy Hilfiger surfe sur cette vague motorcore et lance une collection capsule APXGP inspirée des circuits et du film. N’oublions pas de mentionner que la marque américaine signe les costumes du long-métrage. Chemises de mécano chic, vestes moto-varsity en cuir végan, polos en maille mérinos pour bruncher à Monaco, et denim japonais plus affûté que les virages du circuit de Silverstone sont déjà en boutique.
“Des collaborations telles que notre partenariat avec F1® The Movie insufflent une nouvelle énergie cinématographique, ouvrant le sport à de nouveaux publics dans le monde entier”, explique le designer américain exclusivement à Numéro. “Ce qui me passionne le plus, c’est la façon dont la Formule 1 continue d’entrer en collision avec la culture pop. La mode, le cinéma, la musique et le sport se rejoignent de façon spectaculaire. Ce n’est plus seulement une course automobile, c’est un phénomène culturel mondial.”.
Motorcore : une tendance remise au goût du jour
Comme lui, toute une génération nourrit désormais son obsession pour le style motorcore à travers un prisme à la fois nostalgique et contemporain. Car si le motorcore explose aujourd’hui sur les podiums et dans la rue, il puise ses racines dans un imaginaire collectif ancré dans les années 80 et 90, entre jeux vidéo de Moto GP, dimanches F1 avec l’oncle fan de Ferrari et des clips MTV saturés de vestes de bikers et de bolides chromés.
De la mode vintage…
Comme nous le rappelle le mannequin et acteur Laro Seresse (aperçu sur le podium de Willy Chavarria en janvier dernier), ce retour aux sources a d’abord germé chez les amateurs de friperies fans de blousons de motard, pantalons renforcés, vestes de paddock. “Les pièces vintage me rappellent mon enfance. Elles me transmettent une énergie”, nous confie-t-il. Un air de Formule 1 mélangé à une madeleine de Proust. Longtemps relégués au second plan face au workwear Carhartt ou au denim Levi’s, ces looks motorsports sont devenus les nouvelles armures urbaines.
… aux marques de luxe
Aujourd’hui, c’est au tour des marques de mode de s’emparer du style Formule 1. Balenciaga, en pilote automatique du buzz, multiplie les collaborations mode autour de la Formule 1. D’abord avec Alpinestars, puis avec Lamborghini pour une collection qui conjugue aérodynamisme et logo XXL.
Chez Puma, le mot d’ordre est clairement de transformer la ligne de départ en runway urbain. La marque a sorti de sa boîte à gants la mythique Speedcat (née en 1999), revisitée pour sa collaboration avec Balenciaga, et a même nommé A$AP Rocky directeur créatif de la catégorie F1. “Le sport automobile a une énergie brute et viscérale qui s’associe naturellement à l’univers du streetwear”, décrypte Christina Mirabelli, directrice monde du marketing Puma Sportstyle.
Également en pole position, la marque italienne Kappa fidélise sa collaboration avec les 24 Heures du Mans avec trois lignes pour vibrer au rythme des circuits. De leurs côtés Hot Wheels x Maje et BBC x Team Wang injectent cet ADN racing dans leurs collections actuelles. “La mode, pour moi, a toujours été une question d’individualité et de liberté d’expression”, déclare Pharrell Williams. “C’est le reflet de qui vous êtes et de ce que vous devenez.”
Les pilotes de Formule 1, nouvelles coqueluches de la mode
Cette recherche d’individualité anime souvent les pilotes automobiles dans un sport où ils font partie d’une écurie. La casquette iconique Nacional de Ayrton Senna ou les lunettes Oakley de Michael Schumacher faisaient déjà office de signatures mode avant l’heure. Aujourd’hui, cette tradition de l’élégance sur et hors piste s’est transformée en véritable business.
Des pilotes devenues égéries mode
Ainsi les pilotes deviennent égéries des plus grandes maisons de luxe. Et Lewis Hamilton a clairement tracé la route. Premier pilote a véritablement faire du style une extension de sa personnalité, il multiplie les collaborations avec des marques de mode et d’accessoires de luxe. Son influence a ouvert la voie à une nouvelle génération de pilotes-star choyés par la mode.
On pense à Charles Leclerc, ambassadeur Giorgio Armani et devenu récemment partenaire de Bang & Olufsen. Il incarne à merveilles cette double casquette de pilote de Formule 1 et d’icône mode. Mais aussi à Pierre Gasly, visage de la ligne AlphaTauri et George Russell, égérie Belstaff. Ou encore, Max Verstappen, qui représente Tag Heueur et collabore avec la marque de denim néerlandaise G-Star RAW. Ils montrent assurément que le style paddock est désormais un business aussi sérieux que la course elle-même. D’autant plus que, comme au foot, les plus futés anticipent leur reconversion.
Lewis Hamilton : au-dessus de la mêlée sur et hors des pistes
À 39 ans, le septuple champion du monde et récent co-chair du Met Gala 2025 aux côtés d’Anna Wintour pave la voie à cette nouvelle génération de sportifs qui font volontiers cohabiter haut niveau, esthétique, expression personnelle et engagement. À l’image des footballeurs français Jules Kondé ou Paul Progba. Cheveux tressés, piercing au nez, tatouages visibles et allure affirmée, Hamilton se démarque autant par son look que par ses convictions.
Végane, militant pour la diversité, il avait déjà, en 2021, payé une table au Met Gala pour mettre en lumière des créateurs noires. Si le pilote britannique a récemment annoncé son départ de l’écurie Mercedes, après 11 ans de collaboration, et court désormais aux côtés de Charles Leclerc en tant que pilote Ferrari, Lewis Hamilton continue de faire des apparitions au premier rang des défilés de mode de plusieurs marques de mode de luxe. Notamment, Valentino, Wales Bonner, Versace et Louis Vuitton. Et bien sûr Dior, maison avec laquelle il collabore depuis 2024.
Mode et mécanique, un tournant plus inclusif
Fini le temps où la Formule 1 n’était qu’un bastion de virilité blanche sur moteur. Évidemment, Lewis Hamilton, septuple champion du monde et homme noir dans un univers historiquement blanc, est devenu le visage d’un sport en pleine mutation. Même si, pour l’instant, il reste encore le seul.
Ainsi, on espère que le film F1, dont la sortie est prévue ce 25 juin, fera naître des vocations à la faveur d’un Damson Idris, pilote noir automobile plus vrai que nature. Et il n’est pas seul : Paola Locatelli, star du film Rapide, incarne une jeune pilote ambitieuse, Max, qui rêve de circuits automobiles. Une héroïne féminine au volant, incarnée par une influenceuse franco-capverdienne de 21 ans, devenue actrice, dont le seul nom suffit à faire monter un film grand public. Une accélération vers une nouvelle ère ?
Et ça, les marques de mode l’ont bien compris. À commencer par Tommy Hilfiger, qui vient d’annoncer son partenariat avec l’écurie Cadillac F1®, une première, avec en ligne de mire la saison 2026. La marque sponsorise aussi la jeune pilote Alba Larsen, 16 ans, étoile montante de la F1 Academy, laboratoire de talents féminins.
Un virage inclusif, audacieux et nécessaire. Et parce qu’il faut davantage de femmes aux stands, Charlotte Tilbury a signé un partenariat stratégique avec la F1 Academy. Son but ? Financer des séances de karting pour jeunes filles. Mieux encore, une bourse permettra à l’une d’elles de disputer une saison complète. Le motorcore n’est plus qu’une tendance. C’est un mouvement. Puissant, inclusif, et furieusement stylé.