Willy Chavarria triomphe à Paris avec un défilé engagé
Ce vendredi 24 janvier 2025, le designer americano-mexicain Willy Chavarria présentait son premier défilé parisien. Une manière de célébrer les dix ans de la marque, mais aussi de porter un message fort “au sommet de la scène mode mondiale”.

Ces dernières saisons, nombreux murmures dans la mode évoquent un recul de conversations que l’industrie estimait pourtant majeures il y a quatre ans à peine. Disparition des mannequins plus-size, réflexion sur l’importance réelle des questions de diversité et d’inclusion… Les murmures s’intensifient, mais rien ni personne ne semble véritablement près à tacler le problème à sa source.
Si on ajoute à ça une stagnation voire un recul économique et une crispation politique mondiale, certains pensent que le retour d’un “business as usual”, débarrassé des questions dites politiques, permettraient un basculement positif. Aux États-Unis, la conversation prend d’ailleurs un ton plus radical à ce sujet depuis l’arrivée de Donald Trump à la maison Blanche.
En moins d’une semaine, le président américain élu pour un second mandat a poussé l’arrêt de toutes les initiatives de diversité et d’inclusion à l’échelle nationale et entend bien sanctionner les entreprises qui ne se plieraient pas à ses exigences. C’est dans ce climat pour le moins volatile que Willy Chavarria a répondu positivement à l’appel de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode pour présenter son défilé automne-hiver 2024-2025.
Au défilé Willy Chavarria automne-hiver 2025, un message d’unité et d’amour
Si tout ce paragraphe de contextualisation est nécessaire, c’est aussi parce que depuis une décennie Chavarria s’est imposé comme l’un des leaders dans les conversations à ce sujet que l’on parle de son casting – l’un des plus divers, toutes fashion week confondues – comme de ses designs qui puisent et réinterprètent les codes des contre-cultures américano-mexicaines.


La saison dernière déjà, son défilé Americana, pour le printemps-été 2025 affirmait d’autant plus l’appartenance de ces contre-cultures à la culture américaine mainstream. Un message fort à l’heure où la première décision de Donald Trump a été de fermer les frontières entre le pays et le Mexique. Pourtant, avec toute l’habileté dont il fait preuve depuis de nombreuses saisons, c’est un message d’unité qu’a tenu à faire passer le designer.
Willy Chavarria : “Un message de dignité humaine, d’égalité et qui entend montrer l’importance de nous réunir pour préserver nos droits en tant que citoyens, qu’immigrés, que personnes LGBTQ+, que femmes. Chacun d’entre nous est actuellement attaqué et je suis vraiment heureux de partager ce message d’unité et d’amour sur une scène de mode, selon les termes de la mode”.


Willy Chavarria, une main de fer dans un gant de velours
Si certains aiment laisser entendre que les engagements des designers pourraient affecter la qualité de leur travail, cela sera difficile à faire au regard de Tarantula la collection automne-hiver de Willy Chavarria. Composée d’un ensemble de 150 silhouettes, elle affirmait la place majeure prise par la marque qui célèbre ses dix ans. Mais aussi la manière dont elle entend se développer par la suite.
Depuis les débuts, le travail de Chavarria repose sur des essentiels du vestiaire masculin : des pantalons aux proportions aussi élégantes que décontractées, un tailoring affûté et codifié, du denim et autres pièces qui retravaillent certains codes du workwear.


Tarantula se repose toujours sur ces éléments, mais les emmènent un peu plus loin comme l’expliquera d’ailleurs le créateur de mode. “Je voulais montrer le côté plus sophistiqué de la marque. En Europe, il y a beaucoup plus de tailoring et on a commencé à faire fabriquer en Italique. Après dix ans, je veux développer mes activités au sein du luxe, mais aussi de ma gamme plus accessible. Bien que je propose des tissus plus raffinés et fabriqués en Italie, j’ai des gammes de prix différentes sous la même marque”.
Sur le show, se mêlent des éléments signatures du label comme des chemises au blanc immaculé et au col en pointe – clin d’œil à la contre-culture Pachuco – ou des blazers aux épaules rehaussées, mais aussi une nouvelle emphase sur l’outerwear avec des manteaux en laine, des vestes et blousons et parkas.
Autre nouveauté ? L’introduction de plusieurs silhouettes féminines avec des jupes tailleurs et des robes du soir. “Je ne lance pas une collection femme”, explique le designer, “mais des femmes achètent certaines de mes pièces donc j’ai créé quelques styles-clés qui sont plus féminins comme les robes cocktails ou bustier. Des looks puissants et c’est la manière dont j’aime habiller les femmes”.


Une collaboration réussie avec Adidas
Parmi les différentes activations de la marque Willy Chavarria à Paris, la circulation d’une lowrider – ces voitures au système de suspension modifié –, symbole de la culture Chicana. De couleur rouge, estampillé Willy Chavarria et Adidas le véhicule a circulé dans Paris pour annoncer la seconde collaboration entre les deux marques.
À cette occasion, quelques pièces seront d’ailleurs disponibles à l’achat en France. “Cette saison, la collection est vraiment portée par l’univers du foot et j’ai voulu célébrer la Forum. Ma collaboration avec adidas fait également partie de la stratégie de la marque. Et je l’ai voulu hard”. Éclairage rouge, visages fermés, corps huilés… Les hommes Willy Chavarria x Adidas ferment le show comme prêts à la bataille.

Un contraste net avec le reste du casting, mais qui reste totalement dans l’esprit du label. “Une grande partie du casting est mes amis, mon “crew” comme je les appelle. Ils font partie de la marque, nous sommes une équipe. Je pense qu’il était important de présenter le défilé dans une église avec un groupe de gens qui craignent pour leurs droits. Et,je voulais nous montrer dans l’unité », commence à expliquer le designer. “Il y a trois jours, je suis arrivé à Paris pour faire du street casting et c’était fun. Je choisis mon casting en fonction de ce que font les gens, qui ils sont donc c’était cool de rencontrer de jeunes parisiens”.
Une nouvelle ère Chavarria à Paris ?
La question désormais : Willy Chavarria continuera-t-il à présenter ses défilés à Paris ? Il rit : “Je reviendrai s’ils m’acceptent. C’est la dixième année de ma marque et défiler à Paris, au sommet de la scène mode mondiale, aux côtés de certains des plus grands créateurs… Je sens que je suis prêt pour ça et aussi qu’il est temps”.
Avant de terminer : “Je suis aussi heureux d’apporter une autre perspective à Paris, de mettre le doigt sur quelque chose qui manque. Pour moi, il manque à la mode de la compassion, la volonté de prendre des risques et d’être du bon côté de l’histoire. Trop de marques ont peur d’avoir le cran demandé par leurs déclarations et je pense qu’on en a marre de voir juste de jolis vêtements. C’est l’occasion de nous faire penser différemment, c’est à ça que sert la mode et j’espère exercer cette influence”.

















































