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Meet Roger Federer: “I’m not going to come back to play second rounds in a backwater.”
Il est probablement le meilleur tennisman de tous les temps. Avec vingt tournois du Grand Chelem remportés, et une première place au classement ATP trustée plus longtemps que quiconque, Roger Federer bat tous les records depuis vingt- deux ans. Habitué à sillonner le monde au gré des matchs, valise Rimowa à la main, le maestro nous reçoit pour une interview exclusive chez lui, en Suisse. Et évoque son grand retour, à Doha.
Certaines façons de marcher en disent beaucoup sur une manière de vivre. En entrant dans la pièce où il va nous parler via Zoom, Roger Federer ne fait rien de particulier. Mais son rapport aérien à la réalité saute aux yeux. Il a beau détenir l’un des plus extraordinaires palmarès de l’histoire du sport, c’est d’abord ce danseur-né, cet héritier involontaire de Fred Astaire que l’on voit, même dans la banalité d’un “hello” souriant prononcé en s’asseyant. L’attraction est immédiate et le menu du jour bien garni. Il se trouve que c’est un moment crucial pour lui parler. Une tension affleure chez les fans de la superstar. Le temps, qu’il sait si bien suspendre sur un court de tennis, est devenu un sérieux adversaire pour Roger Federer. Au moment où nous lui parlons, il n’a plus joué en match officiel depuis un an [défaite en demi-finale de l’Open d’Australie face à Novak Djokovic], la plus longue absence de sa carrière. Blessé au genou, le magicien suisse a subi deux opérations et a programmé son retour au tournoi de Doha, au Qatar, du 8 au 13 mars. En août prochain, il fêtera son quarantième anniversaire, un âge canonique pour tout sportif de haut niveau. Autant dire que nous étions préparés à insister sur la mélancolie d’un crépuscule en ces temps de pandémie.
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C’est évidemment l’inverse qui se produit. Le natif de Bâle entame l’entretien avec l’énergie d’un homme pour qui les douze derniers mois auraient pu ressembler à un cauchemar et qui a décidé que ce ne serait pas le cas. Mais alors, pas du tout. On lui demande s’il va bien, question à plusieurs niveaux de lecture par les temps qui courent. “Vous avez raison. Avant, on disait ‘salut, ça va ?’, l’autre répondait vite fait et on passait à autre chose. Aujourd’hui, cela a du sens. Tout le monde connaît au moins une personne qui a attrapé le virus, on espère ne pas l’attraper, le monde entier se retrouve dans la même situation. Cela dit, pour être tout à fait honnête, je vais très bien malgré les douze mois un peu fous que je viens de passer : deux opérations du genou et une pandémie. Avec ma femme, cela s’est transformé en année propice au ralentissement.”
Depuis bientôt vingt-trois ans – son premier match en pro date de juillet 1998 –, le quotidien de Roger Federer a consisté à répéter jusqu’à la perfection une routine gagnante : entraînement, grand hôtel, match, récupération, victoire, voyage, entraînement… Il a mené la vie d’une superstar du jeu, hiver en Australie, printemps et début d’été en Europe, fin d’été aux États-Unis. Palaces, coupes dorées et coupes de champagne. Un rituel sans cesse renouvelé. Comment ne pas comprendre qu’il ait accueilli 2020 avec philosophie ? “Parfois, il s’est passé des semaines entières sans événement particulier. Nous avons respecté les règles de façon stricte, ici en Suisse. D’ailleurs, c’était sympa de retrouver mon pays où, en général, je ne passe pas plus de trois mois par an. La seule fois où j’ai été ici longtemps, c’était en 2016, déjà à cause de mon genou. Nous avons pu voir nos amis et nos parents dont nous sommes proches, mais plutôt dehors. C’était super étrange au début, maintenant on sait faire avec.”
Comme nous autres mortels, Roger Federer a-t-il passé ses longues soirées confinées accroché à Netflix, pour tromper l’ennui ? “Non, je n’ai pas ‘bingé’ tant de trucs que ça, ni films ni séries. J’étais occupé à devenir le quarterback de la famille. Pour une fois. Dans ma vie tennistique, je prends les grosses décisions et des gens gèrent le quotidien à ma place. Là, j’étais vraiment ravi de piloter des détails avec ma femme, de penser à des choses pour les enfants, le jardin, la maison. J’ai fait des rendez-vous vidéo avec l’ATP, j’ai communiqué avec Rafa [Nadal] notamment. Dans ma vie normale, tout s’improvisait en fonction des résultats. Je partais souvent à la dernière minute, je sortais mes affaires et je les refaisais dans la foulée. Depuis le confinement, j’ai eu du temps. Bon, je n’exclus pas de commencer à ‘binge- watcher’ si ça dure trop. [Rires.]”
Retrouvez l’interview de Roger Federer en intégralité dans le Numéro Homme Sport