Lisa Fonssagrives-Penn : qui se cache derrière l’icône de mode exposée à la MEP ?
Jusqu’à ce dimanche 26 mai 2024, la Maison Européenne de la Photographique consacre une exposition personnelle à Lisa Fonssagrives-Penn (1911-1992), mannequin iconique du 20e siècle et muse du célèbre photographe Irving Penn. Découvrez trois choses à savoir sur cette femme à la carrière et à la personnalité hors du commun.
Par Louise Menard.
1. Lisa Fonssagrives-Penn : une danseuse qui apprend à poser d’après les tableaux du Louvre
C’est par le plus grand des hasards que Lisa-Fonssagrives Penn, née Lisa Bernstone en 1911, deviendra l’une des mannequins les plus en vogue de son temps. Baignant dans un environnement artistique depuis petite, la jeune Suédoise se voit d’abord danseuse, et commence par étudier la chorégraphie à Stockholm, puis à Berlin. En 1933, alors âgée de 22 ans, elle part pour Paris afin d’y participer à un concours de danse. Charmée par la capitale française, elle s’y installe et rencontre son premier mari, le danseur Fernand Fonssagrives. De 1933 à 1936, la jeune femme enseigne à Paris le ballet et la danse moderne tout en suivant des cours d’histoire de l’art à la Sorbonne, jusqu’au jour où un certain photographe allemand du nom de Willy Maywald, troublé par sa présence, l’accoste dans un ascenseur pour la convaincre de lui servir de modèle pour une collection de chapeaux. Sans le savoir, cette rencontre sera déterminante pour la suite de sa vie.
Encore timide, la mannequin novice rencontre peu à peu un franc succès et commence à travailler avec des grands noms, tel que le photographe de mode américain Horst P. Horst. Prenant très à cœur son rôle de modèle, Lisa Fonssagrives-Penn arpente les allées du Louvre, à la recherche d’inspirations. Là-bas, elle étudie attentivement les poses des Madones, femmes de la haute société, reines et autres nymphes qui habitent les cimaises du musée parisien, observant des heures durant la position de leur corps, leurs mouvements figés, le tombé des drapés et autres robes du soir. Si cette influence transparaît dans la plupart des portraits de la Suédoise, à l’instar d’une image de Fernand Fonssagrives où sa posture impériale rappelle celle des statues antiques, elle se fait parfois plus explicite. Ainsi en 1938, devant l’objectif de George Hoyningen-Huene, Lisa Fonssagrives-Penn prend la pose allongée dans une robe en mousseline blanche, imitant la posture du Portrait de madame Récamier, chef-d’œuvre du peintre néo-classique Jacques-Louis David. “J’essayais de créer une ligne comme lorsque l’on commence un dessin, confiera le modèle en 1985, dans les pages du magazine Bomb. Je me regardais comme un objet, et je devenais plus réalisatrice qu’actrice.”
2. Le photographe Irving Penn en tombe éperdument amoureux
Bien qu’elle ait été le modèle fétiche de nombreux artistes et photographes américains, français ou encore allemands tels que Erwin Blumenfeld, Man Ray, George Platt Lynes, Jean Cocteau, Christian Bérard et Richard Avedon, pour n’en citer que quelques-uns, Lisa Fonssagrives-Penn a surtout été la muse de deux hommes. Le premier, son époux Fernand Fonssagrives, capture à l’aube de sa carrière des portraits plutôt intimes, comme ce cliché pris à Noirmoutier où l’on voit la jeune femme en train de danser sur une plage. Mais, en 1947, au détour d’une séance photo pour le Vogue américain, elle fait la rencontre d’un certain Irving Penn. Posant avec onze des mannequins les plus courtisées de l’époque réunies pour l’occasion, Lisa Fonssagrives-Penn capte immédiatement l’attention du photographe new-yorkais. Au centre du groupe, la Suédoise apparaît vêtue d’une robe foncée au décolleté prononcé assortie de gants blancs et d’un collier de perles, ses cheveux blonds rassemblés dans un chignon élégant, et incline son visage de profil. Indéniablement, sa présence et son aura éclipsent les autres jeunes femmes.
Vécue comme un véritable coup de foudre pour le photographe alors au sommet de sa gloire, cette rencontre débouchera sur un nouveau mariage, un fils, mais surtout une grande histoire d’amour qui durera plus de quarante ans, ainsi qu’une collaboration artistique prolifique, nourrie par la passion des deux époux pour les arts. En 1950, lorsqu’Irving Penn est choisi pour immortaliser les dernières collections de haute couture, il fait poser l’élue de son cœur dans un studio improvisé, parée de sublimes créations des plus grandes maisons de couture telle que Balenciaga. Largement relayées dans la presse américaine, britannique et française, ces images deviendront emblématiques du duo formé par le photographe et son modèle.
3. Elle devient la première mannequin star de l’histoire
Outre son allure svelte et athlétique et son regard félin et rieur, Lisa Fonssagrives-Penn possède également un tempérament volcanique et téméraire, et n’hésite pas dans son travail à se mettre physiquement en danger. En attestent deux clichés exposés à la Maison Européenne de la Photographie : une image vertigineuse de 1939, réalisée sans trucage par Erwin Blumenfeld, où on la Suédoise sourit suspendue à la Tour Eiffel, ainsi qu’une autre, signée Lillian Bassman trente ans plus tard, où elle fonce à toute vitesse au volant d’une voiture de sport.
Tour à tour danseuse, photographe, styliste durant six années, pilote d’avion et également sculptrice reconnue à la fin de sa vie (elle expose ses œuvres à la Marlborough Gallery de NYC en 1983), la mannequin fera jusqu’à sa mort en 1992 preuve d’une curiosité sans bornes, tout en conservant une grande liberté. Après la Seconde Guerre mondiale, elle se lie d’amitié avec des personnalités féminines qui lui ressemblent, comme les photographes et pionnières américaines Frances McLaughlin-Gill, première femme photographe en contrat avec Vogue, ainsi que Louise Dahl-Wolfe, première photographe ayant amené ses modèles hors du studio. Au fil d’une vingtaine d’années de carrière dans la mode, où elle collaborera avec de nombreux photographes de renom et apparaîtra sur près de 200 couvertures de prestigieux magazines, Lisa Fonssagrives-Penn deviendra l’une des mannequins les plus célèbres de son temps, connue et reconnue au-delà de sa simple apparence, pour sa personnalité singulière, sa versatilité et sa créativité devant l’objectif. Une consécration qui favorisera après elle la reconnaissance de “top models” d’envergure internationale, de Twiggy à Naomi Campbell.
“Lisa Fonssagrives-Penn — Icône de mode”, exposition jusqu’au 26 mai 2024 à la MEP, Paris 4e.