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L’histoire du bikini en 5 pièces iconiques
Inventé en 1932 par le couturier français Jacques Heim, le maillot de bain deux-pièces devient bikini en 1946 sous l’impulsion de l’ingénieur Louis Réard. Depuis, cette pièce subversive, indissociable du regard que porte la société sur les corps féminins, a tout osé. Scandaleux, élégant, futuriste, couture ou genderless… De son invention à sa diffusion dans le cinéma et sur les podiums, retour sur le bikini en cinq pièces iconiques.
Sur une mosaïque de la villa romaine du Casale en Sicile, datée du IIIe siècle avant J.C., des femmes s’adonnent à différents jeux : haltères, lancer de disque, jeux de balle. Toutes portent des bandeaux qui couvrent leurs poitrines et des culottes laissant apparaître leurs formes. Surnommées “les femmes aux bikinis”, ces figures sportives, nullement sexualisées, attestent que les débuts du bikini ne datent pas d’hier. Paradoxalement, à mesure que la société française s’est modernisée, les injonctions de pudeur n’ont fait que croitre, en particulier ces deux derniers siècles. Ainsi, au début de la culture balnéaire au XIXe, les femmes étaient sommées de se changer dans des cabines installées au bord de l’eau, appelées “ machines de bain”. Aussi lourd qu’inconfortable, le vêtement de bain de l’époque prend la forme d’une combinaison intégrale. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que, progressivement, les corps des femmes se dénudent sur la plage. En 1932, alors que les français jouissent des congés payés depuis une dizaine d’années et découvrent les joies des vacances à la mer, le couturier français Jacques Heim lance le tout premier deux-pièces. Celui-ci dévoile les courbes mais cache toujours le sacro-saint nombril, encore objet de tous les tabous. Quelques années après, apparait le bikini, vêtement rapidement indissociable du regard que porte la société sur les corps féminins. Tour à tour scandaleux, élégant, futuriste, couture ou genderless, retour sur le bikini en cinq pièces iconiques, de son invention à sa diffusion dans la culture contemporaine.
1. En 1946 : le premier bikini, une « bombe anatomique”
Un petit mètre carré de tissu, trois triangles couvrant à peine le corps et dévoilant les fesses, décoré d’un imprimé « coupures de journaux », le premier bikini annonce le scandale médiatique qui allait survenir. Le 5 juillet 1946, le maillot de bain porté par Micheline Bernardini – danseuse au Casino de Paris –, lors du concours de la plus jolie baigneuse de la piscine Molitor fait l’effet d’une bombe. Invention de l’ingénieur français Louis Réhar, le vêtement doit son nom à l’atoll de Bikini, dans les Îles Marshall du Pacifique Sud, où ont eu lieu, quelques mois plus tôt, les premiers essais atomiques français. Jugé vulgaire et considéré comme une atteinte à la pudeur, le premier bikini déclenche une vague de regards moralisateurs, notamment par le Vatican, et est interdit en 1949 en France, en Belgique, en Espagne et au Portugal. Il faut attendre Brigitte Bardot et son sex-appeal légendaire pour que la mode du bikini se démocratise. Lors du Festival de Cannes de 1953, la jeune actrice, alors âgée de dix-huit ans, pose sur la plage de la Croisette et dévoile un bikini blanc imprimé de fleurs, bravant les interdits et exposant sa peau dorée et son nombril – comble de l’audace pour l’époque – au soleil. Une icône est née, et avec elle, le bikini. Dans les années 50, la mode de ce maillot devient indissociable d’une sensualité revendiquée. Les femmes qui osent le porter l’ont bien compris et s’imposent comme des pin-up au summum du glamour. Brigitte Bardot en est l’illustration-même, notamment à travers son personnage de femme candide et séduisante dans Et Dieu… créa la femme (1956) du réalisateur, acteur et poète français Roger Vadim, où elle rayonne dans son maillot de bain blanc immaculé.
2. En 1969, le bikini de Romy Schneider dans La Piscine ou l’élégance à la française
Cocktails, idylles, piscine et meurtre. En 1969, le film La Piscine du réalisateur français Jacques Deray, réunit pour la première fois depuis leur séparation, les amants du cinéma français Alain Delon et Romy Schneider. L’actrice autrichienne y apparaît incendiaire dans le rôle de Marianne, femme sensuelle et bourgeoise qui passe l’été au bord de la piscine d’une maison du Sud de la France, avec son amant Jean-Paul, incarné par Alain Delon. Parmi les tenues somptueuses, dessinées par le célèbre couturier français et père de la mini-jupe André Courrèges, une pièce se distingue particulièrement : le bikini noir. Romy Schneider porte à la perfection cette pièce minimaliste, d’une simplicité et d’une élégance folle, qui habille ses courbes sculpturales et attise tous les regards. À l’époque, porter ce maillot de bain deux pièces est pour Romy Schneider un symbole. Après des années à incarner l’impératrice Élisabeth d’Autriche (entre 1955 et 1957), il s’agit de tirer définitivement un trait sur ce personnage et d’affirmer son émancipation, en abordant des tenues à l’opposée de ce rôle de Sissi qui lui colle à la peau. Le rôle de Marianne relancera d’ailleurs sa carrière en France, ce bikini noir devenant par la même occasion un emblème du chic à la française. Élément important de l’intrigue du film La Piscine, le bikini, également porté dans une version blanc virginal par l’actrice et chanteuse anglaise Jane Birkin, souligne à l’écran l’audace et le potentiel de séduction de chacune des personnages féminins. Surtout, ce nouveau costume de bain aussi moderne que sophistiqué, et signé d’un grand couturier, témoigne des mutations de la société contemporaine, entre l’après mai 68 et l’apparition du prêt-à-porter. A l’instar de la mini-jupe popularisée dans les années 60, le bikini devient alors un instrument de la libération des femmes.
3. En 1983 : le bikini comme armure de la princesse Leia dans Star Wars
Aux antipodes du drame solaire La Piscine, le bikini fait ses débuts dans la pop culture en 1983, au sein du film Le retour du Jedi, troisième épisode de la saga culte Star Wars de Georges Lucas. Détenue prisonnière et réduite en esclavage par le monstrueux alien Jabba le Hutt, la princesse Leia (Carrie Fisher) arbore une création sculpturale, qui évoque les armures romaines antique, dont le haut remonte en un collier relié à une chaîne tandis que le bas se déploie en un pagne rouge carmin, le tout dévoilant une grande partie de son corps. Plus tard dans le film, dans une scène de combat mythique, la princesse Leia affronte et tue le monstre avant de s’échapper pour rejoindre Luke Skywalker (Mark Hamill). Ce costume, symbole de son emprisonnement mais aussi de sa force, évoque l’ambiguïté du vêtement à l’époque. En effet, si le deux-pièces est un vecteur d’émancipation des femmes depuis sa création, sa diffusion s’accompagne aussi de nouvelles injonctions autour des corps de celles-ci. Car les années 1980 ont vu naitre la culture du sport, notamment pour les femmes de l’aérobic et de la gym, l’émergence du bikini body et le début des régimes contraignants. Désormais, les corps des femmes sont au centre de l’attention. Dévoilant les courbes et laissant peu de place à l’imagination, le bikini devient aussi très rapidement un instrument de sexualisation, voire une forme de fétiche. Ainsi, en 2015, le costume culte porté par Carrie Fisher, s’est vendu à 96 000 dollars aux enchères.
4. En 1996 : “L’itsy, bitsy, petit” bikini de Chanel
Pour son défilé Chanel printemps-été 1996, l’immense créateur Karl Lagerfeld bouscule une fois de plus l’héritage de la maison de couture. Arborant une coupe garçonne noir corbeau, version punk de la coiffure signature de Gabrielle Chanel, Stella Tennant s’impose sur le podium, uniquement vêtue d’un micro bikini noir composé de deux cache-tétons ornés du monogramme Chanel. Le bas se veut tout aussi provoquant, simplement orné des deux C de la marque. L’effet est explosif. Ces quelques centimètres de tissus, encore plus minimales que le « maillot de bain plus petit que le plus petit maillot de bain du monde” de Louis Réard cinquante ans auparavant, exhibent le piercing au nombril du mannequin à l’attitude nonchalante. Décliné par la suite en rose bonbon sur le top model Carla Bruni, ou encore associé à un bermuda large et des bottes, le bikini s’est définitivement intégré dans le vestiaire féminin. Pièce toujours aussi iconique, le micro bikini Chanel refait surface en 2013 sur le mannequin Miranda Kerr dans les pages du magazine anglais I-D. Puis, en octobre 2018, c’est au tour de Kim Kardashian de faire le buzz avec l’un de ses célèbres « bikini selfies ». Sur Instagram, la business woman et star de télé-réalité dévoile sa plastique dans un micro bikini Chanel de 1996, avec pour seule légende “Chanel vintage, lets please be specific” (Chanel vintage, soyons précis), érigeant définitivement le bikini au panthéon des pièces subversives.
5. En 2021 : le bikini sexy et genderless de Ludovic de Saint Sernin
Depuis 2017, Ludovic de Saint Sernin bouscule, les normes de genre avec son label, au sein duquel il propose des pièces androgynes, mises en scène à travers un univers sensuel, poétique et lumineux. Lauréat du Prix du Label Créatif de l’ANDAM 2018 et finaliste du Prix LVHM la même année, il se fait surtout un nom dans l’industrie de la mode grâce à sa première collection de lingerie lancée en 2019. Son slip jockstrap à oeillets est immédiatement devenu son best-seller emblématique. C’est en 2021 qu’il lance une première collection de maillots de bain genderless, entre lingerie précieuse et tenue de bain sexy, véritable ode à l’amour et l’érotisme. Parfaitement ajustés, exaltant les lignes du corps de manière suggestive, les strings de bains lacés n’ont rien à envier aux bikinis : reprenant le modèle du fameux jockstrap, ils dévoilent les corps masculins et proposent une définition du sexy au-delà du genre. Dans un subtil jeu de miroir, le bikini Ludovic de Saint Sernin se veut donc l’exact reflet du slip de bain. Dans une interview pour Numéro Magazine en février 2022, le designer exprimait d’ailleurs ainsi sa philosophie : ”toute l’esthétique de la marque repose sur le corps, comment l’habiller et comment le déshabiller”. Quoi de plus pertinent que l’exercice du bikini pour l’illustrer.