10 jan 2025

Après la tendance Y2K, le style indie sleaze des années 2010 revient à la mode

Alors que les années 2000 continuent de truster nos mood boards et nos garde-robes, la tendance indie sleaze remet les années 2010 au centre de nos obsessions. Les icônes de cette esthétique sexy et parfois trash ? Amy Winehouse, Sienna Miller et Kate Moss.

Model Kate Moss and singer Pete Doherty walk backstage during the 2005 Glastonbury Festival being held at Worthy Farm in Pilton, near Glastonbury on June 25, 2005 in Somerset, England. The festival, founded in 1970, has grown into one of the largest outdoor green field festivals in the world.
Kate Moss et Pete Doherty au festival de Glastonbury dans le Somerset, en Angleterre, en 2005. Photo via Getty Images.

Alors que l’esthétique Y2K est toujours très présente, avec la dernière campagne Louis Vuitton x Murakami, les clips de la chanteuse Tate McRae et le retour de Paris Hilton, la fin des années 2000 et les années 2010 lui fait de plus en plus d’ombre.

Appelée indie sleaze, la tendance désigne les looks et le lifestyle vus en Angleterre et aux États-Unis lors de la décennie précédente. Le mot est apparu en 2021, sous l’impulsion de la créatrice de contenus Mandy Lee basée à Brooklyn. Et son utilisation s’est accentuée entre 2022 et aujourd’hui.

La tendance indie sleaze, ancêtre de l’esthétique brat

Ancêtre de la tendance brat lancée par Charli xcx, l’allure indie sleaze emprunte autant au punk, au rock, à la culture clubbing et à la new wave. Elle se veut désordonnée, dévergondée et débraillée. 

Taylor Momsen lors d'un concert de Bon Jovi avant les MTV Europe Music Awards, le 6 novembre 2010 à Madrid. Photo par Jeff Kravitz/FilmMagic via Getty Images.
Taylor Momsen lors d’un concert de Bon Jovi avant les MTV Europe Music Awards, le 6 novembre 2010 à Madrid. Photo par Jeff Kravitz/FilmMagic via Getty Images.

A l’époque du réseau social Myspace, de Tumblr et du blog de photos de soirée Cobrasnake, on portait des tee-shirt troués, des collants filés, des ballerines sales, des pièces imprimé léopard, des jeans slim, des écharpes fines et des débardeurs très échancrés. Mais aussi des boots pointues et des écharpes fines.

L’idée était alors d’avoir l’air de sortir d’un concert ou d’un after, en arborant un maquillage souvent dégoulinant et l’attitude des rock stars des années 70 et 80. Climax du style de cette ère-là ? Les défilés Dior homme par Hedi Slimane et les collections d’American Apparel (marque devenue très problématique en raison des comportements déplacés de son créateur), d’April 77, de The Kooples et de Cheap Monday.

Pop singer Amy Winehouse portrait session at Old Trafford Cricket Ground in Manchester, 2007. (Photo by Andy Willsher/Redferns)
Amy Winehouse au Old Trafford Cricket Ground à Manchester, en 2007. Photo par Andy Willsher/Redferns via Getty Images.

Kate Moss, Sienna Miller, Amy Winehouse… Icônes sexy de l’indie sleaze

La tendance sexy, insolente et festive a été lancée par des groupes de rock et d’électro (The Libertines, The Strokes, Justice, Klaxons, Arctic Monkeys) et leurs groupies hommes et femmes. 

Les grandes icônes de ce style outrancier étaient Kate Moss – qui fréquentait le dangereux Pete Doherty – en jean slim noir et manteau de fourrure léopard, Sienna Miller et son allure boho, Alexa Chung, Keira Knightley en jean taille basse et ceinture cloutée, Amy Winehouse et ses ballerines élimées, Sky Ferreira et son blouson en cuir, Lily Allen et son eyeliner prononcé ou encore M.I.A. en vêtements vintage colorés.

Il faut aussi ajouter à ces filles pour la plupart très badass la it Girl Cory Kennedy, la mannequin Agyness Deyn, l’actrice Mischa Barton (Newport Beach), la chanteuse Alison Mosshart (The Kills), la chanteuse Alice Glass (Crystal Castles), Pixie Geldolf, Irina Lazareanu, Alice Dellal, ou encore la chanteuse et actrice Taylor Momsen. Des séries comme Gossip Girl et Skins ont aussi marqué la pop culture à ce moment-là.

Le retour des années 2010 comme alternative à la clean girl

On a commencé à revoir émerger l’esthétique de ces stars et la musique de cette époque au moment du Covid, en 2020. Alors que les clubs étaient fermés, le monde est devenu nostalgique d’une époque où la fête battait son plein et où aucun téléphone portable de qualité pouvait capturer les moments de débauche. Les années 2010 étaient aussi celles des début des réseaux sociaux, qui n’avaient pas la même ampleur qu’aujourd’hui. Pour se faire des contacts, il fallait sortir.

Le revival indie sleaze, synonyme d’amusement et de lâcher prise, ressemble aussi à une réaction à un certain hygiénisme : le look et le lifestyle de la clean girl. Avec l’avènement d’Instagram, on a vu émerger un archétype de la fille healthy au style minimaliste qui est devenu un cliché.

Dans l’expression indie, il y a le mot indé, et on voulait, dans les années 2010, se démarquer, avec une importance accordée à la recherche de la pièce rare en friperie et au DIY.

EDINBURGH, UNITED KINGDOM - JUNE 18: Sienna Miller and Keira Knightley attendThe Edge Of Love - Gala Opening of Edinburgh International Film Festival at Cineworld on June 18, 2008 in Edinburgh, Scotland (Photo by Eamonn McCormack/WireImage)
Sienna Miller et Keira Knightley au Gala Opening d’Edinburgh au Film Festival de Cineworld, le 18 juin 2008. Photo par Eamonn McCormack/WireImage via Getty Images.

Uun revival parfois trop policé

Aujourd’hui, une page Instagram intitulée indie sleaze regroupe des images d’inspiration. Des figures de l’époque comme Uffie, Justice et MGMT font leur comeback. Nightcall de Kavinsky, qui était la BO de cette ère, est revenu au premier plan grâce à sa version des JO de Paris de 2024, reliftée avec Angèle. Les écouteurs sans fil, les platines vinyle et les appareils photos argentiques ont de nouveau la cote.

The Dare – Girls (2022).

Mais l’idée de contre-culture, trash, spontanée et hédoniste, s’est quelque peu dissolue. Le producteur The Dare copie, par exemple, recycle toute l’esthétique de cette époque, mais il n’en a pas le charme et l’authenticité. Son persona tient plus de la pose que du geste créatif pertinent. Il en va de même pour le groupe The Hellp et la photographe Maya alias Stolenbesos : tout est très joli chez eux, presque trop policé. Alors que dans les années 2010, on se regardait moins et on profitait plus, loin de l’ultra documentation de nos vies actuelle.

Les artistes qui ont vécu cette époque sont d’ailleurs plutôt sceptiques en ce qui concerne son comeback. Kavinsky nous confiait récemment : “Ça me dépasse un peu tout ça, les histoires de revivals. Et je n’éprouve pas de nostalgie. De nos jours, ce ne serait plus du tout possible de faire autant la fête. On n’est plus en état. On est trop vieux pour être aussi débiles qu’à l’époque. Le corps et le cerveau ont vieilli. On a beaucoup moins envie de faire les cons. Et puis je revois toujours les mêmes personnes qu’à l’époque, on est resté amis. On a donc évolué ensemble.”

Les gens sortaient toute la nuit comme s’il n’y avait pas de lendemain. C’est amusant de regarder les anciennes images de cette époque.” Uffie

Uffie nous expliquait de son côté être amusée par ce retour : “J’en parlais récemment avec mes amis du groupe Klaxons. Ce comeback nous a fait halluciner. Voir des photos vintage de nous en soirée, allongés dans une baignoire en vêtements colorés, postées sur Instagram me fait beaucoup rire, mais je trouve ça assez chouette. C’était une époque fun, avec un grand sentiment de liberté, une naïveté, même si les looks n’étaient pas toujours super. Les gens sortaient toute la nuit comme s’il n’y avait pas de lendemain.

La chanteuse, ajoute, presque avec nostalgie : “C’est amusant de regarder les anciennes images de cette époque. On adore tous retourner dans le passé et la mode fonctionne par cycles. On a eu le revival nineties, puis celui des années 2000. Alors c’est assez logique qu’on s’intéresse aujourd’hui aux années Myspace. Et puis, je dois l’avouer, je suis la première fan des revivals.”

Le chanteur James Righton, ex-membre des Klaxons s’avoue quant à lui flatté dans les colonnes de Numéro : “Je suis content si ça rend les gens heureux ! Je veux dire par là que c’était amusant à l’époque et que si les gens prennent du plaisir à regarder en arrière, ce n’est pas une mauvaise chose.”