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Quelle direction artistique Jonathan Anderson réserve-t-il pour sa marque ?
Quelques mois après des débuts prometteurs chez Dior inaugurés lors de la Fashion Week homme automne-hiver 2025-2026, Jonathan Anderson semble entamer un virage créatif pour sa marque JW Anderson. Voici ce qu’il faut savoir sur ce nouveau départ qui semble déjà avoir mis le monde de la mode en émoi.
par Nathan Merchadier.

Jonathan Anderson : un agenda chargé en 2025
C’est peu de le dire, l’année 2025 a été particulièrement chargée dans l’industrie de la mode. Entre les départs et les arrivées de créateurs au sein des principales maisons (de Demna chez Gucci à Pierpaolo Piccioli chez Balenciaga en passant par Matthieu Blazy chez Chanel), il fallait bien s’accrocher pour réussir à tout suivre. Au milieu de ce puissant maelstrom, la route tracée par l’un des designers les plus en vue de moment intrigue : le cas Jonathan Anderson.
En février 2025, le créateur irlandais imaginait les costumes au pouvoir (très) érotique du film Queer de Luca Guadagnino. Quelques mois plus tard, on apprend son départ de la marque Loewe (l’un des fleurons du groupe LVMH), où il pilotait l’intégralité des collections depuis 2013. Une séparation qui laisse un vide considérable, tant il a su révolutionner l’héritage de la maison espagnole, en créant un univers où mode, art et pop culture s’entremêlent sans jamais verser dans le trop conceptuel.


Des débuts chez Dior entre héritage et rupture
La suite s’écrit à Paris. En avril 2025, Dior officialise la nomination de Jonathan Anderson à la tête des collections masculines et féminines, avec un premier défilé présenté à peine deux mois plus tard. Derrière le Jardin des Invalides, la collection surprend par son équilibre entre respect des codes et geste disruptif. Une collection acclamée par la critique, où l’on assiste notamment au retour de l’ancien logo Dior, abandonnant les majuscules de l’ère Kim Jones et Maria Grazia Chiuri, pour revenir à l’oblique.
Le stakhanoviste irlandais Jonathan Anderson est désormais attendu le 1er octobre pour livrer sa vision de la femme Dior. Et les rumeurs parlent déjà d’une première collection haute couture en janvier, dont il sème ces derniers jours les inspirations sur le tapis rouge de la Mostra de Venise. Une cadence effrénée qui pose une question brûlante : comment ce créateur insatiable parviendra-t-il à reformuler sa propre grammaire mode au sein de sa marque JW Anderson, alors que Dior, mastodonte historique, semble exiger toute la lumière ?
Quel futur pour JW Anderson ?
Alors même que Jonathan Anderson cumule la casquette de directeur artistique chez Dior et celle de fondateur de sa propre marque, une question se pose : quel avenir réserve-t-il à JW Anderson, dont le dernier défilé remonte à septembre dernier ? Pour l’heure, l’enfant prodige de la mode semble avoir choisi de délaisser momentanément les podiums afin d’investir sa créativité ailleurs : dans la révolution de la façade virtuelle de sa marque.
Ces derniers mois, la refonte du site internet a donné le ton. Loin d’un simple espace marchand, la plateforme s’apparente désormais à un cabinet de curiosités numérique. Chaque pièce s’y présente comme une pièce rare, détachée de la logique consumériste classique, presque comme une œuvre exposée. On y découvre ainsi des objets de design, des capsules visuelles évoquant les codes des réseaux sociaux, ou encore des vidéos où les “amis de la maison” (à l’image du réalisateur Luca Guadagnino) arborent les créations du label.
C’est d’ailleurs aujourd’hui la seule porte d’entrée vers l’univers JW Anderson, puisque la marque ne possède aucun point de vente physique dans le monde (même s’il se murmure qu’il pourrait rouvrir sa boutique londonienne en marge de la prochaine Fashion Week). Une posture radicale, qui fait du digital non pas un canal de vente secondaire, mais le théâtre exclusif de sa narration créative.

Une nouvelle ère sans défilés ?
Cette orientation confirme que Jonathan Anderson préfère désormais inscrire JW Anderson dans un rythme plus expérimental, où le défilé n’est plus une norme mais un outil parmi d’autres. Une démarche qui fait écho au dernier show de la marque, en septembre 2024 à Londres, où le créateur avait volontairement réduit la collection à cinq matières, misant sur les coupes plutôt que sur la surenchère.
Comme il le déclarait déjà en 2015 lors d’une interview confiée à Numéro : “L’idée de codes est obsolète, car le public s’ennuie en 24 heures. Aujourd’hui, il faut divertir les gens, c’est le défi auquel sont confrontées toutes les industries”.
Reste à savoir si la marque JW Anderson deviendra un véritable laboratoire de formes et d’idées (l’espace où Jonathan Anderson peut tester ce qu’une maison comme Dior n’autoriserait pas), ou si la griffe s’achemine vers une identité plus conceptuelle, réservée aux initiés. Une chose est sûre : en repensant la mode comme un écosystème narratif, Jonathan Anderson trace une voie singulière pour l’avenir de sa propre maison.