16 déc 2020

Jean Paul Gaultier: histoire d’un roi du spectacle

Autodidacte et anticonformiste, Jean Paul Gaultier n’a eu de cesse de révolutionner les canons de la beauté et de repousser les frontières des genres, au fil de ses défilés spectaculaires. Inclusif avant l’heure, ce couturier visionnaire et iconoclaste a tiré sa révérence en janvier dernier avec un défilé aussi festif qu’émouvant au Théâtre du Châtelet.

Jean Paul Gaultier, autoportrait Polaroid.

En janvier dernier, au Théâtre du Châtelet, Jean Paul Gaultier faisait ses adieux à la mode avec un show haute couture de quelque 170 passages incluant des silhouettes pour hommes. Exceptés les looks de son complice Tanel Bedrossiantz qui aura quasiment été de tous ses défilés féminins, voilà plusieurs années que JPG n’avait plus signé de prêt-à-porter masculin. Pour des questions de rentabilité de sa société passée dans le giron du groupe espagnol Puig, et non par manque d’idées de la part de cet autodidacte qui aura incarné le mieux – et le plus longuement – le terme de “créateur”, employé à partir des années 70 pour désigner un styliste avant-gardiste.

 

 

À lire: l’interview exclusive de Jean Paul Gaultier

 

 

À cette époque-là, il n’est pas le seul à vouloir bousculer les us et coutumes vestimentaires. Thierry Mugler, Kenzo Takada, Sonia Rykiel, Jean-Charles de Castelbajac ou encore Issey Miyake l’ont même précédé dans le lancement de leur marque. La griffe Jean Paul Gaultier voit le jour en 1977 et, les premières saisons, il se concentre lui aussi sur la mode féminine. Chaque collection porte un nom – James Bond, High- tech, Le Dadaïsme… – évoquant son inspiration du moment. Celle du printemps-été 1984 est intitulée L’Homme-objet. En vérité, il s’attelle (enfin) au dressing masculin et propose des dos-nus pour commencer. Un an plus tard, c’est Et Dieu créa l’homme avec les premières jupes pour ces messieurs… Là où les esprits chagrins voient de la provocation, lui cherche surtout à souligner des changements de paradigmes dans l’image du “sexe fort”. Dans la vie de tous les jours, il est vrai que la réussite professionnelle commence à ne plus s’illustrer par le port d’un costume, ni par de l’embonpoint. D’ailleurs, les jeunes adultes se soucient davantage de leur ligne. Ils pratiquent des sports et, par extension, sont plus à l’aise avec leur corps. C’est flagrant dans moult publicités qui les déshabillent pour mieux vendre des articles de grande consommation, tandis que la mode masculine a malheureusement tendance à perpétuer les mêmes coupes et traditions depuis des lustres.

Irina Shayk en Jean Paul Gaultier.

Gaultier a le chic pour pressentir l’air du temps en cette fin des années 80, début 1990. À travers ses créations, ses castings et ses mises en scène, il parle de la diversité, du genre ou de
la parité, qui ne font pas encore débat. Il s’en explique au besoin avec sa gouaille de titi parisien, devient un personnage public à nul autre couturier pareil et anime même, en tandem avec Antoine de Caunes, une série d’émissions intitulées Eurotrash pour la télévision britannique. Cette notoriété exceptionnelle pour une figure de la mode est aussi due à ses costumes pour des films et des spectacles, dont la tournée mondiale de Madonna avec un corset doté de seins dressés comme des obus en 1990. En parallèle, il a également le nez pour éditer des parfums qui deviendront des best-sellers, dont Le Mâle, dans un flacon musclé aux airs canailles comme un marin de Jean Genet. Ce sera la fragrance masculine la plus vendue au monde pendant plus d’une décennie.

 

 

À lire: le dernier show Jean Paul Gaultier en 3min 36

 

 

Au début des années 2000, il lance la ligne Tout beau,
Tout propre
englobant des produits de soin et de maquillage pour ces messieurs. Contre toute attente, certaines références comme le eye-liner sont rapidement en rupture de stock. Entre- temps, en 1997, il a également réalisé son vieux rêve de se lancer dans la haute couture, qui offre bien plus de libertés. Chaque création est une pièce unique façonnée à la main, contrairement aux modèles de prêt-à-porter dont la coupe et le montage sont simplifiés pour être reproduits en quantité industrielle. Ce nouveau champ d’expression le passionne. Il ne se lasse pas de réinterpréter ses codes d’une saison sur l’autre. Ses shows spectaculaires comportent parfois des silhouettes pour hommes alors que la couture est censée s’adresser exclusivement aux femmes. Une tradition de plus dont il a eu bien raison de se moquer.

 

Gigi Hadid en Jean Paul Gaultier.