Comment Kim Jones a réinventé l’homme Dior
Orfèvre de la coupe adulé des stars et des milléniaux, Kim Jones a toujours été en prise sur son époque. Suivant ses intuitions, le créateur anglais a brillamment relevé le défi de réinventer l’homme Dior, attirant vers le luxe les adeptes d’une mode streetwear grâce à des collaborations pointues qui se sont révélées des coups de maître. Un parcours sans faute qui lui a récemment valu d’être également nommé à la tête des collections féminines de Fendi.
Kim Jones n’est pas un directeur artistique égocentré. Il a toujours fait passer les codes des maisons qui l’ont employé avant ses goûts personnels. Par ailleurs, ses faits d’armes dont la mode se souvient en particulier sont des saisons où il partageait l’affiche avec une autre marque ou personnalité. La plus mémorable d’entre toutes ses géniales collaborations est bien évidemment celle avec le label américain Supreme pour l’automne-hiver 2017-2018, quand il dirigeait l’univers masculin de Louis Vuitton. Puis, chez Dior, où il est en poste depuis le printemps 2018, il a déjà sollicité les artistes Kaws, Hajime Sorayama, Raymond Pettibon, Daniel Arsham et, dernièrement, le graffeur Shawn Stussy de la marque californienne du même nom, pour l’automne actuellement en boutique.
À lire: l’interview inédite de Kim Jones.
Ces succès répétés pour le compte d’autres maisons ont presque fait oublier que Kim Jones a eu sa propre marque pendant quelques saisons. C’était au début des années 2000, à l’issue de ses études en mode masculine au Central Saint Martins College of Art and Design. Les garçons qu’il aime alors présenter à Londres ou à Paris ont des dégaines de bad boys qui roulent des mécaniques en jogging moulé serré. Dans la foulée, il est invité à signer quelques modèles pour l’équipementier sportif Umbro, avant de décrocher, en 2008, son premier poste comme directeur artistique à 35 ans. Il s’agit alors de Dunhill dont ce n’est pas la première tentative de diversification dans le prêt-à-porter. Ses collections pour la vénérable institution anglaise sont justes, mais surtout elles esquissent en creux le portrait d’un jeune designer particulièrement respectueux des griffes institutionnelles.
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En 2011, voilà donc Kim Jones recruté comme directeur du studio homme de Louis Vuitton, sous la direction artistique de Marc Jacobs qui ne fera bientôt plus mine de s’intéresser un minimum à la mode masculine. Qu’importe, le Britannique prend immédiatement ses nouvelles fonctions très à cœur. L’histoire de la maison française qui fabrique des articles de voyage depuis plus d’un siècle le renvoie à sa propre enfance, quand ses parents globe-trotteurs déménageaient d’un pays d’Afrique à l’autre au gré des affectations professionnelles. Rapidement, ses collections pour le malletier se révèlent comme autant d’escapades aux quatre coins du monde, tramées de couleurs et de motifs évoquant d’autres cieux. Parfois, il croise ses inspirations avec des imprimés des frères Chapman ou de Christopher Nemeth. Mais son rapprochement stylistique le plus audacieux sera celui qu’il met en œuvre avec le label rouge écarlate du New-Yorkais James Jebbia, propulsant le leader mondial du luxe au rang de must have chez les gamins du monde entier.
À lire: la collaboration entre Kim Jones et l’artiste Sorayama pour Dior Homme.
Les modèles Louis Vuitton x Supreme sont en rupture de stock avant même leur arrivée en boutique. Ainsi, LVMH prend conscience de l’intérêt croissant d’une nouvelle clientèle pour le luxe. Bientôt, Virgil Abloh et Rihanna intégreront l’écurie du groupe. Et l’auteur du coup de maître de se voir proposer l’univers masculin de Dior, dirigé depuis plus d’une dizaine d’années par le Belge Kris Van Assche. En mars 2018, Kim Jones est ainsi nommé avenue Montaigne à la surprise générale. Trois mois plus tard, il dévoile une première collection extrêmement complète qui brasse les codes du fondateur et de ses successeurs, côté couture et prêt-à-porter féminin plutôt que mode masculine. Il s’agit d’une véritable rupture après quelque vingt ans de dressing masculin Dior Homme sous l’emprise majoritaire du noir. Ses saisons suivantes sont tout aussi riches en déclinaisons et effets spéciaux brodés par les ateliers. Au sein de cette maison de couture, Kim Jones va jusqu’à rêver de transposer cette exception française au masculin. Un rêve qui pourrait s’exaucer autrement à partir du printemps 2021, sachant que ce talentueux Britannique vient d’être nommé à la place de feu Karl Lagerfeld chez Fendi, comme directeur artistique des collections féminines de la maison romaine, en parallèle à ses fonctions chez Dior.