18 oct 2022

À Hyères, l’Atelier Montex dévoile ses broderies avec une exposition immersive

Alors que la 37e édition du Festival d’Hyères vient de s’achever en couronnant de nouveaux talents émergents de la mode et de la photographie, le moment était aussi propice à la découverte des Métiers d’art de Chanel. En effet, Aska Yamashita, directrice artistique de l’Atelier de broderie Montex appartenant à ces métiers d’art, présidait cette année le jury Accessoires de mode. Elle a notamment fait découvrir son savoir-faire à travers des ateliers ouverts aux visiteurs et une installation participative, composée des rideaux de cuir brodés de leurs mains.

La broderie, c’est du rêve, le glamour créé par l’ennoblissement du vêtement, résume Aska Yamashita, la directrice artistique de l’Atelier de broderie Montex, à Numéro. Fondé en 1949, cet atelier accumule donc désormais soixante-quinze ans de savoir-faire de brodeur. Racheté par Chanel en 2011, il est désormais installé parmi ses Métiers d’art sur son fameux site du 19M. Alors que la 37e édition du Festival d’Hyères vient de se clôturer, la maison Montex qui participait au jury en a profité pour investir la villa Noailles afin de faire connaître l’évolution du métier de brodeur et montrer comment tradition, innovation et technologie évoluent ensemble.

 

Une installation d’Aska Yamashita à la villa Noailles

 

Profitant de la visibilité du festival d’Hyères, l’Atelier Montex proposait le temps d’un week-end à la villa Noailles une installation intitulée Broderythme, pensée comme une expérience immersive dans la broderie. Au sein de l’espace immaculé, cinq larges panneaux à l’allure de rideaux ajourés, confectionnés à partir de modules de cuir d’agneau découpés et rebrodés, invitaient les visiteurs à une déambulation poétique parmi eux. Jouant avec la lumière vibrante pénétrant dans l’édifice, ces pièces de cuir imprimé, brodées et ponctuées de Rhodoïd, créaient un dialogue avec l’architecture et les volumes modernistes de la villa Noailles. “Cette installation n’a aucune prétention artistique, soulignait avec modestie Aska Yamashita. Elle n’a d’autre but que de montrer ce que nos artisans sont capables de réaliser. Nous possédons un savoir-faire artisanal vivant, qui est en permanente évolution. Je ne voulais pas me contenter d’exposer des échantillons de broderie sous cadre, car en règle générale, ce n’est pas du tout comme cela que je perçois cette pratique. J’avais plutôt envie d’exprimer autre chose par le biais de ce savoir-faire, notamment en collaborant avec le public.

 

En plus de cette installation où chacun avait la possibilité de se promener librement durant le festival, le public était en effet invité à s’initier aux techniques de broderie de Montex en compagnie des membres de l’atelier. Dans une atmosphère estivale et propice à l’apprentissage, les participants étaient invités à mettre la main à la pâte et à se saisir du matériel des artisans pour exprimer librement leur créativité sur des chutes de cuir en venant y coudre à leur guise des petites perles de forme et de taille différentes, afin d’intégrer ensuite leurs pièces brodées aux panneaux exposés.

Le workshop de l’Atelier Montex au Festival d’Hyères. ©Chanel

Une palette de techniques de broderie adaptables à l’infini

 

L’Atelier Montex s’est initialement fait connaître pour ses tissus brodés vendus au mètre destinés aux maisons de couture parisiennes. Un savoir-faire bien différent de celui de la maison Lesage puisque celle-ci ne fournit pas de tissu au mètre mais vient broder à la demande des matières précieuses sur des échantillons précis ou  des pièces spécifiques. Si la broderie évoque l’image du travail minutieux réalisé à la main, point par point, exigeant une main-d’œuvre nombreuse, ce travail peut – comme le démontre l’Atelier Montex – être assisté de divers outils permettant d’appliquer des matériaux variés sur de plus grandes surfaces. En effet, depuis sa fondation, Montex n’a cessé de faire évoluer son savoir-faire et maîtrise dorénavant une multiplicité de techniques de broderie bien particulières. Il est notamment spécialiste de la broderie au crochet de Lunéville : une technique consistant à enfiler des perles et à fixer le fil qui les tient en un point de dentelle. Cet atelier d’excellence se sert également de l’aiguille et de la machine Cornely, permettant de piquer sur le tissu toutes sortes de matières : des cordelettes, des galons, ou des paillettes en quantité. Pampilles, strass, perles, cristaux constituent l’ensemble des fournitures de la maison… Capable de combiner à l’infini ces possibilités techniques et ces matériaux, l’Atelier Montex ne cesse de repousser les limites de l’imagination pour élaborer des tissus toujours plus novateurs et inspirants se prêtant à toutes les fantaisies créatives des designers.

Échantillon de broderie Atelier Montex ©Chanel

Si l’excellence de l’Atelier Montex a donné ses lettres de noblesse à ce métier d’artisan, elle l’a aussi aidé à traverser les époques. Les directeurs artistiques qui se sont succédé au sein de l’Atelier Montex ont notamment su faire évoluer ses propositions créatives pour répondre à de nouveaux besoins. L’arrivée, au début des années 1980, d’Annie Trussart à la direction artistique a notamment donné un coup de fouet à la maison pour l’orienter vers un univers précieux. Sa parfaite connaissance de la broderie associée à sa passion de l’architecture lui permet de mélanger les influences pour explorer de nouveaux terrains créatifs. Elle crée des motifs uniques, dessinés exclusivement pour chaque modèle, met au point des associations de matières inédites, et imagine ainsi des échantillons de broderie en phase avec l’époque, à l’instar de la dentelle brodée sur du papier journal, ou encore des spirales en perles baguettes tri-dimensionnelles, montrant l’éventail infini des possibilités dans le domaine de la création textile. Une technicité qui n’est pas cantonnée aux seules frontières de la mode et peut intéresser bien d’autres sphères du design. Au-delà du prêt-à-porter de luxe et de la haute couture, cette approche novatrice conduit ainsi la maison à développer, trente ans après, un nouveau département dédié aux projets de décoration et d’architecture intérieure. Nommé studio MTX, celui-ci développe des broderies graphiques, libérant ce délicat ornement de ses matériaux traditionnels en l’interprétant sur du mobilier de la vie de tous les jours. Respectivement rachetés par les Métiers d’art de Chanel en 2002 et 2011, les maisons Lesage et Montex avancent dorénavant main dans la main, participant à faire vivre le savoir-faire des brodeurs à travers le monde. Si elles continuent à collaborer avec de grandes maisons de mode, leurs savoir-faire exceptionnels s’illustrent aussi lors des défilés haute couture et Métiers d’art de Chanel depuis le début des années 2000.