11 juin 2025

6 défilés de mode inspirés par des films cultes

James Bond en combinaison de plongée, un défilé Blade Runner à Chinatown, un tueur en série sur un podium… Retour sur six défilés inspirés par des films cultes.

  • Par Alexis Thibault

    et La rédaction.

  • Le défilé Alexander McQueen automne-hiver 2008 inspiré par le film Dracula de Francis Ford Coppola.

    Défilés inspirés par des films : Alexander McQueen et le Dracula de Coppola

    L’acteur britannico-américain Gary Oldman a toujours frappé par ses performances dignes d’un transformiste. Tantôt Lee Harvey Oswald, assassin de John Fitzgerald Kennedy (1992), tantôt Ludwig Van Beethoven (1995) chacun retient surtout son incroyable prestation dans le Dracula de Coppola en 1993. Allant jusqu’à terroriser Wynona Ryder pendant le tournage, l’acteur s’interroge toutefois sur la façon dont il doit préparer son personnage. Alors que certains déambulent en costume – tous signés par la créatrice japonaise Eiko Ishioka, illustre collaboratrice de Björk – ou perfectionnent leur posture à cheval, lui apostrophe son réalisateur et lui demande “Que dois-je faire ? J’ai 400 ans et je suis supposé être mort !”.

    La question restera sans réponse… Gary Oldman devra composer seul, inspiré par le Nosferatu de 1922 et se satisfaire d’une allergie au latex récoltée après un changement de costume… En 2009, c’est Alexander McQueen qui, lors de son défilé automne-hiver 2009, présente une silhouette masculine en costume noir, canne en main, coiffé d’un haut-de-forme avec un manteau posé sur les épaules. Une référence directe aux apparitions du compte Dracula sous forme humaine dans l’œuvre de Francis Ford Coppola. En 2008, lors du défilé automne-hiver, c’est une femme qui apparaissait drapée d’une robe écarlate, des cornes en bijoux sur la tête, évoquant la coiffure de Gary Oldman – dans sa version monstrueuse cette fois – ainsi que sa longue cape rouge sang.

    Le défilé Louis Gabriel Nouchi automne-hiver 2024 inspiré par l’univers du film American Psycho.

    Louis Gabriel Nouchi et le trader tueur en série d’American Psycho

    Golden Boy le jour, serial killer la nuit. Issu de la folle psyché du romancier Bret Easton Ellis, le trader charismatique Patrick Bateman nait en 1991 sur le papier : un requin de Wall Street en costume qui écoute INXS, écume les clubs branchés et dissimule à tous sa seconde identité… un psychopathe qui décapite ses victimes sans aucun remord. Neuf ans après la sortie de l’ouvrage, devenu culte, une adaptation cinématographique signée Mary Harron met en scène Christian Bale mais ne convainc pas vraiment la critique.

    Pour les Cahiers du Cinéma, l’œuvre reste “un film sans aspérité qui peine à trouver le ton juste pour un sujet à la fois évident et fuyant.” Quant au Monde, il regrette que le scénario soit si mal mené. L’histoire s’enlise très vite dans une série de massacres inutiles…” Mais lors de la Fashion Week homme de Paris automne-hiver 2023-2024, Louis Gabriel Nouchi propose un ballet inattendu ainsi qu’une réflexion au sujet de la masculinité toxique et des rapports de domination sociale. Dans la lignée des défilés de mode inspirés par des films cultes.

    Un clin d’œil à l’uniforme du personnage fictif à travers un tailoring affûté, marqué par les épaules larges et rigides des chemises, blazers et manteaux et une taille cintrée pour retrouver l’allure de l’uniforme des hommes d’affaires des années 80, tandis que certains ensembles s’agrémentent de gants moulants en cuir… l’idéal pour ne laisser aucune empreinte. Moins littéralement, l’univers sanguinolent du récit raconté par Ellis résonne dans des robes asymétriques et ensembles drapées loungewear entre confort et sensualité, des cuissardes XXL portées avec des robes à fentes profondes, toutes en couleur rouge sang.

    Cette atmosphère aussi formelle qu’inquiétante s’incarne également dans le choix des matières et des couleurs, majoritairement sourdes, quand celles-ci ne sont pas réveillées par du bleu layette. À côté du jersey, du jacquard satiné, et du mohair, le cuir s’invite sur des sacs et accessoires moulés en forme de machette ou de tronçonneuse. Des pantalons amples, tee-shirts, vestes et pantalons ajourés par de fines lignes en matière transparentes, ou encore des manteaux translucides couleur chair aux airs de secondes peau amènent à ce vestiaire la part de fluidité et d’érotisme subtil devenus la signature du label parisien depuis sa création en 2017.

    Le défilé Raf Simon printemps-été 2018 inspiré par l’univers du film Blade Runner.

    Défilés inspirés par des films : les Replicants de Blade Runner pour Raf Simons

    Octobre 2017. Le cinéaste canadien Denis Villeneuve rend un vibrant hommage à Ridley Scott en poursuivant son Blade Runner, adaptation du roman éponyme de science-fiction signé Philip K. Dick. Pensé comme une suite directe, ce second opus pop intitulé Blade Runner 2049 s’offre un scénario signé Hampton Fancher, déjà auteur de l’original. Une véritable extension du film de 1982…

    Et Denis Villeneuve de justifier son choix: “J’ai toujours été attiré par les films de science-fiction ayant une signature visuelle qui vous entraîne dans un monde parallèle unique, Ridley Scott a eu l’idée géniale de mêler SF et film noir afin de créer cette exploration unique de la condition humaine.” Pourtant, trois mois plus tôt, un créateur belge s’était déjà emparé de l’univers de Philip K. Dick… Il est un peu moins de 22h00, en juillet 2017, lorsque la foule new-yorkaise se presse sous un pont de Chinatown pour découvrir la collection printemps-été 2018 de Raf Simons.

    Au premier rang, sous les lanternes chinoises écarlates, le rappeur A$AP Rocky et l’acteur Jake Gyllenhaal scrutent la première silhouette du défilé : un imperméable en caoutchouc, un parapluie transparent et une veste à laquelle on a intégré un affichage numérique au dos. Il ne pleut pas, mais les mannequins défilent sur l’asphalte trempé en arborant des ponchos, des chemises cols boutonnés, des manteaux à carreaux ou encore cette pièce arborant le terme “Replicant”, référence directe aux robots humanoïdes de l’œuvre de SF qui, à l’origine, s’intitulait : Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? En filigrane, de multiples références au groupe de post-punk de Manchester… New Order.

    Le défilé Jean Paul Gaultier homme automne-hiver 2011 inspiré par l’univers de James Bond.

    L’espion James Bond selon Jean Paul Gaultier en 2011.

    Le défilé Jean Paul Gaultier automne-hiver 2011 n’avait pas fait l’unanimité. Le créateur français y célèbre une icône de style et de cinéma, faisant surgir sa première silhouette sur un standard de jazz symphonique signé Monty Norman et John Barry : le thème inoubliable de James Bond 007 contre Dr No (1962). Rebaptisé “James Blonde”, ce défilé détourne les looks de l’agent secret imaginé par le romancier britannique Ian Fleming, héros incarné tour à tour au cinéma par Sean Connery, Pierce Brosnan ou encore Daniel Craig. 

    Pistolets silencieux en main, les ersatz de l’espion – masculins et féminins – se succèdent sur le podium, arborant fièrement des trenchs noirs, des smokings à fermeture Éclair, des lunettes de soleil futuristes, de longues écharpes de soie blanches, des bikinis dorés, des jupes longues et des bas résille surmontés d’un holster à la cuisse (en cas de besoin). Le héros, le vilain et la James Bond girl… En coulisse, le créateur expliquera : “J’ai voulu montrer un homme-objet, partant de Sean Connery, archétype de l’élégance totale au masculin, en montrant aussi un côté plus féminin. Quant aux caleçons et blousons de plongée, c’est une nouvelle matière, un néoprène tout fin, presque comme une soie mais avec un plombé caoutchouc…

    https://youtu.be/pva7tGZkij4

    Jeremy Scott et son grand hommage aux films d’horreurs chez Moschino

    Si le film d’horreur qualifie un genre cinématographique dont l’objectif est de créer un sentiment d’angoisse ou de répulsion chez le spectateur, le slasher, lui, met systématiquement en scène les meurtres d’un tueur psychopathe, parfois défiguré ou masqué, qui élimine méthodiquement les membres d’un groupe de jeunes… Si le lien avec la mode n’est pas évident, pour Jeremy Scott, il est tout trouvé. Un thème qui aurait pu illustrer à lu seul les défilés inspirés par des films. Le créateur américain s’inspire de l’emblématique Scream de Wes Craven – et aussi de la légende de Dracula – pour son défilé Moschino printemps-été 2020, présenté au mois de juin.

    Et pour faire les choses correctement, il s’installe à Hollywood, dans des studios très particuliers : Colonial Street, connue par certains sous le nom de Wisteria Lane rue fictive de la série Desperate Housewives. On y retrouvera des perruques façon Drew Barrymore (Scream), des jumelles (Shining), un épouvantail, une robe blanche et une immense main de primate (King Kong) … Sorcières, sirènes, momies, squelettes et cadavres sont ainsi les stars d’une collection humoristique et spectaculaire préfigurant le retour tonitruant des looks gothiques menés par le succès de la série Mercredi sur Netflix, personnage de la famille Addams incarné par Jenna Ortega.

    Le défilé Marine Serre automne-hiver 2025-2026 à la Monnaie de Paris inspiré par l’univers du réalisateur David Lynch.

    Marine Serre s’offre un décor iconique de David Lynch

    Marine Serre a frappé fort avec sa collection automne‑hiver 2025‑2026, présentée à la Monnaie de Paris. Une proposition entièrement inspirée par l’univers onirique de David Lynch, et plus particulièrement la mythique Red Room de la série Twin Peaks lancée en 1990. Le défilé s’ouvre sous un rideau écarlate, modèles progressant sur un sol damier, recréant fidèlement l’ambiance surréaliste du salon de la série. On comprend aussitôt que Marine Serre joue la carte du contraste : silhouettes fortes, épaules redessinées, ceintures cintrées et redingotes austères, entre sensualité 1950 et puissance des eighties.

    Puis la palette chromatique se resserre sur le noir, le blanc et ce rouge profond, avec quelques touches jaune beurre et bleu, histoire de casser l’intensité. La créatrice française confirme la tradition des défilés inspirés par des films et combine son esthétique à un style cinématographique digne d’un film lynchien. 

    Les pièces phares : catsuits en cuir à la structure quasi armure, bodys tigre mystérieux, robes mosaïques montées à partir de bracelets‑montres .Et chaque ensemble fonctionne comme un personnage : des figures lynchiennes — héros, femmes fatales, étrangers inquiétants — déambulent dans ce décor à la frontière du réel. D’autant que la mise en scène, couplée à un court‑métrage post‑show, plonge le spectateur dans une narration fragmentée, tout en traduisant une maturité affirmée de la marque. Cette collection signe un tournant : Marine Serre assume pleinement son statut de créatrice engagée et cinéphile, magnifiant l’upcycling à travers un prisme narratif et visuel mature.